LIVRE XX. 513 ment à la cour d’Angleterre que l’expédition projetée contre Naples n’était qu’un pont pour faire passer l’armée dans la Grèce; que le roi était déterminé à n’épargner ni son sang ni ses trésors (dût-il mettre en gage jusqu’à sa couronne et épuiser son royaume) pour détruire la tyrannie des Ottomans, et s’ouvrir par cette voie le royaume des cieux (1). Ses ministres offraient aux Vénitiens des provinces de la Grèce, et ses courtisans parlaient de la conquête de la Terre-Sainte et de Constantinople, de manière à faire encore mieux juger de leur ignorance que de leur valeur. Le pape avertissait Bajazet de ces projets, à l’exécution desquels lui-même ne croyait pas. Il disait que Charles voulait se rendre maître de Zizim, pour lui fournir une (lotte avec laquelle ce compétiteur passerait en Turquie, comme si le roi de France eût eu une flotte à donner. II se plaignait au sultan de l’indifférence des Vénitiens, et le priait de leur envoyer un ambassadeur, avec ordre de les stimuler, et de ne pas quitter Venise qu’il n’eût déterminé la république à armer pour la défense du saint-siège. Enfin, il demandait sérieusement au sultan de lui faire payer, le plus tôt possible, quarante mille ducats d’or, pour les annates de l’année courante. C’était le prix que le sultan avait mis à la détention de Zizim; et, pour s’assurer de la fidélité du pape dans cette odieuse commission, Bajazet lui avait envoyé le fer delà lance qui avait servi à la passion de Jésus-Christ. Il est vrai que cette relique, que le chef de la chrétienté recevait du chef de la loi musulmane, était d’une authenticité douteuse, car l’empereur et le roi de France croyaient avoir la véritable : l’une à Nuremberg, l’autre à Paris. V. Bajazet répondit à Alexandre : « Votre nonce « nous a rapporté comment le roi de France a formé « le dessein de s’emparer de notre frère Zizim, qui « est en votre possession. Cela serait contraire à no-« Ire volonté, et fatal à votre grandeur, ainsi qu’à « tous les chrétiens. Nous en avons conféré avec vo-« tre nonce, et nous avons pensé que, pour votre «repos, pour votre utilité, pour votre honneur, « comme pour notre satisfaction, il était bon que « vous fissiez périr ledit Zizim notre frère, qui est