HISTOIRE DE VENISE. ciles, et des députes de Milan arrivèrent secrètement à Bergame, où ils signèrent un traité avec les plénipotentiaires vénitiens. Mais Sforce en fut averti, et lorsque les magistrats de la répuWique de Milan s’assemblèrent, pour ratifier le traité, ils se virent entourés par une multitude factieuse qui criait : « Point de paix avec les « Vénitiens, ennemis du comte Sforce. » 11 fallut céder, et le traité resta comme non avenu. V. On voit que le comte était déjà puissant dans Milan ; mais s’il commençait à parler en maître, il savait aussi agir en grand prince. Il rassembla tous les bâtiments qu’on put trouver, et organisa une flottille à Crémone. 11 ouvrit la campagne de 1448 par la conquête de Cassa no, après un siège de dix jours. Pendant qu’il soumettait la rive gauche de l’Adda, la flotte vénitienne, qui, sous le commandement d’André Querini, avait remonté le Pô , depuis Casal-Maggiore jusqu’à Crémone, vint attaquer cette dernière place, pour y brûler le pont et la flottille. L’attaque fut soudaine; les eaux du fleuve étaient basses, et quelques bancs de sable se trouvaient à sec, sous les arches du pont. Les Vénitiens s’y élancèrent, escaladèrent les arches, y plantèrent l’étendard de Saint-Marc, et travaillaient précipitamment à rompre les piles, lorsque la comtesse Sforce, qui était dans la place, s'avança sur le haut des murailles, rassembla le peu de troupes qu’on y avait laissées, fit pointer les canons sur la flotte et faire un feu si meurtrier que les Vénitiens furent obligés d’abandonner leur attaque et de s’éloigner. A cette nouvelle, Sforce se porta sur le fleuve avec toute son armée, malgré les cris des Milanais, qui lui reprochaient d’abondonner leur pays aux courses des Vénitiens; malgré les intrigues des deux Piccinino, qui cherchaient à le traverser dans tous ses projets; malgré les murmures de ses soldats mercenaires, dont il ne pouvait payer la solde qu’en leur accordant le pillage de ses propres places. Arrivé devant Casal-Maggiore, où Querini s’était retiré, il fit gronder ses batteries sur les vaisseaux vénitiens, et descendre sa flottille de Crémone, pour empêcher l’ennemi de s’échapper. L’armée de la république marchait au secours de la flotte, mais elle arriva trop tard. Pendant tout un jour les batteries avaient fait un feu si terrible sur le port, que celle position n’était plus lenablc. Il était impossible d’appareiller sans se découvrir encore davantage. Querini se détermina, en versant des pleurs de rage, à mettre tous ses équipages à terre, et à brûler cette flotte composée de près de quatre-vingts bâtiments. Son malheur, ou le tort qu’il avait eu de se renfermer dans le port de Casai, fut puni d’une prison de trois ans et de la privation perpétuelle de toutes fonctions publiques. Après la destruction de la flotte ennemie, Sforce commença le siège de Caravaggio, qui devait lui faciliter la conquête de Lodi. Cotignola vint, avec dix-sept mille hommes, dont douze mille gendarmes, prendre poste à sa vue, et pendant que l’un investissait la place, l’autre investissait l’armée assiégeante, et tous deux élevaient des retranchements pour n’être point forcés dans leur position. VI. Il y avait un mois et demi que les deux armées s’observaient, se fortifiaient et se livraient des combats peu décisifs. Pendant ce temps-là les batteries des assiégeants avaient ouvert une large brèche aux remparts de Caravaggio, et Sforce ne différait l’assaut que dans la crainte où il était que les Vénitiens ne saisissent ce moment pour diriger contre lui une attaque générale. Le 14 septembre 1448, ils débouchèrent de leur camp et vinrent assaillir l’armée assiégeante. Le combat fut livré avec fureur. Les premières lignes milanaises furent enfoncées. Les Vénitiens arrivèrent jusqu’aux retranchements. Là ils trouvèrent Sforce, qui, à demi armé, combattait à la tête des siens, pour soutenir l’attaque commandée par Coti-gnola en personne. Pendant que l’issue en était encore incertaine, il fit sortir de scs retranchements quelques troupes qui prirent les Vénitiens à dos et les obligèrent à se replier. Alors toute l’armée de Sforce descendit dans la plaine et poussa les ennemis jusqu’à leurs propres retranchements. Rentrés dans leur camp, ils firent un feu si terrible qu’ils forcèrent les Milanais de plier à leur tour, et se mirent à les poursuivre; mais Sforce accourut avec quelques escadrons en bon ordre, chargea ces soldats, qui, dans l’ardeur de la poursuite, n’avaient pas conservé leurs rangs, leur fil tourner le dos, les écrasa sans résistance et pénétra dans le camp vénitien avec les fuyards. Chevaux, artillerie, quinze mille soldats, que le vainqueur renvoya le lendemain, après les avoir seulement désarmés, les olliciers, les généraux, les provéditeurs eux-mêmes, tout fut pris, excepté Co-lignola, qui parvint à se faire jour, avec deux mille hommes, au milieu de cette déroule générale. Parmi ces provéditeurs, il y en avait un tremblant et consterné. Imbu des préjugés du patricial, il avait toujours parlé de Sforce avec le dernier mépris, croyant, par les dénominations injurieuses d’homme de néant, de vil bâtard, ternir la gloire que ce général s’était acquise. Lorsqu’il se vit au pouvoir de celui qu’il avait outragé, ce Vénitien passa de l'insolence à la bassesse, cl se jeta aux genoux du vainqueur pour implorer sa clémence. L'histoire contemporaine a rapporté la réponse