118 HISTOIRE DE VENISE. forl pour se proroger lui-même pendant dix autres années. Tout ce qu’on put obtenir à l’expiration de ce terme, ce fut que la nouvelle prorogation serait prononcée parle grand-conseil;enfin,en 152Ï5,cette terrible magistrature fut déclarée perpétuelle. Ce qu’elle avait l'ait pour prolonger sa durée, elle le fit pour étendre scs attributions. Institué seulement pour connaître des crimes d’État, ce tribunal s’était emparé de l’administration. Sous prétexte de veiller à la sûreté de la république, il s’immisça dans la paix et dans la guerre, disposa des finances, fit des traités avec l’étranger, et finit par s’arroger le pouvoir souverain, puisqu’il en vint jusqu’à casser même les délibérations du grand-conseil, à en dégrader les membres de leur droit de souveraineté, à les faire rentrer à son gré dans la classe des sujets, et à destituer un doge. Nous verrons successivement ces envahissements sur l’autorité. Enfin ce tribunal en créa dans la suite un autre plus terrible que lui-même. Cependant, pour ôter tout sujet de ressentiment aux anciennes familles patriciennes que le hasard avait exclues du grand-conseil, on y admit toutes celles qui n’avaient pris aucune part à la conjuration. Pierre Gradenigo mourut deux mois après son triomphe. Il n’avait pas encore cinquante ans. Sa mort fut attribuée au poison, mais on n’a acquis à cet égard aucune certitude, et ce soupçon prouve seulement la haine dont il était l’objet.