281 HISTOIRE I)E VENISE. des emprunts, la répartition des impôts, l’emploi des revenus publics. A cet égard son autorité n’avait de limites qu’en ce qu’il ne pouvait ni augmenter les tarifs, ni établir de nouveaux impôts, sans recourir à l’autorité du grand-conseil. C’élait là que se préparaient les projets de lois ou d’impositions à proposer au corps souverain. Enlin, c’était le sénat qui, pour les places les plus importantes, avait le droit de désignation , et qui même nommait à plusieurs, par exemple aux commandements militaires et aux ambassades. On voit que cette assemblée était investie de la véritable aulorité du gouvernement; qu’elle était composée de soixante sénateurs, de soixante adjoints, et d’un nombre encore plus considérable de personnages qui y prenaient séance, à raison des magistratures temporaires dont ils étaient revêtus. Tous ces membres siégeaient au grand-conseil ; de sorte que lorsqu’ils y renvoyaient une affaire, ils y portaient en même temps plus de deux cents voix. Les sénateurs étaient nommés par le grand-conseil, et avaient à courir tous les ans les chances d’une nouvelle élection ou conlirmalion (1) : quant aux adjoints, leur confirmation était d’abord soumise au sénat, et ce n’était que sur la liste proposée par lui que le grand-conseil avait à délibérer. L’importance des fonctions sénatoriales donnait à ceux qui les avaient exercées avec éclat une telle influence qu’ils parvenaient à s’y perpétuer. Comme c'était d’ailleurs le vrai domaine de l’aristocratie, les grandes familles regardaient ces places comme leur apanage. Une loi de la lin du xvu0 sièçjc lit cesser cetlte perpétuité d’une partie des sénateurs, en limitant à trois ans l’exercice continu de cette dignité. La forme des scrutins était, dans le sénat, un peu moins compliquée quedansle grand-conseil : le sort n’y avait aucune part; mais elle se réduisait toujours à former des listes sur lesquelles l’assemblée choisissait. On opinait par le moyen des boules. Le droit de faire des propositions appartenait exclusivement au collège, c’est-à-dire au conseil du doge. Les sénateurs devaient être âgés de quarante ans ; ils avaient le droit de s’opposer aux propositions, et ces oppositions entraînaient des formalités et des délais, qui équivalaient à un rejet. Pour les rendre moins fréquentes, on prenait souvent le parti de nommer l’auteur de l’opposition à un emploi extérieur, qui ne lui était pas agréable, et qu’il ne pou- (l)«Senatusveneluscentum et viginlilegUimos senalorc tialiel : mulli taraen praiterca magistratus obtinent jus tsenatorium, ailco ui nostra lempestate duccnliet vigiuli ut amplius jus liabeant ferendi suffragium in sénatu. Sena-lores tegitimi singutis auuis ab uiiivcrso civiuiu ccetu vait refuser sans se soumettre à une amende assez considérable. VIII. L’exécution de toutes les mesures du gouvernement était confiée à ce qu’on appelait la seigneurie, c’est-à-dire le conseil du doge. Les conseillers du doge étaient au nombre de six, pris nécessairement dans chacun des six quartiers de la ville. Les trois chefs de la quaranlic criminelle prenaient séance au collège. Les conseillers étaient élus par le grand-coriseil pour huit mois. Les présidents de la quarantie, par la quarantie elle-même, et pour deux mois seulement. C’étaient les conseillers qui ouvraient toutes les dépêches adressées au prince, même hors de sa présence, tandis que le doge lui-même ne pouvait les ouvrir. Ils présidaient sous le doge, ou en son absence, les séances du sénat et du grand-conseil. Le plus âgé d’entre eux prenait, dans ces occasions, le titre de vice-doge. On le traitait de sérénité; mais il ne portait point les insignes du prince, et ne se plaçait jamais sur le trône, môme pour donner audience à un ambassadeur étranger. Les conseillers convoquaient les assemblées d’État, ouvraient et fermaient les discussions, et soutenaient, avec les sages, les propositions émanées du gouvernement. Ils prononçaient sur les questions de compétence entre les tribunaux, et jugeaient même quelques affaires civiles, soit en matière bènéficiale, soit lorsqu’il s’agissait de contestations entre les particuliers et le fisc. Mais dans ces circonstances, le collège n’était considéré que comme tribunal de première instance, et il y avait appel de ses jugements à la quarantie criminelle. C’est une monstruosité, disait fra Paolo, qu’un tribunal, où siège le doge lui-même, soit sujet à voir réformer scs arrêts par d’autres juges. Mais il n’y eut jamais moyen de dépouiller la quarantie de celte attribution. En corps ou individuellement, les conseillers donnaient des audiences publiques pour recevoir les réclamations des citoyens de toutes les classes. Enfin, pendant, la vacance du trône ducal, ils remplissaient les fonctions du doge et s’en partageaient les émoluments, ils ne quittaient le palais ni le jour ni la nuit et y étaient nourris aux frais de l’Etat. Ce conseil s’adjoignait seize sages, élus par le sénat. C’était la réunion de ces vingt-six personnes qui formait ce qu’on appelait le collège. (quem magnum consilium nominari sæpius est repelilum) crcanlur. » iGasp. Contarini, De Hep. Vcnelor, Iil>. 3; Léopokl Curti, Mém. hist. et politig. sur ta répub. de /'mise, Ire partie, chapitre 1.)