208 HISTOIRE DE VENISE. XVIII. La république, pendant qu’elle travaillait à cette acquisition importante, n’avait pas négligé, pour s’agrandir, quelques autres occasions, plus ou moins légitimes, qui s’étaient offertes (1480). Au fond du golfe, d’où semble sortir cette chaîne d’îles qui longe les côtes de la Dalmatie, il y en avait une nommée Veglia, qui possédait un seigneur du nom de Frangipani. Ce seigneur eut quelques différents avec les habitants de l'île ; ceux-ci réclamèrent la protection de la république. Frangipani, sachantquel danger ily avait à la prendre pour arbitre, s’adressa au roi de Hongrie, pour en obtenir quelques secours, afin de faire rentrer dans le devoir des sujets qu’il qualifiait de rebelles. Ce prince lui envoya en effet une petite garnison; mais une escadre vénitienne se présenta devant l’île, et comme on ne met pas la même ardeur à protéger un voisin faible qu’à le dépouiller, le roi ne voulut pas s’engager, pour cette affaire, dans une querelle sérieuse avec les Vénitiens. 11 retira ses troupes, et malgré les humiliations que le comte Frangipani vint subir à Venise, la seigneurie confisqua ce petit État et le réunit à scs domaines, accordant seulement à l’ancicn possesseur une petite pension de mille ducats, pour tout dédommagement, sous la condition qu’il fixerait sa résidence à Venise. Trois ans après, en 1483, les lies de Zante et de Céphalonie, à l’autre extrémité du golfe, dans la mer Ionienne, ayant été enlevées aux Turcs, par un des petits princes grecs établis sur cette côte, les Vénitiens entreprirent de persuader au pacha voisin, qui n’avait pas su les reprendre, qu’il convenait beaucoup mieux aux intérêts de la Porte de voir ces lies occupées par eux que par un prince grec. Ils ne demandaient que la permission d’en tenter la conquête. Le pacha le trouva bon, et aussitôt Zante fut occupée ; une escadre vint attaquer Céphalonie; le prince qui y régnait fut tué dans une émeute, et le drapeau de Saint-Marc fut arboré dans ces nouvelles possessions. Cependant le sultan, qui ne partageait pas l’opinion de son pacha sur l’ulilitc de faciliter des conquêtes aux Vénitiens, redemanda ces Iles avec sa hauteur ordinaire. Il fallut négocier, on chercha à gagner du temps, et on obtint, en restituant Céphalonie, la permission de conserver Zante, moyennant un tribut de cinq cents ducats, que la république se soumit à payer au sultan.