LIVRE X. 1GI une de ses galères, il avait jeté son convoi dans le port de Parenzo, et était accouru au secours de sa patrie. XVIII. Quoique non encore remis de scs blessures, Zéno voulut, le jour même de son arrivée, prendre part à de nouveaux dangers, et son courage fut-honoré du poste le plus périlleux. On lui donna ordre de prendre position avec son escadre dans celte passe de Brondolo, où depuis huit jours les autres galères avaient tant souffert. Le lendemain une violente tempête vint assaillir la (lotie. Les galères rompirent leurs ancres, et furent dispersées. Les Génois, voyant la station abandonnée, accoururent sur le rivage pour attaquer les ouvrages des Vénitiens. Zéno ne put faire avancer que trois galères, dont le feu terrible força les ennemis de s’éloigner. Le jour suivant, malgré le vent qui souillait avec encore plus de furie, il s’obstina à tenir ferme devant les batteries des Génois. Le combat dura toute la journée. Une galère vénitienne fut tellement maltraitée qu’elle se vit réduite à se rendre. Celle que Zéno montait fut entraînée par les courants, et jetée par la tempête contre le rivage, au pied d’une tour occupée par l’ennemi. Il était nuit; cette galère échouée était foudroyée de tous côtés. Les plus braves ne voyaient plus aucun espoir de salut. L’amiral imposa silence à ceux qui osaient parler de sc rendre. Il détermina un matelot bon nageur à selancer à la mer, pour aller porter une corde à quelques barques vénitiennes qui n’étaient pas loin. Dès que le câble fut tendu, 011 jeta à la mer toute l’artillerie de la galère, elle se remit à (lot, fut remorquée, et, couverte des feux de l’ennemi sans y répondre, elle commença à s’éloigner lentement de ce rivage, où, un moment auparavant, elle devait trouver sa perte (1380). Au même instant, Zéno reçut un coup de flèche, qui lui traversa la gorge. Il brisa le trait, sans prendre le temps de faire tirer le fer de sa plaie, et parcourant avec vivacité le pont de son bâtiment, il continuait de donner des ordres. Dans l'obscurité, il tomba à fond de cale par une écoutille : on le crut perdu. Un matelot, qui vint à son secours, lui arracha le fer de sa blessure ; le sang sortit à gros bouillons; l’amiral, pour n’être pas suffoqué, se retourna sur le ventre, et c’est dans cette position qu’il arriva à l’endroit où sa flotte était stationnée. Les chirurgiens jugèrent la blessure mortelle. Ils croyaient indispensablede mettre le malade à terre; mais il déclara qu’il ne quitterait point son bord, et que, si la mort était inévitable, c’était sur sa galère qu’il voulait l’attendre. Heureusement la nature démentit les prédictions funestes de l’art, et, après un assez court intervalle, ce héros fut rendu à sa patrie. HISTOIRE DE VEMSE. XIX. Le 6 janvier, Pisani remporta un avantage considérable sur les troupes qui gardaient Pile de Brondolo. Quelques jours après il rétablit sur le rivage de fortes batteries armées de ces énormes canons appelés alors bombardes, qui prouvent l’enfance de l’art bien plus que sa puissance. Dans toutes les inventions nouvelles, on cherche d’abord à augmenter les effets en outrant les moyens. La perfection est d’obtenir des résullals certains et bien calculés avec le moins de moyens possible. Les bombardes de Pisani lançaient, dit-on, des boulets de marbre du poids de cent quarante et do deux cents livres. On ne savait pas encore que la quantité de poudre nécessaire pour chasser de tels boulets ne peut s’enflammer à la fois, et que par conséquent il n’y avait qu’une faible partie de la charge qui agît sur le projectile, ce qui devait en diminuer considérablement l'effet, en même temps que la dépense en était prodigieusement augmentée. Aussi ces canons ne tiraient-ils qu’une fois par jour, et encore le tir en était-il toujours fort incertain. Cependant un de ces coups lancés presque au hasard tua le général de l’armée ennemie. Le 22 janvier, pendant qu’il visait les travaux de Brondolo, Pierre Doria fut écrasé par un mur que vint renverser un énorme boulet; heureux, peut-être, d’échapper par cette mort aux reproches qu’il aurait pu essuyer pour s’être laissé bloquer dans Chiozza. Napoléon Grimaldi prit après lui le commandement. Se voyant tous les jours resserré de plus en plus par les Vénitiens, il conçut une grande entreprise; ce lut de couper l’île par un canal, et de frayer ainsi à ses vaisseaux un passage dans la haute mer. Le seigneur de Padouc eut l'adresse de jeter dans la place un renfort de huit cents lances et de quinze cents fantassins. La plage de l’ilede Brondolo allait devenir le théâtre de nouveaux combats. Ce fut encore à Zéno que la république confia le commandement de ses troupes de terre. Malheureusement elles étaient composées d’aventuriers de diverses nations, tous également insubordonnés et avides. Malgré l’exemple de leur général, qui, dans la détresse publique, n’avait voulu accepter que les périls, ce ramas d’étrangers exigea à grands cris une gratification pour le paiement de laquelle le trésor ne put fournir que cinq cents ducats. Zéno, de scs propres deniers, doubla la somme et apaisa le tumulte pour un moment. La petite armée des Vénitiens rassemblée à Palestrina ne s’élevait qu’à huit mille hommes. Celle des Génois était réduite à treize mille, dont une partie occupait la ville même de Chiozza, et le reste Pile de Brondolo, unie par un pont avec la place. Pour empêcher les ennemis de s’ouvrir un passage au travers de la plage de Brondolo, il fallait 11