10 HISTOIRE DE VENISE. cette division à la disposition du général français, - parce qu’il leur avait promis de mettre la république en possession des ports qu’elle avait précédemment occupés sur les côtes de la Fouille. Au lieu de prendre sa route par Rome, comme il en était sollicité par le pape, pour en chasser les Impériaux, il longea la côte de l’Adriatique, et rentra sur le territoire napolitain par la province de l’Abruzze. Les généraux qui commandaient l’armée impériale dans Rome, sentirent qu’ils ne pouvaient laisser conquérir le royaume deNapIes sous leurs yeux, sans se porler à sa défense : mais le difficile était de déterminer des soldats indisciplinés à sortir d’une capitale qu’ils saccageaient depuis dix mois. Ces bandits, que le pillage avait enrichis, déclaraient qu’ils ne marcheraient pas, si on ne leur payait tout ce qui était arriéré de leur solde. L’empereur, qui croyait s’être acquitté, en abandonnant à leur discrétion la ville de Rome, n’avait point fait de fonds. On eut à négocier avec le pape, qui, brûlant de rentrer dans sa capitale, paya quarante mille ducats aux Impériaux, pour les décider à en sortir. Lautrec se crut en droit de se plaindre d’un arrangement si contraire aux intérêts de son souverain ; il allait avoir celte armée à combattre ; il est vrai que la peste et le désordre l'avaient réduite de moitié; mais ce n’en était pas moins un corps considérable, qui venait à la défense de Naples. Le pape, après avoir délivré Rome, sommait les Vénitiens de lui rendre Ravenne et Cervia. Le sénat ne jugea pas que les affaires fussent assez éclaircies, pour se dessaisir de places qui étaient à sa convenance. Il imagina des prétextes, pour retarder cette restitution, et méprisa les menaces du pape, qui déclarait que l’injustice de ses alliés allait le forcer à se détacher de la ligue, et à se jeter dans le parti de l’empereur. On voit qu’il régnait peu d’accord entre les confédérés. Pendant que l’armée de Lautrec, secondée par une escadre vénitienne de seize galères, après avoir conquis beaucoup de petites places dans le royaume de Naples, mettait le siège devant la capitale, et que la république rentrait en possession des ports de Monopoli, de Trani et de Brindes, un corps de dix mille hommes de troupes impériales, sous les ordres du duc de Brunswick, descendait dans la province de Vérone, et venait attaquer les frontières de l’État vénitien. Le général de cette armée, parodiant les cartels envoyés à Chnrles-Quint par Henri VIII et par François Ier, fit appeler en duel le doge Gritti, alors octogénaire. Les suites de son expédition furent dignes de cette ridicule bravade. Il trouva partout de la résistance, ne sut la vaincre nulle part, ravagea les campagnes, perdit presque toutes les troupes qui lui avaient été confiées, et se retira avec honte. De grands succès semblaient promis à l’armée française, du côté de Naples. Elle n’avait plus à conquérir que cette capitale et Gaëte. Naples était assiégée par terre, et son port était bloqué par la (lotie alliée, qui avait baltu et presque détruit la Hotte de l’empereur. Il n'exislait plus de moyens de ravitailler cette grande ville. Le maréchal de Lautrec ne présumait pas trop de sa fortune, lorsqu’il écrivit à François 1er que bientôt il espérait le rendre maître de ce beau royaume. Cetle espérance ne se réalisa point, mais cc fut par des causes qui ne pourraient avec justice être imputées à ce général. Au lieu des sommes qu’on lui avait promises pour l’entretien de son armée, il ne reçut que de faibles à-comptes. Le Génois André Doria, le plus grand homme de mer de son temps, était au service de la France. On commit la faute de lui donner des sujets de mécontentement. 11 fit son accommodement avec l’empereur, et vint lui-mème, avec les galères qui lui appartenaient, ravitailler Naples. Le lléau de la peste, que les Impériaux avaient rapporté de Rome, gagna le camp des assiégeants, et y fit d’horribles ravages. Il ne restait pas quatre mille hommes en état de combattre. Lautrec lui-même fut alteint de cette funeste maladie, et y succomba. Quand le marquis de Saluces, qui le remplaça dans le commandement, aurait eu des talents extraordinaires, il lui eût été impossible de sauver l’arinée dans ces déplorables circonstances. Comment livrer combat avec des troupes si affaiblies et découragées? Comment effectuer une retraite avec tant de malades intransportables? Il décampa, à la faveur d’une nuit orageuse, abandonnant presque toute son artillerie: au point du jour, il vit la cavalerie impériale à sa poursuite. Les Français ne firent qu’une faible résistance; Pierre Navarre, qui, quoique malade, commandait le corps de bataille, fut fait prisonnier et emmené à Naples ; il fut étranglé dans le fort même dont les Espagnols lui avaient dû la conquête vingt-cinq ans auparavant. Ce ne fut qu’avec peine que les Français dispersés, arrivèrent jusque sous les murs d’Aversa ; là, Saluces se vit bientôt assiégé à son tour, blessé d’un coup de canon, et réduit à capituler le 30 août 132S. Ou ne lui accorda que la permission de se retirer, mais sans armes, sans drapeaux, et une division des troupes de l’empereur escorta les débris de l’armée française jusqu’aux frontières. Saluces ne revit point sa patrie, il succomba à sa blessure et à son chagrin. Les atlaires de Naples étaient déjà désespérées, lorsque François 1er lit un effort pour envoyer du secours à son armée. Le comte de St-Pol arriva dans