LIVRE II. mais sur le point de payer de son sang son usurpation , il parvint à s’évader et alla mourir à Rivet) ne. XXX, Dans les crises politiques, les passions les plus dangereuses offrent quelquefois une ressource. La haine de Flabenigo pour les IJrseoIo devint un mérite. Il fut rappelé, élu, installé sur le trône ducal. Tout cc qu'on lui demandait, c’était d’y porter cette haine. 11 assembla le peuple, peignit avec toute la véhémence de la passion l’attentat d’L'rseolo, le péril de la république, et finit par proposer la proscription éternelle du nom le plus illustre jusqu’alors dans les fastes vénitiens. On ne sc rappela ni la Dalmatie conquise, ni les Naren-tins détruits, ni quarante ans d’une sage administration,(ni les sentiments qu’on éprouvait quelques i jours auparavant; un crime irrémissible avait tout fait oublier. L’arrét fut porté, la proscription fut générait; on punit la tyrannie en l'imitant. La famille entière fut*chassée, et les nobles descendants de Pierre L’rseolo (1), toujours traités en ennemis pubIics£f>our la faute d'un seul, n'ont jamais pu trouver un asile ni sur ces rivages que leurs ancêtres avaient soumis, ni dans ces villes qu'ils avaient rebâties, ni dansceltc capitale ingrate qu’ils avaient ornée de glorieux monuments. Admirons ici le cours toujours imprévu deschoses humaines : un factieux occupe légitimement le trône, et c’est lui qui va opposer une digue insur-montablr à l’ambition. La passion va conseiller la résolution la plus sage, la plus salutaire. Flabenigo représenta que, depuis trois cents ans, la plupart des doges avaient tenté de perpétuer cette dignité dans leur famille. Il y avait eu douze héritiers de l'autorité désignés avant la mort de leur père ou de leur frère, cinq dans une seule maison ; plusieurs, ce qui était plus monstrueux encore, y avaient ¡été associés par un abus de cette autorité même, fans consulter le peuple ; pas un n'avait justifié les [espérances qu’on en avait conçues; on s'était vut obligé d’en punir quatre de l'exil ou de la mort. Il fallait abolir celte odieuse coutume, qui, sous proteste de prévenir les troubles de l’élection, devait finir par la supprimer. Celte proposition fut accueillie d’une voix unanime, et une loi fondamentale fut rendue, qui interdisait toute désignation «l'un successeur avant la mort du doge régnant. Sans celle loi, qui a été constamment observée depuis, lajrépublique devenait une principauté héréditaire. Cet acte est le seul monument qui nous reste du (1) Les collatéraux furent exceptés