70 HISTOIRE DE VENISE. LIVRE Y. PIERRE 7.IAN1, DOGE.— OCCUPATION I)E CORFOU ET DE CANDIE.— GUERRE CONTRE LES GÉNOIS.— RÉVOLTES DE CANDIE, 1203-1228.— DUGAT DE JACQUES TI1IÉP0L0.— AFFAIRES DE CONSTANTINOPLE.— CHUTE DE L’EMPIRE DES LATINS EN ORIENT, 1228-1201.— NOUVELLE RÉVOLTE DE CANDIE.— RIVALITÉ DU PAPE ET DE L’EMPEREUR FRÉDÉRIC II. — GUERRE DE VENISE CONTRE ERZEL1N, TYRAN DE PADOUE, 1 228-1232.— GUERRE CONTRE LES GÉNOIS,1 232-1209. ■— RÉVOLTE DU PEUPLE DE VENISE.— CHANGEAIENT DANS LA FORME DES ÉLECTIONS.— CRÉATION DE LA CHARGE DE GRAND-CHANCELIER.— DISETTE.— ÉTABLISSEMENT DU DROIT DE NAVIGATION DANS L’ADRIATIQUE. — GUERRES QUI EN SONT LA SUITE.— DOGAT DE LAURENT TIIIÉPOLO, DE JACQUES CONTAIIINI ET DE JEAN DANDOLO.— ÉTABLISSEMENT DU SAINT-OFFICE A VENISE, 126Ü-1289. I. La longue absence de Henri Dandolo, ses succès, l’importance personnelle qu’il s’était acquise, les conquêtes qu’il avait faites pour la république, tout cela avait placé le gouvernement vénitien dans une situation absolument nouvelle. On n’avait rie» à reprocher au doge qu’on venait de perdre. Son ambition avait paru désintéressée; cependant le sénat n’avait pu voir sans inquiétude le chef de l’État acquérir une si grande puissance. 11 en résulta qu’à la inort du successeur de Henri Dandolo, on nomma une commission de cinq membres, pour proposer dans l’interrègne la réforme des abus qu'on aurait pu remarquer dans le gouvernement. L’institution de ces nouveaux magistrats, auxquels on donna le titre de correcteurs du serment du doge, ayant été maintenue, chaque modification proposée par ces censeurs, appelés à faire l’examen des réformes dont le gouvernement était susceptible, devint un nouvel article de,la constitution de l’Élat, et une garantie contre le pouvoir du premier magistrat de la république; 011 fit plus, on passa de la réforme des lois à la censure de l’administration, et de l'administration à l’administrateur; on nomma trois inquisiteurs pour juger le prince défunt. De sorte qu’à la mort de chaque doge il se trouva un tribunal tout prêt à prononcer sur sa conduite :et il en fut des doges comme des rois d’Égyple, ils eurent un jugement à subir après leur mort (1203). O11 donna pour successeur à Henri Dandolo, Pierre Ziani, fils de l'ancien doge du même nom. A Constantinople le doge fut remplacé par un représentant de la république, auquel on donna le titre de Podestat. Le choix tomba sur Marin Zeno, à qui on donna un entourage de conseillers et d’officiers pour l’aider dans les soins de l’administration et pour relever sa dignité. II. Une Hotte de trente et une galères mit à la voile pour aller prendre possession des îles que la république s’était réservées (1203). Dans sa route elle rencontra un corsaire génois, qui bien qu’accompagné d’une escadre de neuf galères, fut enveloppé, attaqué, pris, et pendu sur-le-champ. Pour un État qui prétendait exercer le droit de souveraineté sur toute la surface de l’Adriatique, Corfou, qui garde ou menace l’entrée de ce golfe, était une possession indispensable. Celte Ile n’appartenait point alors à l’empire grec, mais elle en avait été une dépendance. Nous avons rapporté que les princes normands établis dans la Pouille s’en étaient emparés. Le royaume de Naples avait passé depuis dans des mains qui n’étaient pas en état de garder ce poste important. Quand la flotte vénitienne se présenta devant le port, elle n’éprouva aucune résistance. On s’empressa de mettre quelques troupes à terre pour prendre possession de la capitale, et on mit à la voile pour Candie. En passant devant Modone et Coron, sur la côte du Péloponnèse, on y jeta de faibles garnisons; la Grèce était au premier occupant. Étrange exemple des vicissitudes humaines! Athènes,dès qu'elle apprit qu’on avait vu une flotte vénitienne dans ces mers, se hâta d’envoyer des députés à Venise pour demander des maîtres. Peu de jours après, on aperçut le mont Ida; la flotte vint jeter l’ancre sous celle Ile fameuse, qui