HISTOIRE DE VENISE. 24 4 raient s’y pourvoir de tout ce qui leur serait nécessaire, et partir librement; que tous les effets ou marchandises venant de !a mer Noire, appartenant à des sujets d’une nation chrétienne, pourraient être exportés sans empêchement ou vendus, en payant dans cc cas le droit de deux pour cent de leur valeur; que les habitants de Péra, actuellement débiteurs des Vénitiens, seraient, excepté les Génois, obligés d’acquitter ces dettes; que cependant on en défalquerait ce qui aurait pu tomber à la charge des Vénitiens danslcscontributions levées par le grand-seigneur ; que le patriarche de Constantinople conserverait tous les revenus dont il jouissait dans le territoire possédé par les Vénitiens au temps où l’empire de Romanie existait; que les sujets turcs, trafiquant dans les pays de la république, ne seraient assujettis qu’aux droits payés par les Vénitiens dans l’empire du sultan ; que, si des navires de l’une des deux puissances se réfugiaient dans les ports ou sous les forteresses de l’autre , ils y trouveraient asile et protection ; qu’on se rendrait mutuellement tous les déserteurs; qu’on se rendrait également tout ce qui pourrait être sauvé des naufrages; que les propriétés de tous les sujets vénitiens qui viendraient à décéder ab intestat ou sans héritier, sur le territoire de l’empire, seraient réservées pour être rendues à qui de droit et déposées entre les mains du ministre de Venise ou d’un Vénitien; que la république ne fournirait aucun secours aux ennemis du grand-seigneur, ni le grand-seigneur aux ennemis de la république, soit en hommes, soit en argent, vivres, munitions ou vaisseaux; que la république ne recevrait dans ses villes et châteaux de la Romanic, ou de l’Albanie, aucun ennemi ou sujet rebelle du grand-seigneur, sans pouvoir même leur accorder passage, à défaut de quoi, le sultan serait en droit d’agir contre ces villes cl châteaux ainsi qu’il aviserait, et les mesures qu’il jugerait à propos de prendre ne seraient point regardées comme une violation de la paix; que la seigneurie pourrait, à son bon plaisir, envoyer à Constantinople un baile avec sa suite accoutumée, lequel exercerait l'autorité civile sur tous les Vénitiens de condition quelconque, et leur administrerait la justice, le grand-seigneur s’obligeant à lui accorder protection et à lui faire donner assistance sur sa réquisition; que les Vénitiens seraient indemnisés de tous les dommages qu’ils avaient éprouvés avant la prise de Constantinople, soit dans leurs personnes, soit dans leurs propriétés, de la part des sujets du sultan, en en justifiant, comme de raison, et réciproquement ; qu’enfin les Vénitiens pourraient introduire et faire circuler dans l’empire toute sorte d’argent, monnayé ou non, sans payer aucun droit, à la charge cependant de faire vérifier les espèces à la monnaie (14154). Ce traité établit assez clairement les rapports qui devaient exister à l’avenir entre l’empire turc et la république. Après cette paix , la seigneurie eut l’ambition de réunir la robe sans couture de Jésus-Christ aux autres reliques de la passion conquises précédemment. Celle-ci faisait partie des trésors de Constantinople tombés au pouvoir du vainqueur; on en offrit dix mille ducats. Les Turcs l’estimèrent bien davantage ; le marché n’eut pas lieu ; mais, à cette occasion, on avait mis sur les rentes payées par l’État un impôt d’un quart pour cent, qu’on laissa subsister. XVI. Le traité avec les Turcs assurait aux Vénitiens la liberté du commerce dans les ports de l’O-rient, comme la ligue d’Italie leur avait garanti la tranquille possession de leurs provinces de terre-ferme. Il y en avait une cependant sur laquelle leurs droits n’étaient pas reconnus par un traité spécial fait avec l’ancien possesseur. C’étaitle Frioul, dont ils avaient dépouillé le patriarche d’Aquilée, en 1417. Les successeurs de ce patriarche avaient protesté contre cette usurpation, le concile de Bàle avait ordonné la restitution, la république l’avait éludée, mais sans la refuser nettement. Elle jugea nécessaire de faire légitimer sa possession ; et, pour cela, elle profita des réclamations que reproduisait un nouveau patriarche. On lui représenta que les mauvais procédés de son prédécesseur avaient mis la république dans la nécessité de lui faire la guere, qu’elle ne voulait point se prévaloir de ses succès; mais que, si elle consentait à se dépouiller d’une conquête si justement acquise, ce ne pouvait être qu’à condition qu’on l’indemniserait pleinement de toutes les dépenses que cette guerre lui avait occasionnées. C’était renvoyer la restitution à un terme indéfini, que de la faire dépendre du règlement d’un pareil compte et du paiement d’une somme que le patriarche ne pouvait jamais avoir. Il n’avait à espérer aucune protection efficace contre un État aussi puissant que la république de Venise. La seigneurie lui fit proposer un accommodement, et il se détermina à transiger. Par cet acte, il reconnut la seigneurie pour souveraine du Krioul : en compensation de celle reconnaissance, la république consentit à ce qu’il exerçât dans toute sa plénitude la juridiction spirituelle sur cette province, lui assigna un revenu de cinq mille ducats d’or, et lui abandonna en outre la ville d’A-quiléc, les châteaux de Saint-Vitoet deSaint-Daniel, avec le domaine temporel de cc territoire, et la haute justice, sous trois conditions:qu’il n’imposerait pas aux sujets de ccs domaines des charges excédant cinq mille ducats; qu’il ne disposerait point des