HISTOIRE I)E VENISE. LIYRE XIX. ClIERHE CONTRE LES TlIRCS.— CONQUÊTE DE l.’ll.ï DE CÉPIIALONIE.— ALLIANCE DE LA RÉPUBLIQUE. AVEC. LOUIS XII j ELLE ACQUIERT LE PATS DE CRÉMONE. — LOlilS SI'ORCE CHASSÉ DII TRÔNE, 1 409-1 SOI . — EXPÉDITION DES FIIAN-ÇAIS A NAPLE8, SOUS LOUIS XII ; CONQUÊTE, PARTAGE ET PERTE DE CE ROYAUME. — EFFORTS DU CARDINAL d’aM-IÎ0ISE POUR PARVENIR AU PONTIFICAT. —SUJETS DE MÉCONTENTEMENT DU ROI DE FRANCE CONTRE LES VÉNITIENS, 1!>0I-liÎ0L—OCCUPATION DE LA ROMAGNE PAR LES VÉNITIENS. — TRAITÉ DE BIOIS, ENTRE LOUIS XII ET I,‘EMPEREUR.— GUERRE DE LA RÉPUBLIQUE CONTRE 1,’aUTRICUE, 1ÎS04-1808. • I. La protection donnée par Venise aux Pisans contre les Florentins, avait prolongé pendant quatre ans la guerre en Italie. Malgré le soin que les Vénitiens avaient pris de sauver les apparences, 011 soupçonnait cette protection de n’être pas désintéressée, et, pour les empêcher d’établir leur domination au sein de la Toscane, on chercha à leur susciter ailleurs des affaires qui les empêchassent de suivre celle-ci (1499). Les Florentins, le duc de Milan et le pape excitèrent contre la république le ressentiment des Turcs, à qui les relations de commerce et de voisinage fournissaient de fréquentes occasions de se brouiller avec les Vénitiens. Quoique le pape fût un des chefs de cette intrigue, qui avait pour objet d’appeler les Turcs, il n’en publia pas moins une croisade contre ces infidèles; c’était une manière de lever un impôt sur les peuples. 11 fit distribuer les indulgences avec une telle profusion, que, dans les Etats de Venise seulement, il s’en vendit pour seize cents marcs d’or. Un incident, comme il en arrive souvent à la mer, vint offrir un prétexte à la rupture qu’on provoquait. Un vaisseau marchand ottoman, qui appartenait à un pacha, avait refusé le salut à une escadre de la république, et même, dit-on, lâché sa bordée contre la galère détachée pour le semoncer. Les Vénitiens l’avaient coulé bas. Ba-jazet arma sur-le-champ; les Vénitiens se hâtèrent de lui offrir des explications: il dissimula ses projets de vengeance, protesta de sa résolution de rester en paix avec la république, et renouvela même scs anciens traités avec elle. Toutes ces démonstrations n’inspirèrent point de sécurité au sénat : il fit de son côté des préparatifs de défense. En effet, en 1499, Bajazet, après une tentative infructueuse sur Corfou, que des traîtres avaient promis de lui livrer, s’avança avec son armée pour attaquer toutes les possessions vénitiennes dans la Morée, et envoya des corps détachés, pour opérer des diversions sur les côtes de la Dalmatie et dans le Frioul.Une flotte turque, de trois cents voiles, secondait ces opérations. La république ne pouvait présenter un développement de forces proportionné à cet armement. Réduite à la défensive sur presque tous les points, elle n’avait, pour porter des coups à son ennemi, qu’une flotte inférieure à celle de Bajazet, et commandée malheureusement par un général sans résolution, citoyen zélé d'ailleurs, car il avait contribué de vingt mille ducats aux frais de cet armement. Il y avait cependant alors dans la marine vénitienne un homme de 111er qui jouissait d’une grande réputation, c’était André Loredan; mais sa présence sur la flotte, où il ne commandait point en chef, fut plus nuisible qu’utile. Antoine Grimani, l’amiral, était jaloux de la gloire de son lieutenant. 11 arriva qu’un jour que la flotte turque élait en vue, on aperçut un de ses plus gros bâtiments à une assez grande distance des autres pour 11e pouvoir pas en être secouru. Aussitôt une galère vénitienne se détacha pour l’assaillir, et Loredan courut avec la sienne pour seconder cette attaque. Le capitaine turc, se voyant pressé de tous côtés, mit le feu aux deux vaisseaux qui l’abordaient; tous trois sautèrent, et presque tous les équipages périrent, sans que l’amiral vénitien eût fait aucun mouvement