LIVRE XXIll. 37S non. Les châteaux, battus des deux côtés, se rendirent successivement au bout de quelques jours. Ce fut une action d’une grande vigueur , et qui ajouta beaucoup à la gloire du capitaine Molard, officier dauphinois, qui, malgré sa naissance, sa réputation et les préjugés du temps, voulait bien servir dans l’infanterie. Legnago, d’après l’acte de partage, devait appartenir à l’empereur ; mais l’armée impériale était si faible et si mal en ordre, que les Français furent obligés de fournir la garnison des places conquises. Louis XII était dégoûté d’un allié qui lui laissait tout le fardeau de la guerre. Il annonçait l’intention de rappeler ses troupes. Maximilien, effrayé, se hâta de l’engager à continuer la campagne au moins jusqu’à la fin de juillet, offrant de se charger de tou tes les dépenses autres que la solde; mais, comme il n’était pas en état de payer, même ses propres troupes, il emprunta encore du roi cinquante mille ducats, en lui donnant Legnago pour gage, et enlui permettant de garder cette place et même Vérone, si cette somme, et celle prêtée l'hiver précédent, n’étaient pas remboursées dans un an. On conçoit que, faite par de pareils alliés, la guerre ne pouvait être ni conduite avec beaucoup d’ensemble, ni poussée avec vigueur : aussi n’entreprit-011 rien de considérable. Quelques petites places, comme Citadella, Marostica, Basciano, se rendirent à la première sommation. Feltre fut brûlée, et Moncclice, quoique défendue par une assez forte garnison, fut emportée ; parce que les Vénitiens prirent une reconnaissance pour un assaut, et se jetèrent dans la citadelle, où ils furent tous brûlés ou massacrés. Les vainqueurs traitaient de rebelles les villes qui osaient faire la moindre résistance ; mais tant de cruautés ne faisaient qu’exalter le courage des habitants des campagnes. «Ils sont furieux, enragés, écrivait Machiavel, alors en mission pour sa république à Vérone. Iliir on en amena un qui venait d’être pris. Quand il fut devant l’évêque de Trente, commissaire impérial , il se mit à crier : Vive Saint Marc ! On eut beau le charger de fers , le menacer , lui promettre la vie ; il n’en voulut point, et ne cessa de répéter qu'il voulait mourir pour Saint Marc. » Pendant que ces choses se passaient siir l’Adige et sur la Brenta, d’autres événements appelaient ailleurs l’attention des Français. III. Le pape, n’ayant pu mettre l’empereur dans l’impossibilité de faire celte campagne, avait voulu (1) Tous les sujets de discussion entre le pape et le roi sont exposés dans une lettre adressée à Marguerite d’Autriche par André de Burgo et le docteur de Mota, ambassadeurs de Maximilien près de Louis XII.On y Ht entre autres le détacher de la ligue , en l’engageant à conclure une paix séparée avec les Vénitiens. Maximilien exigeait la cession de Vérone. Jules se croyait assez d’autorité sur la république pour la déterminer à ce sacrifice. Il se trompait. Il trouvale sénat dans la résolution inébranlable de ne point abandonner ses droits sur cette place, et il fallut rompre la négociation. Comme il redoutait encore plus la puissance de Louis XII en Italie que celle des Allemands , il chercha à lui susciter des ennemis qui le missent dans la nécessité de se défendre, au lieu de poursuivre ses conquêtes. Dans cette vue, il avait sollicité Henri VIII, nouvellement assis sur le trône d’Angleterre, de déclarer la guerre à la France. La jeunesse de ce prince et son caractère ardent, faisaient espérer qu’il ne se refuserait pas à opérer cette diversion. Louis XII s’était brouillé avec les Suisses, pour la fixation du subside qu’il leur payait. L’alliance entre les cantons et la France expirait précisément cette année (en lü 10). Le pape chargea l’évêque de Sion, à qui il promettait le chapeau pour prix de ses bons offices, d’entretenir l’aigreur qui existait entre eux et le roi, et leur offrit un subside plus considérable, s’ils voulaient s’engager à la défense des intérêts du saint-siége. Assuré de ce secours , il chercha les occasions de se brouiller avec le roi. Le premier expédient dont il s’avisa fut d’opprimer le duc dcFerrare.Ce prince, comme membre de la ligue, avait profité des disgrâces des Vénitiens. Il avait reconquis la province de Rovigo, et s’était mis à user de la faculté, qui lui avait été interdite pendant si long temps, de recueillir du sel dans ses salines. Quel fut son étonnement, lorsqu’il reçut un ordre du pape de faire cesser la fabrication du sel, et de contraindre ses sujets à s’en pourvoir dans la Romagne! Il eut beau représenter que cette obligation n’était point une conséquence de sa vassalité envers le saint-siége , Jules prétendait avoir succédé à cet égard à tous les droits des Vénitiens. Le duc, qui s’était mis depuis quelque temps sous la protection du roi, à qui il payait àceteffet un subside de trente mille ducats, eut recours à Louis XII. Celui-ci intervint dans le différent. Aussitôt le pape s’écria que le roi se déclarait contre le saint-siége, en protégeant la résistance d’un vassal rebelle à l’Église; il ne voulut entendre aucun accommodement, et fit entrer sou armée dans le Ferrarais (1). passages que le pape a fait arrêter le cardinal d’Auchet fait torturer un des serviteurs de ce prélat; qu’il ne permet pas aux ambassadeurs de France à Rome d’expédier une dépêche sans qu’elle ait été communiquée à sa sainteté ou plutôt