378 HISTOIRE DE VENISE. « 0 mon maître! s’écria Robertet, si lu étais encore « vivant, l’armée du roi serait aux portes de Rome.» Tout le clergé de France, réuni à Tours au mois de septembre 1Î510, était occupé d’éclairer ou de rassurer la conscience du roi, par la solution des huit questions suivantes : l°Unpape peut-il cri conscience déclarer la guerre, lever des troupes, les entretenir et les mettre en action, lorsqu’il ne s’agit ni de la religion, ni du domaine de l’Église? Le concile répondit, que le pape ne le pouvait, ni ne le devait. Il est impossible de croire que le saint-esprit ait dicté cette réponse; car on ne pouvait refuser au pape, comme souverain, le droit de faire la guerre pour d’autres intérêts que ceux qui touchaient immédiatement ses.États ou la religion. Louis XII lui en donnait l’exemple; il combattait pour le duc de Ferrare. 2° Est-il permis à un prince qui défend sa personne et ses États contre le pape, de repousser l’attaque par les armes ? l’eut-il aussi saisir les terres de l’Église, en s’abstenant du projet de les retenir; mais seulement pour ôter à son ennemi les moyens de lui nuire? Cette question fut résolue affirmativement, avec cette restriction, que le prince en guerre avec le pape ne pourrait retenir les États de l’Église après les avoir conquis. 5° Quand un pape persécute un prince par haine, et arme d’autres États contre lui, est-il permis à ce prince de se soustraire à l’obéissance du pape’ Le concile répondit qu’on le pouvait, non pas en tout, mais seulement pour la défense des droits temporels. •. 4° Supposé que le prince se soit soustrait à l’obéissance du pape, que doit-il faire, et comment doivent faire ses sujets, dans les circonstances où il est nécessaire d’avoir recours au saint-siége? L’assemblée décida qu’il fallait s’en tenir à la pragmatique-sanclion de Charles VIII. S>° Est-il permis à un prince chrétien de prendre la défense d’un autre prince chrétien son allié, dans une cause légitime contre le pape ? La réponse fut affirmative. 6° Quand le pape prétend avoir droit sur les possessions d’un prince, qui demande à remettre le différent à des arbitres, le pape peut-il lui faire la (1) Au baron (le Liechtenstein. Voyez Monita polilica ad serenissimo imp. rom. principes de immensà curia; romance potentiâ moderandâ. Francfort 1609. Cette lettre est rapportée dans le Recueil des lettres de Louis XII, t. III,p. 324.Dans une autre lettre à sa fille (même recueil, t. IV, p. 1), il dit qu’il entame une négociation avec le pape pour devenir son coadjuteur, qu’il renonce au mariage, guerre légitimement? est-il permis au prince attaqué de résister, et à ses alliés de le secourir? On décida que la défense et le secours étaient légitimes. 7° Si le pape rend une sentence contre le prince qui demande des arbitres, ce prince est-il tenu d’y obéir, même lorsqu’il n’y aurait pas sûreté pour lui d’aller à Rome? 8° Si le pape, en état de guerre et sans observer aucune formalité, excommunie ce prince et ceux qui ont embrassé sa cause, quelle est la force de cette excommunication ? Le concile décida que, dans l’un et l’autre cas, la censure était nulle, et devait être regardée comme non obligatoire. On conçoit quel avantagede semblables scrupules donnaient au pape, dans une guerre où les généraux étaient obligés d’attendre les décisions d’un concile pour agir. Le conseil-d’État alla plus loin que l’a'ssemblée des évêques. Excité par le célèbre Mathieu Lang, évêque de Gurck et ambassadeur de Maximilicn, il proposa la convocation d’un concile général, pour réformer l’Eglise dans son chef et dans ses membres. 11 n’y avait pas de meilleur moyen, pour lever les scrupules du roi, que de dépouiller son ennemi du caractère qui le rendait sacré. VII. C’était par un tout autre motif que l’empereur désirait la déposition du pape. Maximilien, qui n’était pas digne de former de grands projets, parce qu’il n’était capable ni d’activité, ni de prévoyance, aspirait à réunir le pontificat à l’empire. Nous avons encore la lettre dans laquelle il faisait confidence de ce dessein à un seigneur de sa cour (1), et lui expliquait les mesures par lesquelles il comptait en assurer le succès. Il lui raconte qu’il a fait marché avec des cardinaux , pour trois cent mille ducats, que doivent lui prêter les comtes Fugger d’Augsbourg, et dont le remboursement, dit-il, sera assigné sur les revenus de notre pontificat. Il ne bornait pas même son ambition à la tiare; car il écrivait à sa fille, la gouvernante des Pays-Bas, qu’il voulait devenir pape , et être canonisé après sa mort; «afin, lui disait-il, que vous m’adressiez un jour vos prières, dont je ine tiendrai bien glorieux. C’est pourquoi je vous prie de m’envoyer deux ou trois cent mille ducats, pour me faciliter l’exécution de ce dessein. » qu’il ne veut plus hanter femme nue, qu’il commence à pratiquer les cardinaux, et que deux ou trois cent mille ducats lui feraient grand service, attendu la partialité qui est déjà entre eux. Celte anecdote est le sujet d’une dissertation de Bayle, dans les réponses aux questions d’un provincial, chap, 124. Voyez aussi Maeiaka , Hist. hisp., lib, 30.