LIVRE XXI. 341 (1er, à la vérité sans succès, que le château Saint-Ange fût remis aux troupes du roi. Les deux cardinaux que George d’Amboise amenait avec lui étaient le cardinal Ascanio, frère de ce même Louis Sforce, que le roi de France avait détrôné, et Julien de la Rovère, Génois, par conséquent actuellement sujet du roi, cl que nous avons vu l’ardent promoteur des guerres d’Italie sous Charles VIIL XIX. Plusieurs prétextes avaient retardé l’ouverture du conclave; d’abord les troubles de Rome et la nécessité d’assurer la tranquillité de cette capitale pendant l’élection; ensuite les obsèques du pape; enfin la difficulté que faisaient la plupart des cardinaux d’entrer dans le conclave, tant que les Iroupes de César Borgia, des Colonnes, des Ursins, seraient dans Rome et celles de France à ses portes. Ce fut le sujet d’une longue négociation avec César Borgia ; mais, comme elle n’avançait point, le cardinal de la Rovère alla trouver George d’Amboise, et après l’avoir salué comme celui qui devait être infailliblement souverain pontife, il lui représenta qu’il importait à la gloire de son élection et à la tranquillité de son règne qu’on ne put pas attaquer la validité de sa nomination ; que la présence des troupes fournirait un prétexte pour alléguer que les suffrages n’avaient pas été libres ; que dans un temps où la France et l’Espagne se disputaient une partie de l’Italie, l’exaltation d’un pape français, si elle n’était évidemment libre et régulière, occasionnerait vraisemblablement un schisme dans ('Église ; qu’une nouvelle preuve de sa sagesse et de sa modération ne pouvait que lui concilier encore un plus grand nombre de suffrages ; qu’il était digne de lui de monter dans la chaire de Saint Pierre, non comme le ministre d’un roi puissant, mais comme un prélat qui avait honoré l’Eglise par scs vertus,et un homme d’État qui l’avait défendue par son génie; qu’enfin il était de sa gloire, de son intérêt, d’éloigner les troupes françaises des portes de Rome, et d'exiger de César Borgia qu’il en fit sortir les siennes. Le cardinal d’Amboise se laissa persuader par ces discours, malgré les conseils de César Borgia. Toutes les troupes sortirent, le conclave s’ouvrit, et là, le cardinal de la Royère, le cardinal Ascanio, firent aisément sentir au sacré collège, que ce serait, dans les circonstances présentes, attirer le fléau de la guerre sur Rome que de nommer un pape français ou espagnol. En conséquence ou se décida à choisir un Italien. L’ambassadeur de Venise, qui lisait dans ses instructions la recommandation formelle de s’opposer de tout son pouvoir à l’élection du cardinal d’Amboise, s’était empressé d’offrir les troupes de sa république pour la garde du sacré collège; on ne les accepta point, mais on profita de ses dispositions, et il contribua puissamment à faire exclure du pontificat le premier ministre de France. Julien de la Rovère apparemment n’était pas prêt à s’assurer de tous les suffrages pour lui-même : il fit tomber l’élection sur le cardinal Piccolomiui, qui réunit trente-sept voix sur trente-huit. Digne de la tiare par scs vertus, il ne la dut qu’à ses infirmités. Ce n’était pas assez pour l’humiliationducardinal d’Amboise de voir s’évanouir ses espérances, entretenues depuis si longtemps et si publiquement avouées : la fortune lui réservait une seconde épreuve. Pie III, ou Piccolomini, ne vécut que quelques jours ; mais dans un règne si court il eut le temps de se déclarer, et de faire déclarer Rome contre la France. Le cardinal d’Amboise, comme ministre du roi, et comme prétendant au pontificat, avait un grand intérêt à gagner la faction des Ursins, alors très puissante. Il se croyait sur le point d’y réussir, lorsqu'on vit arriver à Rome le comte de Petigliano, général de l’arméedes Vénitiens, qui était de cette maison, et qui fit rompre la négociation entamée. Les Ursins se jetèrent dans le parti des Espagnols, et le cardinal d’Amboise accusa les Vénitiens de connivence avec l’Espagne : du moins parait-il certain que leur ambassadeur avait fourni à Gonzalve de Cordoue la somme qui fut stipulée dans le traité que les Ursins conclurent avec lui. Aussitôt que le nouveau pape eut fermé les yeux, le cardinal de la Rovère fil connaître aux cardinaux espagnols qu’il était dans les mêmes dispositions politiques que Pie III; il gagna le cardinal Ascanio en lui promettant d’employer sa puissance pour rétablir Louis Sforce, son frère, sur le trône de Milan. Beaucoup de voix furent achetées; on se lia dans toute cette intrigue par des serments solennels, les uns engageant leur voix, l’autre ses bienfaits. 11 restait à s’assurer de la coopération du duc de Valentinois, qui ne laissait pas d’avoir encore quelque influence sur plusieurs membres du sacré collège, principalement sur ceux de la faction d’Espagne. L’ambitieux cardinal s’avisa, dit-on, d’un mensonge, qui n’aurait pas dù être un titre à la tiare. Des affiués allèrent dire au duc, que sa mère avait eu des liaisons avec Jules de la Rovère, cl que lui, César Borgia, était le fruit de cette union, au lieu d'ètre le fils d’Alexandre VI, comme il l’avait cru jusqu’alors. Ce pape, ajoutait-on, en avait eu quelque soupçon, et sa jalousie était le motif secret des persécutions dont il avait si longtemps poursuivi le cardinal. Ce récit pouvait manquer de vrai-