LIVRE II. 51 retraite, au milieu d'une population belliqueuse; elle devait être transportée sur sa flotte, ne jamais perdre île vue ses vaisseaux, et se borner à ravager les cotes, ou à bloquer les ports de l'ennemi. XXXV . Ce fut sous le doge Vital Micliieli que la république fit son premier armement, en l’an 1098 : il consistait en deux cents bâtiments de guerre ou de transport, dont la moitié avait été fournie par les villes (l<|) la Dalmatie. L’évèquc de Castello, Henri Contariifi, voulut prendre part à cette expédition. I.a flotte!, commandée par le fils du doge, mit à la voile et se dirigea d’abord vers Rhodes. A la hauteur dacette lie, elle rencontra la flotte des Pisans, qui se rendait aussi à la Terre-Sainte. Les deux républiques étaient en paix, la destination des deux flottes était la même; quelques Vénitiens descendirent dans la petite Ile de Saint-Nicolas, pour y prendre les reliques du patron. Les caloyers qui les gardaient le voulant pas absolument les livrer, les pèlerinsls'en emparèrent de force ; mais les Pisans, léinoins|de cet enlèvement, voulurent avoir leur part de (a dépouille. La dispute s’échauffa, un combat s'engagea, les Vénitiens étaient incomparablement les plus forts, ils prirent une vingtaine de vaisseaux aux Pisans, et firent, dit-on, cinq mille prisonniers. Singulier commencement d'une expédition qui avait pour but la destruction des infidèles ! Après cette bataille, au lieu de se porter sur les cotes de Syrie, où les croisés étaient établis déjà depuijaasscz longtemps, l'armée se dirigea vers l'Arcliipel, se présenta devant Smyrnc, qui n'était point défendue, cl le premier exploit des croisés vénitiens fut le pillage de cette ville. Enfin la flotte vint bloquer je port de Jafla, pendant que les troupes de Godefroy de Rouillon l'assiégeaient par terre; d'autres-'iiutieniient qu’elle n’eut aucune parla cette conquête ; quoi qu'il en soit, la place emportée, la flotte Qe voulut pas attendre l'hiver dans ces parages, et retourna à Venise, où le corps de saint Nicolas fut déposé dans une chapelle de l’ilc du Lido, à Centrée du port (1099). La Campagne suivante, elle vint coopérer aux sièges d’Ascalon et de Caïpha. La première de ces places,résista, la seconde se rendit; mais déjà l'imprévoyance et l’indiscipline avaient ruiné les affaires (Ici croisés : la plupart s’étaient retirés après la victoire d'Ascalon. Le nouveau roi de Jérusalem, loin de pouvoir méditer des conquêtes, avait beaucoup de peine à se maintenir dans une situation très-périlleuse (1100). L’occupation de Durazzo par les Normands, qui avait eu lieu après la défaite de l'armée vénitienne sous le commandement du doge Silvio, donnait à la république des inquiétudes pour ses possessions en Dalmatie : on se décida à faire une alliance avec le roi de Hongrie, et moyennant un secours de troupes que fournit ce prince, on entreprit une expédition contre les Normands ; mais, au lieu de les combattre, on se contenta d’aller ravager une de leurs provinces : la Calabre fut mise à feu et à sang. XXXVI. Le doge Vital Micliieli, étant mort sur ces entrefaites, fut remplacé par Ordelafe Pallier (1102). Celui-ci arma pour la Terre-Sainte une flotte de cent voiles, qui concburut aux sièges de Plolémaïs, ou Saint-Jean-d’Acre, de Sidon, et de Bérythe. llaudüuin, successeur de Godefroy sur le trône de Jérusalem, récompensa les services des Vénitiens, en leur abandonnant la propriété d’un quartier de la ville de Plolémaïs : ils eurent la permission de commercer dans loul le royaume de Jérusalem avec toutes sortes de franchises, et le privilège de ne reconnaître de juridiction que celle de leurs propres magistrats. Ces avantages furent balancés par ceux que les Pisans obtinrent bientôt après de l’empereur d’ürient; et,quoique ce prince n’eût cédé qu’à la force, ces concessions n'en furent pas moins aux yeux des Vénitiens un grief contre lui, et un sujet de jalousie contre la république de Pisc (1101). Les Pisans entrèrent aussi dans le partage des établissements formés par les chrétiens sur les côtes de la Syrie; ils eurent tout un quartier dans Antio-cke, et le patriarcat de Jérusalem fut conféré à un de leurs compatriotes. Les Génois, non moins vigilants pour leurs intérêts, réclamèrent des comptoirs et des privilèges à Jérusalem , à Joppé, à Césarée, à Plolémaïs ; de là résultèrent des rivalités, el bientôt des inimitiés entre les trois républiques. XWVll. Les habitants de l’adouc ne voyaient pas sans une secrète jalousie les succès de Venise. Scs lagunes leur avaient appartenu pendant qu’elles étaient désertes ; maintenant un Etal florissant s’était formé autour de Rialte, qui avait été autrefois leur port, et cet État possédait les embouchures de leurs fleuves : ils profitèrent d’un moment qu’ils crurent favorable, et, pendant que la flotte était en Syrie, ils entrèrent sur le littoral qui appartenait aux Vénitiens, en les accusant d’en avoir porté trop loin les limites. Les troupes vénitiennes furent envoyées sur-le-champ à la défense de ce territoire; elles battirent complètement les Padouans, et emmenèrent six cents prisonniers (1110). Les vaincus implorèrent le secours ou au moins la recommandation de l’empereur Henri V, qui se trouvait dans ce moment à Vérone. Les Vénitiens auraient bien voulu éviter l’intervention d’un si puissant médiateur, mais il n’y avait pas moyen de s'y soustraire. L’empereur représenta aux deux peu-