404 HISTOIRE DE VENISE. que et de sa nation, éloigné de l’armée pendant le régne de Louis XII, et poursuivi dans son oisiveté par le bruit des exploits de Gaston, se hâta de prendre le titre de duc de Milan, en montant sur le trône; et, lorsqu’à l’arrivée des ambassadeurs de Venise, il signa le renouvellement de l’alliance conclue à Rlois deux ans auparavant, il leur dit qu’il donnait rendez-vous, dans quatre mois, à leur armée sur les bords de l’Adda. Il se mit en mesure de tenir parole. Au mois d’aoùt, deux mille cinq cents gendarmes, et trente à quarante mille hommes d’in-fanterie (1), se présentèrent au pied des Alpes. Les dangers exposés aux Vénitiens par Pierre Bcmbo allaient se réaliser. L’empereur, le roi d’Espagne et les Suisses avaient conclu une ligue pour la défense du Milanais. Le pape avait hésité longtemps avant d’y accéder, il s’y était refusé même formellement, et il est probable que, par circonspection, il aurait persisté dans sa neutralité, si François Ier, en le pressant trop vivement de s’allier à la France, ne l’eût fait sortir violemment de son irrésolution. Gênes seule trahit la cause de l’Italie, en ouvrant ses portes aux Français; mais l’empereur, quoique membre de la ligue, ne paraissait point encore sur le champ de bataille : l’armée du pape n’avançait qu'avec timidité : il était difficile d’espérer aucun ensemble dans les opérations de plusieurs généraux indépendants les uns des autres. Don Raymond de Cardonne, à la tête de douze mille Espagnols, attaqua les Vénitiens et leur enleva Viccnce, tandis que les Milanais s’avancaient dans le Piémont, pour en disputer l’entrée, et que les Suisses, déjà postés au pas de Suze,y attendaient les Français, lis furent obligés de revenir promptement dans la plaine, lorsqu’ils apprirent que le capitaine Bayard y avait paru à la tête de quelques troupes, et que le roi avait conduit son armée et ses canons par des passages réputés impraticables jusqu’alors. Ce fut à Novarre, sur le lieu même où ils avaient vaincu deux ans auparavant, que les Suisses vinrent l’attendre. Us y étaient au nombre d’environ trente mille. Là, ils éprouvèrent un retard dans le paiement de leur solde, dont les alliés, c’est-à-dire le pape et le roi d’Arragon, n’avaient pas fait les fonds exactement. Aussitôt le mécontentement de ces intraitables et insatiables milices alla jusqu’à la révolte et à la défection; elles pillèrent la caisse du commissaire apostolique qui suivait leur armée, et se mirent en route pour leur pays. On courut après elles; l’argent qui se trouva sur leur passage, l’attente d’un nombreux renfort, qui descendait des montait) Selon le maréchal Robert de la Marck, 2,500 bommes d’armes, 1,500 chevau légers, 26,000 lansquenets, 10,000 gnes comme elles allaient y rentrer, et les prédications du cardinal de Sion, parvinrent à les arrêter du côté de Calera. Les Français, qui ne trouvaient plus d’obstacle, entrèrent dans Novarre et dans l’a-vie, passèrent le Tésin. Tandis qu’une division de l’armée suivait la rive droite du Pô, le reste s’avança jusqu’à Buffalora, poussant des détachements dans les faubourgs de Milan. Rien ne bougeait dans cette capitale : on s’y souvenait des contributions immenses qu’elle avait eu à payer après sa dernière défection. Aussi les habitants envoyèrent-ils des députés au roi, pour protester de leur dévouement, et lui demander la permission d’attendre, pourle faire éclater, que la fortune eût décidé de leur sort. Pendant ce temps-là, le duc de Savoie, qui ne pouvait voir qu’avec une mortelle inquiétude ses États traversés par des armées étrangères assez peu disposées à respecter sa neutralité, s’était rendu au camp des Suisses, et les avait déterminés, à l’aide des partisans que le roi y soudoyait, à conclure un traité de paix avec la France. Ce traité portait qu’il y aurait, entre le roi et les cantons, une alliance qui durerait pendant toute la vie de François Ier, et dix ans après sa mort; que les quatre bailliages envahis sur le Milanais en 1312 seraient rendus, ainsi que Chiavcna et la Valteline, les Suisses s’engageant à les faire restituer par les Grisons; que Maximi-lien Sforce serait obligé de céder au roi tous ses droits sur le duché de Milan, et d’accepter en échange le duché de Nemours, avec une pension de douze mille écus. On voit que les Suisses consentaient à évacuer le duché de Milan en faveur du roi. Pour prix de toutes ces concessions inespérées, ils ne demandaient que de l’argent. Le roi s’obligeait à leur payer quatre cent mille écus d’or, qui leur avaient été promis lorsqu’ils avaient évacué la Bourgogne, un supplément de trois cent mille écus d’or, une gratification de trois mois de solde; et, pour l’avenir, le subside annuel de dix mille écus d’or, que la France payait précédemment aux cantons, devait être doublé. Ces sommes étaient considérables, mais c’était un bonheur inappréciable, pour la France, de terminer, sans coup férir, une guerre qui pouvait être si sérieuse, et de recouvrer le duché de Milan. Ce bonheur fut détruit aussi inopinément qu’il avait été obtenu. Les autres Suisses, qui arrivaient au nombre de vingt mille, et qui ne devaient pas avoir part à la gratification de trois mois de solde, ne voulurent pas reconnaître un traité fait sans eux. Le cardinal de Sion, qui l’avait souffert à regret, tra- Gascons, et 10,000 aventuriers, en tout 14,000 chevaux el 40,000 hommes de pied.