PIÈCES JUSTIFICATIVES. <¿3 Copie de la lettre écrite à M, de Puysieulx par M. Broussin (1). De Venue, le -li may 1018. Monseigneur, l’accident de la mort du prince tenant toutes les affaires en suspens, M. de Léon a désiré accomplir son voyage de Lorctte pour estre plus prest d’obéyr à vos commandements, lorsqu’il sera temps de partir d’icy. Il m'a donné charge de vous rendre compte de ce qui se passera deçà jus-ques à son retour, auquel il fera rcsponcc à vostre dépesche du dernier ordinaire. Les Ecbada (les Vénitiens) sont en grande alarme d'une conspiration qu’ils disent avoir descouverte ces jours passez. On estime les principaux aucleursd’icellcfgaignezparlc duc d’Ossone) un nommé Tournon, capitaine fran-çois au régiment du comte Lievcstin, deux frères, aussi françois, nommez Desboleaux, vcnuzà la solde de Saint-Marc, en compagnye du capitaine Jacques l’ierre, depuis qu’il quista celle dudit duc d’Ossone, et un certain llegnauld de Nevers, que vous avez veu fort souvent et duquel les fourberies estoyent cognues de tout le inonde. Tous ces malheureux furent pris prisonniers le li de ce mois, avec six auslrrs des subjects de la république, cl un prestre venu depuis peu de Maples, qui, estant appliquez aux tourments, confessèrent toute leur entreprise, et, cinq jours après, le prestre, les six sub-jcclsde la seigneurie et ledit llegnauld furent jetez dans la mer, les deux frères cl Tournon cstranglez en la prison, et le lendemain pendus par les pieds eu la place de Saint-Marc; mais le dernier n’y demeura guère pour n’irriter son colonel, le comte de Lievcstin , cl ses compagnons dont il estoit infini» incnl aymé. Ceux qui croyent sçavoir bien leur dessein assurent qu'ils avaient attiré peu à peu, dans cette ville, un grand nombre de gens de guerre qui s'y esloient couliez sans soupçon soubz prétexte de venir voir la cérémonie de l' Ascension, et en avoient assigné l'exécution ledit jour, auquel ils se dévoient rendre eu bon nombre en la place de Saint-Marc, et s’estant emparez des avenues, saisir les armes des salles du conseil des dicci, et surprendre la fuste qui garde lousjours le palais pour le service de l’artille-rye en occasion de nécessité, puis ayant pétarde la zeca (la monnoye), où est tout le trésor de la république, cl taillé en pièces tout ce qui s'opposerait à eux, cl bruslé une partie de la ville, se retirer en l’arsenal et s’y faire forts jusqurs à l'arrivée des galères du ducd'Ossone, qui devoyent s'acheminer d'Iry, du loug de la cosle d’Anconnc, et d'un autre secours tenu tout prest à Tricste et Fiume, qu'en même temps une autre entreprise s'exécuterait sur (l) La lettre du 6 juin te fail connaître comme friro de H. de Léon. Marano, place en Istrie, très-forto, et port de telle importance qu'il peut donner aux Espagnols l'empire d'une partie du golphe. Ceste conspiration les tient tellement en cervelle que, depuis ce jour-là, le conseil des dix (qui cognolt des affaires les plus importantes de la république) et les trois inquisiteurs d'eslal y ont travaillé continuellement, et ('estant fait appurter le registre des noms des estrangers qui logent en ceste ville, ils ont vérifié la fuite de plus de huit cents depuis le jour de la prise de ces misérables, ce qui sert d'une grande preuve de quelque entreprise contre ceste ville; et aussy que, depuis peu, le Maradan, général des Austriacaux, est descendu en la frontière de l'cstat de ces seigneurs avec plus de trois mille hommes, à l'heure que, par l'espérance de raccommodement du différend des l!seo-ques, il devoil plus tosl s'en esloigner. Plusieurs estiment ceste affaire une chose de néant, cl trouvent l'exécution de ceste entreprise comme impossible pour le grand nombre de gens qui y debvoit avoir part cl requérir en mcsinc temps la rencontru de tant de divers ressorts, que le moindre qui *c-! noil à manquer, touruoit tout leur dessein eu fumée j et à la ruine et confusion de scs aucteurs. J'estime ! toute fois que les Ecbada (les Vénitiens) ne le passe* ! ront pas sans bruit, estant l'opinion commune qu'ils | ont résolu d’en publier un manifeste, cl déclarer I par icelluy, qu'en mesme temps que l'ambassadeur d'Espagne les asseure que le duc d'Ossonc ne retournera plus dans le golphe, que le différend de Frioul se terminera promptement, et que son maître ne respire que le repos, qu'il dcsbauchc soubz main les subjeetz et stipendies de la république, machine avec eux la ruine cl réversion entière de cest estât, j Quelques-uns, mesme des plus zélez, ayant proposé ; ’d'en dresser promptement uri acte et l'ayant intime | à l'ambassadeur d'Espagne, en plein collège, le j sommer de sortir des terres de la seigneurie, ce qui n'a esté approuvé des plus sages qui ne l'ont jugé à propos en la constitution présente de leurs affaires, où ils n'ont besoin de rallumer un feu qui leur a consommé tant d'argent, de réputation, et dont ils doibvcnt rccognoistrc l'assoupissement plustosl de I la faveur eide la protection et entremise du roy, et non de la puissance de leur armée (ceci prouce évidemment que le collège ne /il point au marquis de lietlemar les reproches que raconte l'abbé de Saint-ftéal), et ce qui m’y faiclvoir qu'ils n'en viendront à une rupture ouverte, c'cst qu'on ne parle point qu'ilz donnent ordre à aucune nouvelle levée de gens de guerre, dont ilz auroyent grand bcsoing du cotlé de la Lombardie, où ilz u'oul, pour principale | force, que le régiment du comte de Licvestcin, qui peut estre de deux mil cinq cents hommes. | Ces *eign< urs ont eslcu pour prince Antonio