2-2 HISTOIRE DE VENISE. votants se trouva insuffisant pour former une délibération; ainsi la proposition faite par les sages, d’autoriser le baile de Constantinople à traiter avec la Porte, demeura sans résultat; et le précédent décret, qui n’avait passé que de deux voix, resta en vigueur. VIII. Peu de temps après, on envoya des pouvoirs à l’ambassadeur de la république auprès du saint-siège, pour conclure la ligue (1Ï558). Dans l’incertitude de la paix ou de la guerre, le gouvernement n’avait pas négligé ses préparatifs. Corfou, Céphalonie, Zante, Candie, Malvoisie, Naples de Romanie, reçurent des renforts; des troupes furent réparties dans la Dalinalie et dans le Frioul; vingt-cinq galères furent envoyées à Candie, quatre dans la Morée; quelques-unes devaient rester dans le golfe, et le commandement de la grande flotte fut retiré à Jérôme Pesaro, pour être donné à Vincent Capello. C’était un vieillard de soixante-treize ans, mais en qui toute l’ardeur de la jeunesse s’unissait à la maturité de l’âge. Celte flotte était de cinquante galères; on en armait encore trente et une à Venise. La ligue fut signée entre le pape, l'empereu»et les Vénitiens; 011 y comprit l’archiduc d’Autriche Ferdinand, roi des Romains. Cette alliance était offensive et défensive contre les Turcs. L’armée combinée devait être de deux cents galères et cent autres vaisseaux. L’empereur fournissait quatre-vingt-deux galères et les cent bâtiments armés; les Vénitiens le reste; mais le pape leur remboursait les frais de trente-six galères. André Doria était nommé généralissime. On devait réunir une armée de terre de quatre mille cinq cents chevaux et de cinquante mille fantassins, dont vingt mille Italiens, autant d’Alle-mands, et dix mille Espagnols. Toutes ces forces devaient être prêtes pour le l'a mars 11558. On avait déjà réglé dans quelle proportion chacun des alliés devait contribuer aux dépenses de cette guerre. On comptait, ou on feignait de compter tellement sur les succès de cette confédération, qu’on assigna d’avance les conquêtes qui devaient en être le résultat, savoir : A l’empereur, toutes les anciennes dépendances de l'empire de Constantinople, qui n’avaient pas appartenu aux Vénitiens. A ceux-ci, toutes leurs anciennes possessions dans les îles et sur les côtes de FArchipel, les villes de la Vallone et de Castel-Nuovo dans la Dalmatie. Aux chevaliers de Malte, l’île de Rhodes. Enfin au pape, quelques possessions à sa convenance. Il y avait plus que de la jactance dans ce partage prématuré. IX. Aussitôt que la ligue fut conclue, les prédictions de Marc Foscari commencèrent à se vérifier. Le pape, au lieu d’accorder la permission, sollicitée depuis si longtemps et si souvent promise, de lever un décime sur les biens du clergé, proposa de convertir cette contribution, qui devait durer cinq ans, en une vente de biens ecclésiastiques, jusquesà concurrence d’un million de ducats d’or; mais il 11’0-mit rien pour se dispenser de tenir l’une et l’autre promesse. De ce fait on peut tirer cette conséquence, qui n’est pas indigne de l'histoire, que, puisque le pape offrait un million de ducats d’or à la place d’un décime levé pendant cinq ans, le décime devait valoir plus de deux cent mille ducats d’or, d’où il suit que les revenus du clergé s’élevaient à plus de deux millions de ces ducats, c’est-à-dire à trente-quatre millions de notre monnaie, somme énorme dans tous les temps, et qui ne donne pas une moindre idée de l’opulence des fondateurs que de leu* piété. On avait dit plusieurs fois dans le sénat qu’il était absurde que le clergé ne contribuât point aux charges de l’Etat, et honteux d’avoir à demander l’autorisation d’un prince étranger pour imposer les biens ecclésiastiques; mais le gouvernement voulait ménager le pape, et il fallut chercher d’autres moyens de subvenir aux dépenses de la guerre. Ou proposa de vendre des biens communaux, qui étaient en très-grande quantité dans les provinces du continent de l’Italie. Cette proposition fut écartée par la crainte de mécontenter les habitants des campagnes, qui, dans la dernière guerre, avaient manifesté un si grand dévouement à la république. Dans cet embarras, on se vit réduit à imposer un cinquième décime sur les biens des particuliers, déjà grevés de quatre dans une seule année. Cet impôt serait énorme, excessif, si on devait l’entendre de tous les revenus; il est difficile de croire qu’on put prélever la moitié du produit des biens-fonds : aussi un écrivain vénitien, très-instruit de tout ce qui concernait le gouvernement de sa patrie, dit-il que cet impôt, appelé décime, signifiait réellement dans l’origine un dixième effectil du produit présumé des immeubles; mais qu’il s’ôtait réduit peu à peu, apparemment parce qu’on n’avait pas renouvelé l’estimation qui avait originairement servi de base à l’impôt, et qu’à la tin du xviii0 siècle, ft: décime, au lieu de représenter dix pour cent du revenu réel, ne représentait guère que trois pour cent. On voit que, dans toutes les suppositions, un impôt de cinq décimes au xvie siècle devait être une taxe énorme. Quoi qu’il en soit, la perception de cette laxC