HISTOIRE DE VENISE. de sa ville natale, força les ennemis dans une île du Pô située près de Casal-Maggiore. François Picci-nino, qui avait succédé à son illustre père dans le commandement des troupes milanaises, avait choisi cette lie pour son camp, et, à l’aide de deux ponts qu’il avait jetés à droite et à gauche, il se Qatlait de trouver dans ccltc position le double avantaged’être inexpugnable et de pouvoir manœuvrer à volonté sur les deux rives (144S5). Les positions réputées inattaquables ne sont pas celles où l’on tient le plus longtemps, parce que, en dernière analyse, les défenses matérielles n’ont point de force répulsive; il survient ordinairement quelque accident qu’on n’avait pas prévu : l’imagination s’effraie de ce mécompte, on se trouve d’autant moins de résolution, qu’on avait auparavant plus de sécurité. On s’était arrangé pour èlre défendu par la position; du moment qu’elle-môme a besoin d’étredéfenduecomme une autre, 011 est tenté de l’abandonner. C’est ce qui arriva à la bataille de Casal-Maggiore, qui se donna le 28 septembre 1446. François l’iccinino, posté dans une ile au milieu d’un grand lleuve, avait démontré à ses soldats qu’on ne pouvait venir à eux que par les ponts dont il avait fortitié la tête avec beaucoup de soin. La tète de pont forcée, le passage était encore impossible à franchir, l’artillerie aurait foudroyé la colonne qui s’y serait présentée, et enlin une arche coupée interdisait aux assaillants tout moyen d’arriver jusque dans Plie. En effet, lorsque les Vénitiens s’avancèrent pour attaquer le pont qui s’appuyait sur la rive gauche, ils y trouvèrent la plus vigoureuse résistance; mais pendant cette attaque, les Milanais virent la cavalerie de Cotignola s’élancer dans le lleuve. Sur-le-champ ces mêmes hommes qui combattaient vaillamment dans la tête de pont, s’ébranlent à la vue d’une troupe qui ne les attaquait pas ; ils lâchent le pied. Les Vénitiens s’élancent après eux, et, sans donner le temps de retirer le pont, passent l’arche coupée, surprennent Pile.Tout le camp est en désordre,et François Piccininosesauvc sur la rive droite, en faisant couper l’autre pont derrière lui. De toute son armée il ne lui restait pas quinze cents chevaux. Cette victoire rendit Cotignola maître de la rive gauche du Pô; il soumit toute la province de Crème, excepté la capitale, passa l’Adda, fit capituler Cassano, et ses troupes légères coururent jusqu’aux portes de Milan. Philippe-Marie appela des secours de tous les côtés : il conjura le roi de Naples de faire marcher son armée dans le Milanais; il chercha à intéresser le roi de France, Charles VII, dans sa querelle : il s’adressa à Sforce lui-méine, pour lui proposer une réconciliation, qui était dans les intérêts de tous deux. Celui-ci était assez mécontent des Vénitiens, qui, depuis leur victoire, ne se mettaient guère en peine de lui fournir des subsides. C’était surtout l’argent qu’il manquait : son beau-père lui en promit et ordonna qu’on lui fit l’avance d’une somme considérable. Cette offre détermina Sforce à abandonner la ligue des républiques pour devenir le défenseur des Milanais. A peine eut-il manifesté cette résolution, que le duc commença par suspendre l’envoi des fonds promis. Ce manque de foi retarda la marche du gendre, et donna le temps aux Vénitiens de continuer leurs conquêtes dans le Milanais. Enlin le pape, qui était alors Nicolas V, leva toutes ces difficultés,et moyennant trente-cinq mille écus d’or qu’il paya, décida Sforce à se désister de toutes ses prétentions sur les places de la Romagne, pour se vouer tout entier à sauver les États de son beau-père. II. Ce général venait de se mettre en marche lorsque le duc Philippe-Marie Visconti mourut, le 13 août 1447, âgé seulement de cinquante-cinq ans; mais sa vie voluptueuse avait avancé pour lui les infirmités de la vieillesse. C’était le dernier, non pas du nom , mais de la branche des Visconti qui avait régné sur une grande partie de l’Italie pendant cent cinquante-deux ans. Ambitieux sans courage, il avait attiré des guerres continuelles sur ses malheureuses provinces, dont il avait perdu plusieurs,et il sembla avoir pris à tâche de laisser après lui un long héritage de malheurs à ses sujets. Il avait fait quatre testaments. Par le plus ancien il avait légué sa couronne à Antoine Visconti, son cousin. Ensuite il lui avait préféré uu autre de ses parents, nommé Jacques. Par une troisième disposition il avait institué pour son héritière universelle sa fille unique, Blanche, femme de François Sforce. Enfin, quelques jours avant sa mort, et à l’époque où il venait de se réconcilier avec son gendre, il avait fait un quatrième testament, par lequel il déshéritait sa fille et nommait pour son successeur le roi de Naples, Alphonse d’Arragon. Mais il n’était nullement reconnu qu’un duc de Milan put disposer de cette principauté par testament, comme d’un patrimoine : il 11’y avait rien de réglé , même pour l’ordre de succession, et depuis 1277, que les Visconti occupaient ce trône, le plus fort s’y était toujours assis au mépris de tous les droits de primogéniture. Ce n’était pas tout : il y avait d’autres prétendants à cette succession. L'empereur Frédéric III réclamait le droit d’en disposer, parce qu’elle n’était qu’un fief de l’empiic.