LIVRE 11. la««; l'ancienne Zara, c'est-à-dire Belgrado, fut détruite de fond en comble et cessa d’étre babitce. Knfin Michieli rentra dans Venise où il mourut en 1130; des historiens ont dit qu’il abdiqua le gouvernement après son retour. Jamais homme ne mérita mieux son épitaplie : Terror Cræcorum jacel hic. Unix ans après, l’Ile de Curzola imita la révolte de la D.ilmatie. Un armateur, MarsileZom,se chargea de la soumettre, et elle lui fut abandonnée en flef. ïne escadre de la république fut envoyée pour s'emparer de Céphalouic, qui appartenait encore à l'empereur d’Orient. XL1I. Pierre Polani, gendre de Dominique Mi-chieli, lui succéda ; mais il n'illustra pas son dogat par des actions éclatantes (1130). l.e combat qui avait eu lieu entre la flotte vénitienne et celle de Pisc, avait rendu les deux peuples ennemis. Déjà ils étaient jaloux l’un de l'autre, et romme cette jalousie n'avait pour cause que la rivalité du commerce, la guerre qu'ils se firent n’eut pour objet que de se prendre et de se détruire réciproquement quelques vaisseaux. Mais bientôt lassés de ces dommages réciproques, ils cédèrent asser facilement aux exhortations du pape, qui s’entremit pour <$trc le médiateur de leurs différends, et cessèrent enfin d’inutiles hostilités. La république, maîtresse des côtes de la Dalma-tieetde plusieurs établissements déjà considérables danlles pays lointains', ne pouvait manquer de tourner tes vues ambitieuses sur le continent voisin et de se mêler dans toutes les querelles des peuples de l’Italie. Nous la verrons assujettir presque toujours, sous prétexte de les protéger, un grand nombre de villes, el finir par se former des provinces dans le beau pays d’où scs fondateurs étaient sortis. Elle fournit des secours à la ville de Fano, qui était’en guerre avec celles de Ravcnnc et de Pezzaro, mai! sans négliger de mettre un prix à ce service. La b.iine des habitants de Fano contre leurs enne-misvtait telle que, pour se mettre en état de les combatte, ils se soumirent à devenir tributaires des \ éiitiens. Ils s'engagèrent à payer tous les ans une somme d’argent, et à fournir mille livres d'huile pour le luminaire de l’église de Saint-Marc. Rndoue, encore plus ennemie de Venise, parce que c’étpit une haine de parents, imagina de rendre la lîrenta inaccessible aux vaisseaux vénitiens, el pour cet effet elle entreprit d’ouvrir un canal pour en détourner les eaux. Quelques troupes que le doge en-voyi sur-le-champ firent repentir les Padouans de cette nouvelle tentative, et les choses furent rétablies dans leur premier élat. Cette guerre, peu considérable en elle-même, donne lieu à une remarque que je trouve dans un historien vénitien. Ce fut à celte époque, dit-il, que la république cm- ploya pour la première fois des troupes étrangères ; ce qui prouve que déjà ses entreprises excédaient ses forces naturelles (1143). XLlil. Pendant ce temps-là Roger, roi do Sicile, faisait la guerre à l'empereur grec, qui était alors Manuel Comnène. Rogier s’était emparé de Corfou; sa flotte avait ravagé la Grèce, passé les Dardanelles, cl menaçait d’incendier la ville de Constantin. L'empereur ne voyait de recours que dans les Véniliens, mais comment espérer qu’ils voulussent embrasser sa défense après l’agression dont ils avaient eu à se plaindre de la part de son prédécesseur? Cependant, par de nouvelles concessions favorables à leur commerce, il parvint à les déterminer à entrer dans son alliance. Les anciens traités ne leur permettaient pas d’aborder dans les Iles de Chypre et de Candie, ni de fréquenter le port de Mégalopolis; ces excep-lions furent abolies, et les Vénitiens purent ajouter les vins de Chypre et de Crète aux autres articles qui composaient la cargaison de leurs vaisseaux en revenant des mers du Levant. La république était encore moins cnnemiç d'un prince faible, régnant au fond de la Méditerranée sur un empire près de sa décadence, que jalouse d’un voisin actif, entreprenant, qui possédait de vastes côtes à l'extrémité de l’Adriatique, et qui venait de s’emparer de Corfou. La guerre contre Roger fut résolue, mais cette guerre ne fut qu’une expédition dévastatrice. La flotte dala république se dirigea d'abord sur Corfou, d’où elle chassa les troupes siciliennes. L'historien Nicetas raconte les discordes qui éclatèrent pendant le siège entre les deux nations alliées. Il dit que les Grecs et les Véniliens se chargèrent mutuellement dans le camp, que ceux-ci ayant regagné leurs vaisseaux attaquèrent la flotte impériale dont ils brûlèrent la plus grande parlie, et que celle soldatesque, ajoutant l'insulte à ses violences, para de meubles et de tapis précieux la chambre du vaisseau de l’empereur, et y couronna en cérémonie un Éthiopien, pour se moquer de Manuel, qui était fort noir. Après la conquête de Corfou, dont on prit possession au nom de l’empereur grec, les restes de celle armée allèrent ravager la Sicile, qu’on trouva sans défense. Les récolles et les maisons incendiées, les plantations détruites, les habitants égorgés, furent tout le fruit de cette expédition. Le roi de Sicile se délivra de ces redoutables ennemis, en offrant aux Véniliens de grands avantages pour leur commerce dans un royaume qu’ils venaient de saccager. Ce traité fut l’ouvrage de Dominique Morosini, qui avait succédé dans le dogat à Polani en 1148. XLIV. Ce nouveau doge n’eut à réprimer que quelques pirates d'Ancônc dont il fit pendre le chef, V /