LIVRE PREMIER. 13 ec» qui venaient de conquérir l’empire d’Occident. Chafcleinagncr ordonna que tous les Vénitiens établis à Ravenne en fussent expulsés; ils fréquen-taicRl cette villedepuis deux centsans; ils y avaient deS magisins, des comptoirs. Le pape Adrien I*r seconda le ressentiment de l’empereur, en bannissant du territoire de l’Église tous les sujets de la nouvelle république. Selon quelques historiens, Charlemagnc alla plus loin : il donna Venise au saint-siége. Si la pièce connue sous le nom de donation de Charlemagne à l'Église était de quelque authenticité, nous aurions à examiner ici comment cet empereuravait pu comprendre dans scs libéralités envers le siège apostolique, la Corse, la Sardaigne, la Sicile, Venise, et plusieurs autres pays qui ne lui appartenaient pas; mais il est bien reconnu que toutes ces donations, dont on n’a jamais produit ni les originaux ni les copies, sont des pièces supposées. On n’a commencé à parler de celle de Charlemagnc qu’un siècle après la mort du donateur; et l'histoire est sans doute dispensée d’expliquer un fait dont elle n’admet pas l’existcncc. De sa retraite, Obelerio n’avait pas cessé d’entre-teniPdcs intelligences dans Venise, en même temps qu’il correspondait avec Fortunat. Une nouvelle conjuration se forma. Tout à coup les partisans d’Obelerio le proclamèrent doge ; à ce signal le peuple se souleva; Jean et Maurice effrayés ne durent leur salut qu’à la fuite, et se réfugièrent à Man-toue, en 804. Du fond de son exil, Obelerio rentra dans sa patrie pour la gouverner. Il suivit le funeste exemple tracé par scs deux prédécesseurs. A peine parvenu à la dignité ducale, il se fit donner pour collègue son-frère Béat, et même dans la suite son second frère Valentin ; tant on était impatient d’assurer le pouvuirdans sa famille. Parvenu au trône, il aperçut |qu’en invoquant les secours de l’étranger il s’était privé de l’espoir de régner tranquille, et crut assurer son repos en soumettant sa patrie à payer un tribut au roi d’Italie. Mais ses intrigues elc^lles de Fortunat, dont l’objet était de tirer vengeance du crime de Jean et de Maurice, avaient appelé les armes de Pépin contre la république. XA1II. Jean et Maurice étaient déposés, exilés; ils ne se trouvaient plus dans les Iles vénitiennes. Comme ce n’était pas pour les punir que Pépin avait armé, il ne renonça point à ses projets. Ainsi sont toujours trompés dans leur espoir ceux qui appellent I étranger pour venger leur injure personnelle. On raconte fort diversement les circonstances qui amenèrent cette guerre. Les uns disent qu Obelerio, chassé du trône par son frère Béat, sc réfugia à la cour de Charlemagne, dont il épousa la fille, et dont il attira la colère sur sa patrie. D’autres, et ceci est plus vraisemblable, racontent que Pépin, après s’ètre rendu maître de l’Istrie et du Frioul, voulut pousser ses conquêtes vers la Dalmatic. La coopération desVéniliens lui eût été d’un grand secours. 11 la réclama : Obelerio fit tout ce qu'il put pour les y déterminer ; mais une saine politique ne leur conseillait pas de faciliter, sur la rive orientale du golfe, les progrès d’un conquérant qui en occupait déjà la rive occidentale. Us s’excusèrent de leur mieux; Pépin, irrité de ce refus, les traita en ennemis. Son armée attaqua vivement Héraclée et Équilo, les emporta d’assaut, les livra aux flammes. Les Vénitiens épouvantés sc tournèrent vers le doge, lui demandant quel usage il comptait faire du crédit qu’il sc vantait d’avoir auprès de Pépin. N’étaicnt-ils pas assez châtiés de n’avoir pas concouru, comme Obelerio le voulait, à livrer à cc conquérant toutes les côtes de l’Adriatique? Le doge sollicita le roi des Lombards de retirer scs troupes, et l'obtint ; mais Héraclée et Équilo étaient détruites, et leurs habitants furent obligés de sc disperser sur les autres Iles. Cependant le dernier doge, quand il s’était vu menacé d’une attaque de la part du fils de Charlemagne, avait demandé des secours à l’empereur d’Oricnt. Nicéphore, qui occupait alors le trône do Constantinople, avait senti combien il lui importait de s’opposer aux progrès des nouveaux maîtres do l'Italie. Une Hotte sous les ordres de Nicétas était partie dans ce dessein. Elle arriva dans le golfe. Obelerio ne put empêcher que les Vénitiens n’y joignissent leurs vaisseaux. La flotte combinée sc montra sur divers points de la côte, pour disperser, en les attirant, les forces de l’ennemi, et tout à coup vint jeter l’ancre devant Coinacchio, que Ni-cétas ne croyait pas en bon état de défense. Les troupes attaquèrent la ville, et la trouvèrent pourvue d’une forte garnison. Cette garnison fit une sortie, et tua beaucoup de monde à Nicétas, qui se vit obligé de se rembarquer précipitamment. La flotte, après avoir manqué son expédition, se retira à Malamocco. On ne pouvait pas douter que Pépin ne cherchât à tirer vengeance de cette attaque. Venise fut dans la plus grande agitation, quand on apprit que le roi des Lombards assemblait à Ravenne des troupes et des vaisseaux. On venait d’éprouver combien les armes de Pépin étaient redoutables. Quelle honte pour le doge d’être réduit à proposer à ses concitoyens des soumissions, afin de conjurer l’orage que lui-même avait attiré sur eux ! C’est une grande faute dans un chef de ne pas présumer assez du courage de son peuple. Cette circonspection l’ex-