LIVRE XVII. LIVRE XVII. TRAITÉ DE COMMERCE AVEC LE SOUDAN b’ÉGYPTE.— GUERRE CONTRE LES TURCS DANS LA MORÉE.— PROJET DE CROISADE.— PERTE DE L’iLE DE NÉGREPONT.— ALLIANCE AVEC LA PERSE.— GUERRE DANS L’aSIE-MINEURE ET EN AI.DA-NIE.—BELLE DÉFENSE DE SCUTARI.— PAIX AVEC LE SULTAN.— PERTE DE SCllTARI, 1487-1479. — AFFAIRES DE CHYPRE. — ACQUISITION DE CE ROYAUME PAR LA RÉPUBLIQUE. — RÉUNION DES ILES DE VEGLIA ET DE ZANTE AU DOMAINE DE VENISE, 1467-1485. I. L’avènement de François Sforce au trône de Milan fut le plus grand bienfait que la Providence pût verser sur l’Italie. Ce héros sembla n’avoir été en guerre avec toutes les puissances de la presqu’île, que pour leur donner une paix qui se prolongea encore vingt ans après lui, et qui ne fut troublée que par des nuages passagers. Les Génois seuls avaient été exclus de la confédération générale, par l’inimitié qui subsistait entre eux et le roi de Naples. L’isolement où ils se trouvèrent par cette exclusion les força de se jeter de nouveau dans les bras dé la France; mais incapables de supporter ce joug, ils se retrouvèrent, quelques années après (en 1464), sous la domination du duc de Milan. Venise n’avait pu voir d’un œil d’indifférence ni l’une ni l’autre de ses révolutions. S’il ne lui convenait pas que la France possédât des Etats au delà des Alpes, il ne lui convenait pas davantage d’accroître la puissance d’un prince déjà aussi redoutable que Sforce. On négocia avec le roi de France, Charles VII, pour l’engager à s’opposer à l’agrandissement du duc de Milan ; mais, dans le même temps, le dauphin, qui fut depuis Louis XI, entretenait avec Sforce des relations secrètes, et l'encourageait à enlever la possession de Gênes à la France. La fortune de Sforce triompha de toutes les oppositions, et la paix de l’Italie ne fut point troublée. Un nouveau pape, Pic II, avait porté sur le trône ce zèle véhément, qu’on ne devait pas attendre de la part du savant homme qui, sous le nom d’Æneas Silvius Piccolomini, avait, dans le concile de llàle, combattu les prétentions de la cour romaine avec autant d’érudition que de fermeté. Parvenu au pon- tificat, il les adopta et les soutint avec chaleur. La vacance de l’évêché de Padoue lui fournit une occasion de réclamer le droit de conférer les bénéfices ecclésiastiques dans les domaines de la république. Il se hâta de nommer à ce siège, tandis que le gouvernement faisait de son côté un autre choix. II en résulta que l’évêque nommé par les Vénitiens ne reçut point ses bulles, et que le protégé du pape ne put occuper son siège. Ce protégé était un cardinal vénitien, résidant à Rome. La seigneurie fit négocier avec lui, pour obtenir son désistement. Sur son refus, on bannit sa famille : les ambassadeurs de la république à la cour de Rome reçurent défense de le reconnaître, de lui parler, même de le saluer, et furent sévèrement punis, pour l’avoir fait. Le diocèse de Padoue resta, pendant plusieurs années, privé de son pasteur, jusqu’à ce qu’enfin le cardinal, vaincu par les sollicitations de ses parents, dont son obstination causait la ruine, renonça aux droits que lui conférait la nomination du pape et céda le siège à son compétiteur. La grande révolution qui venait de s’opérer en Orient par la prise de Constantinople attirait nécessairement de ce côté l’attention des peuples commerçants. Le Soudan d’Egypte, qui craignait pour lui-même l’ambition des Turcs, devait être disposé à former quelques liaisons avec les Occidentaux. Les Vénitiens négocièrent un traité avec lui. La lettre que ce prince écrivit au doge à cette occasion donne une idée des relations qui existaient entre les deux puissances. II. « Ad nom de Dieu.