HISTOIRE DE LA RÉPUBLIQUE DE VENISE. LIVRE PREMIER. DESCRIPTION GÉOGRAPHIQUE.— ORIGINE DES VÉNITIENS.— DE l’ÉTAT DES VEKÉTES SOUS LES ROMAINS.— INVASION DES GOTDS, DES IlUNS , DES IIÉRULES, DES OSTROGOTHS.— FONDATION DE VENISE, 421.— EXPULSION DES OSTROGOTHS; ÉTABLISSEMENT DES LOMBARDS EN ITALIE, 5Ï55. — CRÉATION, ABOLITION ET RÉTABLISSEMENT DU DOGAT A VENISE, 697-742.— nUIT DOGES DÉPOSÉS.— GUERRE DE PÉPIN CONTRE VENISE, 745-809.— PREMIERS DOGES DE LA FAMILLE PARTICIPATE.— ARRIVÉE DU CORPS DE SAINT MARC A VENISE, 810-829. I.Une république fameuse, longtemps puissante, remarquable par la singularité de son origine, de son site et de ses institutions, a disparu de nos jours, sous nos yeux, en un moment. Contemporaine de la plus ancienne monarchie de l’Europe, isolée par système et par sa position, elle a péri dans cette grande révolution qui a renversé tarit d’autres États. Un caprice de la fortune a relevé les trônes abattus; Venise a disparu sans retour ; son peuple est effacé de la liste des nations; et, lorsque après ces longues tempêtes, tant d’anciens possesseurs se sont ressaisis de leurs droits, il ne s’est point trouvé d’héritier pour un si riche héritage. Depuis sa catastrophe, livrée, rendue, reprise et asservie pour toujours, à peine a-t-elle entendu de faibles voix réclamer pour elle cette pitié, dernier droit du malheur. Quelque préoccupés que fussent les spectateurs de cette grande infortune, honorée de si peu de regrets, ils ont demandé comment avait pu se dissoudre un gouvernement réputé jusqu’alors inébranlable; ils se sont informés des causes qui avaient du préparer une si subite et si complète révolution. L’histoire, qui doit son témoignage à ceux qui ne sont plus, consignera les souvenirs que nous a lais- 1I1ST0IRE DE VENISE. sés ce peuple, que son ancienneté place à la tête des nations modernes, qui les précéda toutes dans les arts de la civilisation, et qui mérita leur envie par ses prospérités. Parmi les guerres, les conquêtes, les désastres, les conjurations, elle aura à tracer la marche de l’industrie humaine, à dévoiler les ressorts inconnus jusqu’à ces derniers temps d’un gouvernement mystérieux, tour à tour l’objet de l’admiration et de la satire ; mais à qui ses plus grands ennemis n’ont pu contester du moins sa stabilité. Il doit y avoir quelque fruit à tirer de l’étude d’un système d’organisation sociale qui n’avait pas eu de modèle ; et, après avoir remarqué cette constance dans les maximes et dans les efforts, qui éleva la république à un si haut degré de puissance et de splendeur, il ne sera pas moins instructif d’observer comment les vices intérieurs de cet État l’ont conduit àcette existence isolée, languissante et passive, qui explique l’indifférence avec laquelle ses contemporains ont vu sa catastrophe. Il fallait que cette révolution arrivât, pour que ce gouvernement impénétrable n’eùt plus de mystères. Il fallait qu’il ne pût plus être haï, craint ni flatté, pour qu’il fut possible d’écrire et de lire son histoire avec quelque confiance. Il n’est pas rare de voir de grandes émigrations 1