348 HISTOIRE DE VENISE. ne pouvait espérer que l’alliance du plus faible, et elle devait craindre d’avoir à fournir les indemnités lorsqu’ils se réconcilieraient. Maximilien annonçait qu’il voulait traverser l’Italie, pour aller recevoir la couronne impériale à Rome. Il demandait le passage à travers les États de Venise ; mais il se présentait avec une suite qui avait moins l’air d’une escorte que d'une armée, l.es Vénitiens voulurent, en refusant le passage, s’en faire au moins un mérite aux yeux du roi de France. Il les encouragea fort à persister dans leur refus, et leur promit son appui, tandis que, dans ce moment, il se liguait contre eux avec le roi Ferdinand ; mais cet appui ne pouvait inspirer une grande confiance, quand on voyait Louis XII, par une inconséquence qu’il est impossible d’expliquer, licencier son armée, repasser les Alpes, au moment où l’empereur allait entrer en Italie. Cependant, celte imprudence servit à démentir toutes les imputations que Maximilien ne cessait de répandre sur l’ambition du roi : « Elle s’accroît encore, disait-il, de l’ambition de son premier ministre, qui a ensanglanté la Péninsule, pour se frayer un chemin au pontificat. Si l’un parvient à s’asseoir dans la chaire de Saint Pierre, si l’aulre usurpe les droils de l’empire, il n’y a plus de liberté , de sûreté pour les autres puissances. » Ces accusations n’étaient pas dénuées de fondement : George d’Amboise, loin de renoncera la tiare, qui lui avait échappé deux fois, méditait alors le projet de faire déposer Jules 11 , pour se substituer à sa place. Enfin , s’il échouait une troisième fois , son ambition lui avait même fait concevoir un plan encore plus hardi , celui de séparer la France, de l’obéissance de Rome , et de s’y déclarer patriarche. Les princes qui redoutaient le plus la France n’osaient se fier à Maximilien ; ils voyaient que pour protéger il commençait par envahir, et les vœux de l'Italie ne furent pas pour lui. Le corps germanique , qui avait promis de le seconder, se ralentit dès qu’il n’en vit plus la nécessité. Cependant l’armée de l’empire s’élevait à trente mille hommes; et ces troupes, jointes à l'armée autrichienne , suffisaient bien pour inspirer un juste effroi. XXVII. Les ambassadeurs de Maximilien et de Louis Xllétaient à Venise, demandant les uns et les autres que la république se déclarât : c’était une chose fort difficile que le choix d’un ennemi, entre un empereur et un roi de France. Ce fut une grave matière à discuter dans le conseil de Venise, que la réponse définitive qu’allen- daient les ambassadeurs de Maximilien. On avai* épuisé tous les moyens de temporisation. Le sénat, après en avoir délibéré plusieurs fois, s’assembla pour prendre un parti décisif. « Nous ne pouvons, dit Nicolas Foscarini, inairi-« tenir la paix, ni conserver la neutralité. Refuser « le passage à l’empereur, c’est lui déclarer la guerre; « le lui accorder, c’est introduire un ennemi au sein « de l’Italie. La guerre est donc inévitable ; quant à a la neutralité, elle est impossible. Maximilien aura « à se venger de notre refus, Louis nous repro-11 chera noire connivence ; et tous deux touchent à ii nos frontières. « S’il ne s’agissait que de choisir entre l’un ou « l’autre de ces ennemis, je n’hésiterais pas à vous « proposer de rester unis au roi de F’rance. Il y a « sans doute plus de gloire à persister dans notre « système de confédération qu’à changer d’alliés. « L’Italie nous saurait plus de gré de fermer sa bar-« rière que de l’ouvrir à un autre étranger. Je con-« viens même que les forces du roi, jointes aux «nôtres, peuvent être suffisantes pour arrêter et « pour repousser l’empereur. Mais savez-vous ce « que je redoute? ce n’est pas de les avoir à com-u battre, l’un avec le secours de l’aulrc ; c’est de les « voir réunis contre nous. « Or, pour me décider dans cette affaire, je me ii fais à moi-même celte question : Qu’arrivera-t-il i: si nous refusons le passage à Maximilien? Nous « attaquera-t-il pour aller ensuite attaquer le Mila-« nais? ce n’est pas là ce qui m’alarmerait davan-ii lage. Mais au lieu de s’en prendre au roi de France, ii ne lui proposera-t-il pas d’unir leurs forces pour « notre ruine? Voilà ce que je prévois, ce qui m’é-« pouvante et ce qui me détermine. « Je ne prétends pas tracer ici l’histoire de Fait venir, qui dépend des circonstances et de la mo-« bile volonté des hommes. h Mais voici les considérations qui me font juger u cet événement possible et même probable. L’em-11 pereur a depuis longtemps le désir de faire une « invasion en Italie, cependant il n’y est pas cn-« core entré : pourquoi ? c’est parce que, tout puis-ii sant qu’il est, comparativement à nous, sa puis-« sauce n’est pas constituée de manière à lui donner « les moyens de soutenir une guerre prolongée. lia ii une armée à lui ; celle de l’empire a été mise à sa u disposition ; mais le corps germanique n’a fait les ii fonds que pour la soudoyer pendant six mois, et « l’empereur n’a aucun moyen d’y suppléer. Néccs-« siteuxcomme il l'est, il a besoin d’un allié. Il sent « qu'il ne peut entreprendre une guerre d’Italie, « sans être assuré du concours du roi de France ou « de notre république; dans ce moment, c’est le « nôtre qu’il réclame; si nous le lui refusons, il se