LIVRE XX. 511 LIVRE XX. ÏXPÉUiriUS DE CHARLES VIII A NAiLES, 1494-1498. I. Charles VIII n’était pas encore parti pour l’Italie, que déjà un des princes qui l’y avaient attiré, avait changé de parti. Le roi de Naples, Ferdinand, justement effrayé de l’orage prêt à fondre sur lui, avait tenté de faire partager ses craintes au pape, et y avait réussi. Pour se rapprocher de lui insensiblement, il avait accommodé d’abord quelques différents avec la cour de Rome. Ensuite il avait conclu le mariage de sa fille naturelle avec l’un des enfants illégitimes que le pape avait l’impudeur d’avouer. La réconciliation était consommée : il y avait même des promesses secrètes de se secourir mutuellement; mais il restait à détacher décidément Alexandre VI de l’alliance de la France. La mort surprit le roi de Naples avant qu’il eût accompli ce dessein. Son fils Alphonse en suivit l’exécution avec la résolution de n’épargner aucun sacrifice pour se rendre le pape favorable. De riches établissements dans le royaume, de grandes charges à la cour, furent assurés à deux autres enfants d’Alexandre : à ce prix le pontife promit de donner l’investiture au nouveau roi, et de se déclarer son allié. Il tint même la première de ces promesses, et l’investiture fut donnée peu de temps après. Ce traité venait d’être conclu, lorsque les ambassadeurs de France arrivèrent à Rome, pour solliciter ou réclamer l’investiture au nom de leur maître. La réponse du pape ne fut ni un refus, ni une promesse. Il allégua que ses prédécesseurs avaient accordé successivement l’investiture à trois princes de la maison d’Arragon; que le roi actuel, Alphonse, avait même été désigné nominativement dans l’investiture accordée à son père; qu’au reste les sou- verains pontifes n’avaient jamais prétendu nuire auxdroitsd’autrui, mais qu’il n’était pas justequ’ils se dépouillassent des leurs; qu’on ne pouvait oublier que Naples relevait du saint-siége; qu’ainsi donc, si le roi de France avait quelques prétentions à faire valoir sur cet État, il devait les soumettre avec confiance à la décision du seigneur suzerain, au lieu de recourir aux armes, pour se mettre en possession d’un lief de l’Église, ce qui élait peu convenable au roi très-chrétien. Les Florentins, quoiqu’ils eussent des ménagements à garderenvers la France, se déclarèrent pour la maison d’Arragon, autant que le pouvait un État faible comme le leur. Les Vénitiens, à qui le roi fit demander leurs conseils, afin d’avoir au moins leur aveu pour son entreprise, répondirent, en termes très-respectueux, qu’ils n’avaient pas la présomption d’éclairer de leurs avis un prince si sage, et entouré de si habiles conseillers; que le dévouement de la république à la France était connu, et qu’elle ferait toujours des vœux pour sa prospérité; mais qu'il lui était impossible de prendre part à cette guerre, à cause des Turcs, qui pourraient saisir ce moment, où ses forces seraient occupées ailleurs, pour attaquer ses possessions. Celte réponse ne promettait pas le secours qu’on avait espéré. Le roi essaya de tenter les Vénitiens par des offres positives, et leur envoya son chambellan Philippe de Commines,qui leur proposa de leur céder les villesde Brindes etd’Otranle, qu'on échangerait contre de meilleures possessions dans la Grèce, que le roi se proposait aussi de conquérir; mais, ajoute le négociateur dans ses