234 HISTOIRE DE VENISE. puissant, le plus prisé pour sa sagesse, le plus grand entre ceux qui professent la foi du Christ, le plus honoré de ceux qui adorent la croix ; messire le doge de Venise, colonne de la chrétienté, ami des sou-dans et des seigneurs des Musulmans, que Dieu le conserve doge de Venise. « Le seigneur Soudan, Melcch Elmaydi, seigneur des seigneurs de tous les Musulmans, défenseur des pupilles, conservaleur et vengeur de la justice avec grande impartialité, conquérant toujours vainqueur de scs ennemis et des rebelles, héritier des soudans, roi des Arabes et des l’erses; serviteur des deux lieux saints, c’est-à-dire de la Mecque et de Jérusalem, roi au dessus de ceux qui portent la couronne, gardien des chemins et des biens de ceux qui vivent à l'ombre de sa sainte seigneurie, Albuser Hamet Soudan Elmaydi, fils de l’heureux Soudan Lasseraf Aynel : que Dieu et le saint prophète le maintiennent dans sa puissance, lui donnent la victoire sur scs ennemis et la sagesse pour observer les saints commandements. Ainsi soit-il. « Du temps que vivait notre glorieux père, le seigneur Soudan Lasseraf (que Dieu donne le paradis à son âme), un ambassadeur est venu de ta part, messire doge de Venise, grand, puissant, etc., que Dieu te maintienne dans la seigneurie. Cet ambassadeur, dont le nom est Maffée Michieli, homme sage et de grande prudence, est présentement sur le point de retourner auprès de toi. « Nous avons vu les lettres qu’il avait présentées de ta part au sultan notre père, et nous avons commandé d’y faire réponse et de te faire connaître que tout ce que cet ambassadeur a demandé en ton nom a été accordé, excepté pour le poivre, dont le sultan notre père n’a jamais permis que le prix fût réduit d’un denier au dessous de cent ducats le cabas; parce que les Vénitiens ne sont pas les seuls qui en achètent, et qu’on en vend aux Maures et aux autres nations. il Après la mort de notre père, et depuis que nous sommes monté sur le trône saint des soudans, ton ambassadeur s’est présenté à notre sublime porte, et a imploré notre sainte charité de la part de ta sej-gneurie ; et nous lui avons accordé ce qu’il a sollicité en ton nom,etccque tu demanda ¡spartes lettres. Nous avons ordonné que le prix du cabas de poivre fût fixé à qualre-vingt-cinq sarrasins, et cela pour satisfaire à ta demande et te faire plaisir, et nous avons donné à ce sujet, ainsi que sur les autres choses que ton ambassadeur a traitées en ton nom, notre saint commandement qui a été mis par écrit. « Nous avons revêtu ton ambassadeur d’une robe de drap de notre pays, travaillée à la mode de notre pays et doublée d’hermine, et nous avons donné à son secrétaire une autre robe doublée de vair, et nous avons fort honoré et défrayé ton dit ambassadeur, suivant l’usage, de sorte qu’il part bien vu, bien traité, comblé de distinctions. « Nous lui avons remis les présents que nous envoyons à ta seigneurie, détaillés au bas de ce commandement. Sois donc satisfait, parce que nous te tenons pour le cher ami de notre seigneurie, parce que nous avons, selon l’usage, confirmé les anciens traités, ainsi que les franchises et droits accoutumés des consuls et de tous les commerçants qui so trouvent dans nos Etats; afin que tous soient contents et qu’ils viennent trafiquer dans notre pays, y jouissant d’une pleine sûreté pour leurs marchandises et pour leurs personnes. Envoie-nous souvent des ambassadeurs, et écris-nous, pour entretenir notre amitié; car nous recevrons toujours tes lettres avec plaisir et nous ferons écrire nos réponses. « Que chacun soit avisé que la nation des Vénitiens est honorée, appréciée dans nos États et traitée plus favorablement que toute autre dans scs affaires. « Tous tes commerçants sont libres dans notre pays. Ils peuvent y circulcret faire leur négoce sans payer aucun tribut; car nous leur ferons toujours bonne garde, et nous les maintiendrons sous notre sainte justice. « Conserve dans ton cœur ce que nous venons de t’écrire, et que Dieu nous accorde la grâce de demeurer toujours amis. Les présents consistent en 50 rouleaux de benjoin. 20 rouleaux de boisd’aloès. 4 tapis. 1 fiole de baume. 18 boîtes de thériaque, 42 pains de sucre. 20 pièces de porcelaine. » Ce traité fut la seule opération de quelque importance qui eut lieu sous le dogat de Pascal Mali-pier. Il mourut le S mai 1462, et eut pour successeur Christophe Moro , dont la famille était de Candie. III. Les inquiétudes croissaient tous les jours à Venise pour les établissements situés dans les mers de la Grèce. Les Turcs ne violaient point la paix signée avec la république; mais les armées de Mahomet détruisaient successivement tous les petits États existants dans la Macédoine, vers l’Épire et vers la Morée, et il était aisé pour les Vénitiens de prévoir que, du momentoù ils allaient se trouver seuls dans cette presqu’île, en contact avec ce redoutable conquérant, il leur serait impossible de s’y maintenir (1463). Déjà il y avait un pacha d’Athènes, et un autre commandait dans la moitié du Péloponnèse. Les Vénitiens y possédaient encore Modone. Coron, Na-