LIVRE XXI. 531 « France, fut celui d’un souverain avec sa vassale ; France paya la dot. Enfin, il fallut trouver bon que « le second, celui d’une reine qui consent à donner Borgia crût s’acquitter de la reconnaissance qu’il ii sa main à son amant. » Quant à sa confiance pour George d’Amboise, elle était méritée à beaucoup d’égards; mais elle devint de la faiblesse. Ce cardinal était archevêque et premier ministre. On vanlait sa modération et son désintéressement, parce qu’on le jugeait par comparaison avec Briçonnet; mais il n’avait pu se défendre de l’ambition commune à tous les hommes de son état, et celle d’un cardinal, premier ministre, ne pouvait avoir que la tiare pour objet. On peut ajouter qu’il en était digne, et que son tort fut, non pas d’y prétendre, mais d’employer, pour y parvenir, les moyens que son maître lui avait confiés. Il avait partagé la disgrâce du roi pendant le règne précédent. Jamais l’ambition des courtisans n’est plus effrénée que lorsqu'elle peut s’attacher à un pareil prétexte. La milre, la pourpre, le bâton, l’amirauté, le ministère, de riches bénéfices, dix-sept évêchés, quatre chapeaux, seize gouvernements, trois grandes charges de la couronne, la pairie, la grande-maîtrise de Rhodes, toutes sortes de dignités ecclésiastiques, militaires et civiles accumulées sur ses huit frères, sur ses huit sœurs et sur leurs maris, sur scs neveux, rien ne pouvait payer le dévouement du cardinal el acquitter à ses yeux Louis XII. Lorsqu’il eut conçü l’idée de devenir pape, il se fit illusion jusqu’à croire qu’il était juste que la France tout entière concourût à ce dessein. Cet homme respectable ne vit pas que, de toutes les prévarications dont un dépositaire du pouvoir puisse se rendre coupable, la plus funeste c’est de le faire servir à son ambition personnelle, quelque noble que puisse en être l'objet. Il s’était persuadé facilement que l’intérêt de l’Église était le même que le sien, et dès-lors les richesses et le sang de la France ne lui parurent pas d’un trop grand prix pour assurer cet intérêt. Tous les prétextes pour porter des troupes françaises en Italie devinrent raisonnables : point de sacrifices qui parussent trop durs pour parvenir à le faire de l’aveu des puissances qui auraient pu être tentées de s’y opposer. On s’obligea à payer un subside aux Suisses; 011 donna trente mille ducats au pape; 011 assura un établissement à son fils, et ce premier établissement fut formé aux dépens de la France. Le roi reçut à sa cour le nouveau duc de Valentinois, qui fit une entrée solennelle, dans laquelle il déploya un faste insultant, à force d’être ridicule. 11 fallut que Louis XII se chargeât lui-même de solliciter la fille du roi de Naples d’épouser cet ex-archevêque, bâtard du pape, et qu’après le refus de cette princesse, il lui donnât la sœur du roi de Navarre, dont la devait au roi, en prenant le litre de César-Ue-France. Ce fut à ce prix que le roi put entreprendre, sans contradiction, la conquête du Milanais, dont on fut obligé d'abandonner une partie à la république de Venise. Pour subvenir aux dépenses de celle guerre, 011 n’établit point de nouveaux impôts; mais le ministre proposa de vendre les offices, et lit adopter celle mesure, malgré la répugnancedu roi,qui s’y refusait. V. Dès que les Italiens purent soupçonner celte espèce de ligue, ils en furent vivement alarmés, le duc de Milan surtout. Il se hâta de négocier auprès du roi, pour obtenir d’être reconnu de lui, comme il l’avait été par Louis XI et par Charles VIII; en même temps il 11e négligea pas d’cxciter le ressentiment de l’empereur Maximilien et de son fils l’archiduc d’Autriche. Celui-ci réclamait les villes d’Aire, de Béthune et d’IIesdin, que le roi devait lui resliluer. Louis XII, pour être tranquille de ce côté, remit ces trois places, abandonnant, comme Charles VIII, ce qui était dans scs mains et à sa convenance, pour courir après des conquêtes incertaines et éloignées. Les Vénitiens furent plus alarmés peut-èlre delà possibilité d’une réconciliation entre Louis XII et le duc de Milan, que de l’idée de voir revenir les Français en Italie. Ils se hâtèrent d’envoyer des ambassadeurs au roi, sous prétexte de le féliciter sur son avènement; ils le trouvèrent très-disposé à se lier avec eux, pourvu qu’ils prêtassent les mains à ses projets sur les Étals de Milan el de Naples. Des plénipotentiaires français vinrent bientôt à Venise faire des propositions séduisantes à la seigneurie : ils offraient, si la république voulait concourir à la conquête du Milanais, de partager avec elle les dépouilles de Sforce, et de lui abandonner, outre ce qu’elle possédai t déjà, la province de Crémone el tout le pays situé entre l’Adda, l’Oglio et le Pô (1499). Quelle que fut l’ambition de ce gouvernement, quelle que fut sa haine contre un voisin dangereux, il devait craindre d’en attirer un plus dangereux encore ; mais la question n’était pas de savoir si on empêcherait FentréedesFrançaiscn Italie.LouisXlI ne demandait pas aux Vénitiens leur agrément, mais leur concours. Les Vénitiens n’étaient pas assez puissants pour s’opposer seuls et ouvertement à ce que le roi de France avait résolu. Déjà il avait trailé avec le duc de Savoie, qui lui livrait passage dans ses États. Il avait conclu avec les Suisses une alliance offensive et défensive. Par conséquent il ne s’agissait plus, pour les Vénitiens, que de décider s’ils accepteraient Louis XII pour ami ou pour en-