LIVRE XXIII. 373 LIVRE XXIII. CAMPAGNE DE 1810. — DIÈTE DE l.’EnPIRE.— IIARANGUE D'HÉLIAN.— LIGUE DU PAPE, DES VÉNITIENS, DES SUISSES ET DU ROI d’aRRAGON, CONTRE LOUIS XII. — TENTATIVES INFRUCTUEUSES SUR VÉRONE ET SUR GÈNES.—CONCILE Dli TOURS.— DANGER DU PAPE A BOLOGNE. — SIÈGE DE LA MIRAKOOLE.— CAMPAGNE DE 1 !) 1 1.— CONCILE DE PISE. — LIGUE DE LA SA1NTE-UNÎON.— CAMPAGNE DE 1Î512. — SIÈGE DE BOLOGNE. — PRISE ET REPRISE DE BRESCIA.—BATAILLE DE RAVENNE. — RETRAITE DES FRANÇAIS; ILS PERDENT PRESQUE TOUTE L’ITALIE. I. C’était beaucoup pour les Vénitiens de pouvoir compter dans l’Europe un prince qui osât se dire en paix avec eux (l).Le roid’Arragon les favorisait secrètement, parce qu’il redoutait la puissance de l’empereur , qui lui disputait l’administration du royaume de Castille, et qu’il ne voulait pas faire grand son mortel ennemi : telles étaient ses expressions. Le pape , après avoir forcé les Vénitiens à la soumission, embrassait leurs intérêts avec chaleur. Ennemi de la ligue qu’il avait formée, il était revenu à son premier projet d’expulser les étrangers de l’Italie, pour y dominer sans partage. La dièie de l’empire était alors assemblée : Maximilicn y sollicitait des secours pour faire une nouvelle campagne; le pape et les Vénitiens intriguaient auprès des princes, pour que ces secours lui fussent refusés; mais l’ambassadeur de France appuyait vivement les demandes de l’empereur. On a conservé la harangue que ce ministre, nommé Louis Hélian, et qui passait pour un des hommes éloquent de ce teinps-là , prononça pour exciter contre les Vénitiens le ressentiment du corps germanique. Ce discours , beaucoup trop long pour être rapporté ici, est une invective, où la vérité, quelquefois incontestable , des reproches disparait sous l’exagération de l’expression. L’orateur, par exemple, accuse les Vénitiens d’avoir mis obstacle à la guerre que les quatre grands princes confédérés avaient résolu de faire aux Turcs, pour la délivrance des (1) Lettre des ambassadeurs de l'empereur à Marguerite d’Autriche. (Recueil des lettres de Louis XII, tom. I, p. 219.) lieux saints. Il dit que, bourrelés par leur conscience, ils ont voulu conserver par la force ce qu’ils avaient acquis par des crimes. 11 craint que, si l’on n’y prend garde, ils ne deviennent plus puissants que jamais, et peu à peu les maîtres de l’Italie et de tout l’empire d’Occident. Selon lui, c’est là le but que se proposent ces malicieux renards , ces superbes lions. Il faut écraser la tête du serpent. « Cette race sortie de la lie des nations, s’écrie l’orateur, ces fugitifs devenus pêcheurs; de pêcheurs, revendeurs et regraltiers ; de regrattiers, pilotes ; de pilotes, marchands ; de marchands, seigneurs et princes, par des larcins , des meurtres, des empoisonnements; se disent les maîtres de la mer; ils l’épousent , comme s’ils étaient les maris do Thétis ou les femmes de Neptune. Ni les Carthaginois, ni les Romains ne s’étaient avisés d’une pareille invention ; mais elle élait digne de ces corsaires, de ces baleines, de ces Cyclopes , de ces Po-lyphêmes. «Ils oppriment leurs sujets; ils leurs envoient, pour les gouverner, des officiers qui ont passé leur jeunesse, non pas à Padoue, ni à Paris, mais sur la mer et sur le Tanaïs ; qui, au lieu d’avoir étudié la philosophie, le droit, ou notre sainte religion, ont appris à sucer les peuples, à amasser de l’argent, et ont pris toutes les coutumes des Orientaux. Pour nous, qui n’allons pas vêtus de pourpre, qui n’avons pas de coffres pleins d'or, qui ne mangeons pas dans de la vaisselle d’argent, nous sommes, à leur dire, des barbares. Je passe sous silence leur gourmandise et leurs infâmes débauches. Ils ont des boucheries de chair humaine; ils