82 HISTOIRE DE VENISE. choix. Lorsque cc choix fut connu, 0:1 en félicitait Frédéric. « Le cardinal de L'iesque, répondit-il, « étaitdemesamis; vous verrez qu’innocent IV sera « mon ennemi le plus acharné. » En effet, le nouveau pape ne se montra pas plus disposé que son prédécesseur à rien abandonner des prétentions de l’É-glise. Les hostilités recommencèrent, et avec elles les excommunications. Le pape poussait si loin la violence dans l’exercice de son autorité spirituelle, qu’en méine temps qu’il déposait l’empereur et publiait une croisade contre lui, il excommuniait deux autres rois, Jacques d’Arragon et Sanche de Portugal. Tandis qu’il offrait la couronne de Sicile à un prince français, il la proposait à un fils du roi d’Angleterre; enfin il entrait en négociation avec le sou-dan d’Égypte, pour l’engagera rompre la trêve jurée entre lui et Frédéric, comme roi de Jérusalem. Il y eut des conspirations contre la vie de l’empe-reur; il y en eut pour tuer le pape. Frédéric fit pendre son médecin pour lui avoir présenté du poison. Tant d’animosité ne pouvait manquer de donner naissance à des factions. 11 s’en forma deux en Italie, sous le nom de Guelfes et de Gibelins, noms dont on ignore l’origine, mais à qui de longs malheurs, fruit de tant de discordes, donnèrent une déplorable célébrité. A la faveur de ces troubles, Azon, marquis d’Eslc, réclama l’assistance du pape et des Vénitiens, pour recouvrer ses États, dont il avait été dépouillé par l’empereur, et mit le siège devant Ferrare, qui tenait pour la faction gibeline. Le doge alla en personne à ce siège, après avoir laissé le gouvernement de Venise à son fils Jean, et Ferrare s’étant rendue, le marquis, en en prenant possession, s’acquitta envers la république par la concession de divers privilèges, dont les commerçants vénitiens devaient jouir dans ses États. Ce privilèges furent, dans la suite, l’occasion d’une guerre. L’empereur avait beaucoup à faire pour soutenir scs droits en Allemagne, en Lombardie, en Sicile, en Syrie. Le pape, qui lui suscitait des ennemis de tous côlés, ne manqua pas de s’adresser aux Vénitiens, dont la politique constante fut de contrarier l'agrandissement des empereurs en Italie. La répu-bliquearma une Ootte, qui,sous le commandement de Pierre Thiépolo, fils du doge, alla croiser dans les mers de Naples, fit quelques dégâts sur les côtes, et se retira, sans avoir livré bataille, devant la flotte impériale. Pour réparer la honte de cette retraite, le jeune Thiépolo al la combat Ire à la tête des .Milanais. Vaincu par Erzelin, l’un des partisans de l’empereur, il fut fait prisonnier et envoyé à Frédéric, qui, contre toutes les lois de la guerre et de l’humanité, lui fit trancher la tète, pour se venger du doge et insulter le gouvernement vénitien. Non-seulement la république ne témoigna aucun ressentiment de cet outrage, mais après la mort de l’empereur, qui survint en 12ü0, elle fournit à son fils Conrad une flotte pour passer à Naples, quoiqu’il fut poursuivi avec la même animosité, et frappé des mêmes anathèmes que son père. La vengeance du sénat de Venise tomba sur Erzelin. C’était un homme de basse extraction, qui, à la faveur des troubles qui désolaient l'Italie, s’était fait chef du parti des Gibelins, c’est-à-dire des Impériaux dans la Lombardie. Il avait établi sa résidence à l’adoue, dont il était devenu le tyran, et répandait encore plus la terreur par ses cruautés que par ses armes. Le pape, pour se délivrer d’un ennemi si dangereux, publia, contre ce fils de perdition, cet homme de sang, réprouvé par la foi, une croisade, dans laquelle les Vénitiens s’engagèrent avec l’ardeur qu’inspirent le désir d’une juste vengeance, et l’inquiétude que donne toujours le voisinage d’un tyran. Dans le traité qui fut conclu à celte occasion avec le pape, le doge ne stipula point en son nom, comme avaient fait souvent ses prédécesseurs, mais au nom du conseil et de la communauté des Vénitiens. Ils armèrent des troupes, des vaisseaux, l’adouc, la place d’armes d’Erzelin, fut emportée d'assaut, et pillée pendant sept jours par ceux qui se disaient ses libérateurs. Le lyran, furieux en apprenant la perte de cette ville, fit égorger tous les l’adouans qui étaient dans son armée; poursuivi dans Vérone, dans Vicence, dans Brescia, il mourut enfin d’une blessure qu’il avait reçue en combattant. Ce fut en reconnaissance de ce service, rendu au parti de l’Eglise, que le pape accorda au doyen du chapitre de Saint-Marc le droit de porter la mitre et le bâton pastoral. Je n’ai pas voulu interrompre le récit de ces événements, pour faire mention de l’abdication du doge Thiépolo. Accablé d’années et du chagrin d’avoir perdu si malheureusement son fils, il se démit de sa dignité en 1249. Savant jurisconsulte, il avait recueilli, coordonné les lois de sa patrie, et réformé le code vénitien (1249). Il y avait à peu près un siècle que les Pandectes de Juslinien avait été retrouvées; la vive lumière qu’avait répandue ce recueil de lois fut une des principales causes du retour de la civilisation. Ce que les Tribonicns avaient fait pour la législation de l’empire, Pantaléon Justiniani, depuis patriarche de Constantinople, Thomas Centranigo, Jean Michieli, et Etienne Badouer, l’exécutèrent pour leur patrie. Tels sont les noms de ceux que la reconnaissance publique cite comme coopéralcurs de Jacques Thiépolo dans cet utile travail. L’orgueil