HISTOIRE DE VENISE. Le pape fournissait quatre cents gendarmes, cinq cents chevau-légers, et six mille hommes d’infanterie; les Vénitiens huit cents gendarmes, mille cavaliers albanais, et huit mille hommes de pied. Le roi d’Arragon s’engageait à y joindre douze cents gendarmes, mille chevau-légers et dix mille fantassins espagnols. Cette armée, qu’on appelait l’armée de la sainte-union, devait être Qommandée par Raymond de Cardonne, vice-roi deNapIes. XIII. Pendant que cette nouvelle ligue se formait, Louis XII continuait de négocier avec le pape, espérant l’amener à un accommodement (1), et achevait de s’aliéner les Suisses, en leur refusant les subsides qu’ils demandaient, et en leur interdisant la faculté de tirer du Milanais des vivres dont ils avaient besoin (2). Sollicités par le pape, d’accord avec les Vénitiens, qui leur avaient promis de se joindre à eux sur l’Adda (5), ils descendirent de leurs montagnes, au nombre de seize mille hommes, et envoyèrent au général français une déclaration de guerre au nom de la sainte-union. Pour résister à toutes ces forces, le roi n’avait en Italie que treize cents gendarmes, un corps de deux cents gentilshommes et trois ou quatre mille hommes d’infanterie. Encore ces troupes étaient-elles fort dispersées, parce qu’il avait fallu en laisser à Bologne, à Vérone et à Brescia. Ces troupes étaient sous le commandement du nouveau gouverneur de Milan, Gaston de Foix, duc de Nemours, neveu du roi. Ce prince, à peine âgé de vingt-deux ans, déjà distingué, non-seulement par sa valeur, mais par une capacité au dessus de son âge, réunit cinq cents gendarmes, deux cents gentilshommes, et à peu près deux mille fantassins, et se porta au devant des Suisses, pendant qu’on élevaità la hâte quelques retranchements autour de Milan, et qu’on y rccrulait autant de monde qu’on pouvait. Les Suisses s’avancèrent de Varèse droit sur cette capitale, avec circonspection, comme la première fois, marchant en ordre et en masse, mais sans cavalerie, sans artillerie, et par conséquent ne pouvant battre la campagne, pour y rassembler des (1) On peul voir dans le Recueil des lettres de Louis XII, t. 11, p. 223, celle qu’il écrivait à l'évéque de Paris, son ambassadeur en Italie. Elle prouve combien le roi désirait sincèrement la paix. (2) Voyez sur celle brouillerie avec les Suisses, line lettre de l’empereur Maximilien à son ambassadeur, André de Burgo. (Recueil des lettres de I.ouis XII, t. 111, p. 97.) (3) « Itcm.Sonl venues nouvelles comme il a esté prins à Milan un messaiger des marchands de Bellinsone estants à Venise et a l’on trouvé sur luy Ici très de la seigneurie de Venise, adressante aux Suisses, par lesquelles les Vénitiens vivres, ni se déployer avec avantage dans la plaine, sous le canon de l’ennemi. Gaston se replia devant eux jusque dans les faubourgs de Milan. Arrivés à une lieue de la ville, les Suisses, au lieu de l’attaquer, tournèrent versMonza, s’approchèrent de l’Adda, brûlèrent une vingtaine de villages; mais, ne recevant aucune nouvelle des Vénitiens, qui accouraient cependant en toute hâte des frontières du Frioul, ils se replièrent sur Côme, et rentrèrent dans leur pays, comme ils avaient fait précédemment. XIV. Cette diversion, que les Suisses firent manquer, pour n’avoir pas voulu attendre les Vénitiens pendant quelques jours, avait été combinée avec les mouvements que la grande armée de l’union allait opérer dans la Romagne. Elle partit d’Imola, forte de dix-huit cents gendarmes, de seize cents chevau-légers, et de seize mille hommes d’infanterie, moitié Italiens, et moitié Espagnols; soumit la partie méridionale du Ferra-rais, et arriva devant Bologne, le 26 janvier 11512. A la première nouvelle de cette invasion, Gaston s’était porté, avec ses troupes, sur Carpi et Finale. En passant dans la première de ces villes, Gaston, la Palisse, Bayard, et la plupart des capitaines de l’armée, ne manquèrent pas de consulter un fameux astrologue, qui, s’il faut en croire les mémoires de ce temps, leur prédit qu’ils gagneraient une grande bataille dans peu de jours, le vendredi-saint ou le jour de Pâques, et annonça à tous ceux qui l’interrogèrent, ce qui devait personnellement leur arriver. Gaston avait treize cents gendarmes, et était parvenu à réunir quatorze mille hommes d’infanterie. Sa présence à quelques lieues de Bologne commandait beaucoup de circonspection aux assiégeants ; mais ils espéraient être bientôt débarrassés de cet incommode voisinage, par une diversion que l’armée vénitienne devait opérer, et qui devait attirer les Français dans la Lombardie. En effet, Gaston apprit que les troupes de la république marchaient sur Brescia. 11 ne voulut pas quitter la Romagne sans avoir fait lever le siège de Bologne, qui était vivement canonnée depuis quelques jours, et où les ennemis avaient déjà fait une brèche praticable (4). prioient lesdils Suisses à retourner en le duché de Milan, et qu’ils leur envoieroient gendarmes et artillerie pour pouvoir tenir les champs. » (Dépêche de Jean le Veau, secrétaire de l’ambassadeur de l’empereur en France. Recueil des lettres de Louis XII, 1.111, p. 114.j (4)« Die xxviin jaunarii summo mane exercitus Hispanus posuit artigliariam prope muros civilatis et cum tantà vi percussit muros usque ad horam xx, more Italico, quod ruptu erant triginla braccbiamurorum. »(Dépéche d’André de Burgo, ambassadeur de Maximilien. Recueil des lettres de Louis XII, t. III, p. 146.)