HISTOIRE DE VENISE. apparence, pour avoir raison des prétentions de l’É-glise romaine (11U9). De vingt-cinq cardinaux assemblés pour donner un successeur à Adrien, vingt-trois réunirent leurs suffrages sur le cardinal Roland Bandinelli de Sienne; il n’y en eut que trois qui lui refusèrent leurs voix, et deux de ces dessidents, soutenus d’une faction populaire, nommèrent pape le troisième, qui s’appelait Octavien, de la maison de Fres-cati. Cette double élection était déjà un scandale. Elle en occasionna un bien plus grand, lorsqu’il fallut revêtir le nouveau pape de la chape d’écarlate, signe de sa dignité. On allait la placer sur les épaules de Roland, Octavien l’arracha des mains de ceux qui la tenaient et s’en revêtit avec tant de précipitation, qu’il la mit à l’envers. Un pareil acte de violence pouvait en faire craindre d’autres. Roland cl ses adhérents se réfugièrent dans le fort Saint-Ange. Sur-le-champ ils y furent investis et gardés par les partisans d’Octavien, tandis que celui-ci était intronisé dans la chaire de saint Pierre, et installé dans le palais pontifical. Après avoir passé neuf jours dans le château, Rolland en fut tiré, mais pour être jeté dans une prison, où il resta trois jours. Enfin une partie du peuple lui rendit la liberté, et il alla se faire sacrer à quelques lieues de Rome, sous le nom d’Alexandre 111. Son compétiteur, qui avait pris le nom de Victor IV, ne put réunir que quinze jours après le nombre de prélats nécessaire pour la même cérémonie. Les deux compétiteurs commencèrent par s’ex-communier réciproquement; mais ces armes spirituelles, quand ils les employaient l’un contre l’autre, cessaient d'être enchantées: aussi les deux papes eurent-ils recours à des armes plus réelles; tous deux écrivirent à l’empereur pour réclamer sa protection. IX. Frédéric, devenu l'arbitre d’une puissance qui avait voulu empiéter sur la sienne, convoqua un concile à Pavie, pour prononcer entre les deux concurrents. Il y appela non-seulement les évêques de ses États, mais ceux de France, d’Angleterre, de Danemarck et de Hongrie, et envoya des députés aux deux concurrents, pour les citer et leur ordonner de comparaître (1100). Ces députés se rendirent d’abord auprès de Roland, que l’empereur dans sa lettre n’appelait point Alexandre, et qu’il ne qualifiait que de cardinal. Au lieu de lui rendre les respects dus à son nouveau titre, ils s’assirent en sa présence, pour exposer l’objet de leur mission. Alexandre refusa noblement de reconnaître l’autorité d'un concile convoqué par un autre que par lui-même, et de soumettre l’Églisc au jugement de l’empereur. Ce refus fit pencher la balance en faveur de Victor. Les députés, en se présentant devant lui, lui baisèrent les pieds. Il se rendit à Pavie, et le concile, qui se trouvait composé d’environ cinquante évêques et d’un grand nombre d’abbés, et qui délibérait en présence des envoyés des rois de France et d’Angleterre, prononça en sa faveur, à la suite d’une information qui dura sept jours. L’empereur, après avoir approuvé cette décision, voulut montrer qu’il regardait comme en vain cérémonial tous les respects que les papes avaient exigés jusque-là si impérieusement. Il baisa les pieds de Victor, qui n’était que sa créature, et Victor, assis sur un trône, au milieu du concile, prononça l’ana-thème contre Roland et ses adhérents. X. Alexandre, de son côté, excommunia Frédéric et l’antipape, et délia tous les sujets de l’empereur de leur serment de fidélité. 11 n’y eut dans toute l’Allemagne que deux prélats qui se déclarèrent pour Alexandre; aussi dans la suite leur constance fut-elle récompensée par la canonisation. Mais les évêques de France ne s’étaient point rendus au concile; plusieurs reconnurent les-droits du pape Roland: il était naturel que la France protégeât celui contre lequel l’empereur s’était déclaré. L’église d’Angleterre hésita plus longtemps, mais finit par suivre cet exemple. Les rois de Hongrie, de Danemarck et de Norwége se réunirent au parti de Victor; de sorte que l’Europe se trouva partagée entre les deux compétiteurs qui se disputaient le trône pontifical. Alexandre III, dans la longue durée de ce schisme, montra une grande fermeté. L’opposition de l’empereur et de presque tous les évêques de l’Empire n’ébranla point son courage. 11 semblait avoir sans cesse devant les yeux ces peintures du palais de La-tran, où les schismatiques téméraires servent de marchepied aux papes. Il prodiguait les excommunications, les anathèmes, et n’épargnait pas à ses partisans les récompenses spirituelles. 11 y en eut qui portèrent l’enthousiasme jusqu’au fanatisme, et on leur attribua le don des miracles. L’un des plus zélés, Pierre, archevêque de Tarentaise, osa, en présence de l’empereur et de l’archevêque de Besançon, qui tenait pour l’antipape, ordonner au peuple de cette ville de prier pour que Dieu convertit l’archevêque, ou qu’il en délivrât l’Église. Le peuple se mit en prières, et le prélat schismalique mourut quatre jours après. On conçoit ce que de tels exemples devaient avoir d’iniluence au XIIe siècle. De son côté, le pape Victor dominait en Italie, tenait un concile, et excommuniait l’archevêque et la ville de Milan, que l'empereur assiégeait alors, parce que, ainsi que plusieurs autres villes d’Italie.