I.IVRE PREMIER. 1!S la couronne dans un temps de prospérité. En lui confiant le gouvernement, on lui donna pour conseil deux tribuns qui se renouvelaient par élection d'année en année. Les événements venaient de prouver que le siège du gouvernement était mal placé à Iléracléc, qui avait été détruite plusieurs fois, et à Malamocco, qui vtuait d’être prise par les Lombards. Il semblait que les habitants des lagunes attendissent cette expérience pour s’occuper de l'embellissement de leur capitale. Rialle offrait plus de sûreté; elle avait été l’asile de la liberté vénitienne; le gou-verrBment s’y trouvait transporté ; les fugitifs y affinaient, et beaucoup projetaient de s’y lixer, pouf être à l'abri de nouveaux dangers. Il y avait autour de Rialte une soixantaine de petite* Iles que le doge lit joindre l'une à l’autre par des ponts. Elles se couvrirent bientôt de maisons. On les environna d’une enceinte, et ce fut alors que les descendants de cette peuplade de fugitifs donnèrent à cette ville naissante, qu'ils venaient de fonder au milieu d’un marais, le nom de yenetia, en mémoire des belles contrées d’où leurs pères avaient été forcés de s’expatrier. La province a pcrdul son nom, et est devenue sujette de la nouvelle Venise. Participatif) fit bâtir une église cathédrale à Olivolo, et un palais ducal sur le même emplacement qu’occupe celui d’aujourd'hui. Ses soins pour la capitale ne l’empêchèrent pas de veiller aux intérêts des villes que la guerre avait détruites. Malamocco, Palcstrine, Chiozza, sortirent de leurs ruines, et Héraclée, la patrie du doge régnant, entièrement rebâtie, prit le nom de Ciltà-A uora ■ La paix de ce règne ne fut troublée que deux fois*Le patriarche d’Aquilée, secondé par les nobles de Frioul, fit une descente à Grado, et vint attaquer le patriarche de cette Ile. L’année vénitienne accourut au secours de celui-ci, battit les ennemis, et mit les côtes du Frioul à feu et à sang. ifi second événement dont nous avons à parler fut eue conspiration tramée contre le doge, par Jean Jarrolico, Bon Bragadino, et Moneterio. Le (loge, après l'avoir découverte par sa vigilance, la punit avec une juste sévérité. De ces trois chefs de conjurés, le dernier échappa par la fuite, les deux autles furent mis à inort. - JÏan Parlicipatio, dont la conduite fut d’ailleurs si louable, ne résista pas plus que ses prédécesseurs a I ambition de perpétuer sa dignité dans sa famille. Iïa\ait deux fils, Justinien cl Jean. L’aine avait été .envoyé par son père auprès de l’empereur de t.oiistantinople. Pendant son absence, le père s’adjoignit le cadet ; et, ce qu’il y a de plus remarquable, c est qu il sc I adjoignit, à ce qu'il parait, de sa propre autorité. Justinien, à son retour, témoigna un vif ressentiment de celte exclusion injurieuse pour lui. Le doge, pour prévenir la discorde de sa famille, et peut-être les désordres de l'État, se détermina à reconnaître ce que son fils ainé appelait déjà ses droits. Jean consentit à renoncer à l’association au do-gat; Justinien prit sa place, et il y a même des auteurs qui ajoutent que celte faveur s’étendit jusque sur un petit-fils, Ange, fils de Justinien. De sorte que ce petit-fils se trouva à la fois le collègue de son père et de son grand-père, et que la dignité ducale semblait assurée dans cette famille pendant trois générations. Mais il parait que ce petit-fils mourut le premier. Justinien succéda à son père en 827. Ce prince élail faible par caractère et d'une santé débile. Il rappela son frère Jean au partage de l'autorité. L'histoire n'a conservé aucun des événements de son règne, qui dura à peu près deux ans, si ce n’est l'envoi qu’il fit d'une llolle, sur la demande de l'empereur Michel, dans les eaux de la Sicile, pour y combattre les Sarrasins, qui commençaient à infester les côtes de la Méditerranée; niais celle flolte rentra dans les lagunes sans avoir comballu. XXV. Un événement d’un autre genre se passa pendant la vie de ce doge obscur; ce fui la translation du corps de l’évangclistc saint Marc à Venise. Comme ce fait sert à faire connaître les mœurs du temps, je ne puis que traduire ici le récit naïf d'un ancien historien. uLe roi d’Alexandrie, faisant bâtir un magnifique palais, avait ordonné qu'on cherchât partout, pour cette construction, les marbres les plus précieux, et qu’on en dépouillai même les églises. Celle de Saint-Marc, l’une des plus belles, n’en était pas exceptée : deux saints prêtres grecs préposés à la garde de cette église, Stauratius et Théodore, gémissaient de cette profanation. Il y avait alors dans le port d’Alexandrie dix vaisseaux vénitiens. Bon de Malamocco et Ilustic de Torccllo, étant venus dans cette église pour y faire leurs dévotions, furent frappés de la tristesse des desservants et leur en demandèrent la cause : l’ayant apprise, ils les pressèrent avec de grandes promesses de leur livrer le corps de saint Marc, les assurant que les Vénitiens en conserveraient une grande reconnaissance. Les deux prêtres s’y refusèrent d’abord, craignant de commettre un sacrilège, en déplaçant les restes du saint patron. Mais, ainsi le voulut la divine Providence, pendant cet entretien, ceux que le roi avait chargés de la recherche des marbres précieux se présentèrent dans l’église, et, sans respect du lieu, se mirent en devoir d’emporter ce qu’ils jugeaient propre à la construction du palais du roi.