LIVRE XIV. 217 nient qui n’appartient presque point à l’histoire, parce qu’il 11c sc lie aucunement ni à ceux qui précèdent ni à ceux qui suivent. Le doge François Foscari fut blessé par un assassin, dans son palais, en plein jour, au milieu de son cortège, et l’assassin était un jeune homme, un patricien de la maison Contarini, vraisemblablement un esprit aliéné: car 011 ne lui connaissait point de motif de haine contre le prince. Il fut arrêté, mis à la torture, et exécuté le jour même, après avoir eu le poing coupé. Cet événement, qui n’avait aucune cause, n’eut aucune suite, pas même pour le doge dont la blessure se trouva légère. La paix n’avait point rétabli l’amitié entre deux puissances, dont l’une se croyait déjà en état d’écraser sa rivale, et l’autre encore assez forte pour réparer ses premiers revers. Cependant Philippe-Marie, qui scellait sa réconciliation avec le duc de Savoie, par son mariage avec une fille de ce prince, invita le doge et les principaux membres du gouvernement de Venise, à assister à ses noces. Mais la seigneurie n’eut garde de permettre une pareille absence, surtout pour prendre part à des cérémonies où tant de difficultés de préséance pouvaient s’élever. On s’excusa sur la peste qui régnait alors à Venise, et sur le regret qu’aurait le doge si son voyage élait l’occasion de la propagation de cette maladie dans le Milanais. On envoya un ambassadeur au duc pour le complimenter, et, pendant ce temps-là, les commissaires chargés de l’exécution du Iraité de Ferrare fatiguaient l’imperturbable patience du cardinal médiateur: les Vénitiens, par leurs prétentions sans cesse renaissantes; les Milanais, par leur duplicité. Le duc recrutait des troupes, et ne négligeait rien pour se tenir en mesure de profiter des occasions qu'il épiait avec soin. Elles ne tardèrent pas à naître; la ville de Bologne sc révolta contre le gouvernement pontifical, et se déclara indépendante. La guerre survint entre le seigneur de Lucques et les Florentins. Le pape Martin V, protecteur constant de Visconti, mourut, et le conclave appela au trône pontifical un Vénitien, le cardinal Condolmier, qui prit le nom d’Eugène IV. Un autre événement avertit le duc de prendre ses précautions contre l’ambition toujours croissante de la république. Obizzo de Polenta, seigneur de Ravenne, ne laissait en mourant qu’un fils en bas âge. Par son testament il confia la tutelle de son enfant, avec le gouvernement deses États, à la république, et la déclara son héritière, si le jeune prince venait à décéder sans postérité. En conséquence, la seigneurie envoya un commissaire à Ravenne, pour prendre la tutelle du prince et l’administration du pays. XI. Tous ces événements avaient compliqué les rapports des divers États de l’Italie septentrionale. Le duc de Milan n’avait pas pris part personnellement dans la guerre des Florentins et des Lucquois; mais il avait fait fournir des secours à ceux-ci, d’abord par le capitaine François Sforce, qu’il feignit de renvoyer de son service ; puis par la ville de Gênes : et pendant plusieurs mois, ses ministres s’épuisèrent en subtilités, pour expliquer comment il était possible qu’une ville sujette eut fait la guerre sans l'aveu de son prince, et que ce prince ne pùt pas contraindre ses sujels à observer une neutralité qu’il avait jurée. Pendant ce temps-là , les affaires des Florentins allaient mal ; ils sollicitaient la république de Venise de renouveler la ligue contre Visconti. Elle y fut déterminée par la découverte d’un complot tramé pour introduire des troupes milanaises dans quelques places de la province de Bres-cia. La ligue fut composée des mêmes puissances que dans la guerre précédente, à l’exception du duc de Savoie, et les hoslilités recommencèrent avec l’année 1431. Le duc de Milan, qui avait vu sa capitale menacée les années précédentes, en lit ravager tous les environs, à quinze milles de rayon, afin que l’armée ennemie ne pùt y subsister. Cette fois il s’agissait, pour les Vénitiens, de la conquête de Crémone. Dès le début de la campagne, Carmagnole se rendit maître des petites places deTrévi et deCaravagio. Il convoitait Soncino, ville située sur la rive droite de l’Oglio, vis-à-vis Orci-Nuovi. Quelqu’un des officiers de la place à qui il s’adressa selon sa coutume, lui fît concevoir l’espérance d’y entrer par surprise. On convint qu’il ferait marcher devant lui un détachement, qui serait introduit dans là ville, et au secours duquel il arriverait aussitôt avec le gros de sa troupe. Le 17 mai, Carmagnole fit toutes ses dispositions pour exécuter ce qui avait été concerté. Son détachement se présenta devant la porte de Soncino, qui fut ouverte et refermée aussitôt. Ensuite la division de l’armée chargée d’assurer le succès de cette opération s’approcha de la place; on lui fit tous les signaux convenus, et tout à coup elle fut entourée par les divisions de l’armée milanaise, aux ordres de Tolentino et de F’rançois Sforce. Le détachement introduit un moment auparavant dans la place venait d’y être retenu prisonnier. Les autres prirent l’épouvante, se débandèrent, et le général se vit réduit à prendre la fuite comme scs soldats, heureux encore que la vitesse de son cheval lui évitât la honte de tomber au pouvoir du vainqueur. Cette déroute lui coûta près de deux mille de ses gendarmes, qu’à la vérité on lui renvoya le lendemain ; mais on jugea généralement que Carmagnole était inexcusable d’avoir donné dans ce piège.