40 HISTOIRE DE VENISE. pas fixé sur le mode d’élection à adopter; seulement 011 avait résolu de changer la forme actuelle. On procéda sur-lc-champ à l’exécution de toutes ces dispositions. On nomma les quatre cent soixante-dix membres du grand conseil qui choisirent ceux qui devaient composer le sénat, ensuite les six conseillers du doge, et enfin on désigna les onze électeurs qui devaient le nommer. L’histoire nous a conservé les noms des citoyens qui reçurent cette grande marque de confiance. Presque tous ces noms sont encore illustres; c’étaient Léon Michieli, Vital Dandolo, Henri Navi-gaiosso, Renier Zeno, Philippe Greco, Dominique Morosini, Manassès Badouer, Henri Polani,Candian Zanutti (d’autres écrivent Sébastien Ziani), Vital Fallier, et OrioMalipier, dont le nom, qui s’est dénaturé depuis, était alors mastro Piero, maître Pierre. XLVIII. Il fallait la pluralité de neuf voix sur les onze pour consommer l’élection. Le choix se fixa d’abord sur Orio Malipier, l’un des électeurs, personnage vénérable; mais il ne se crut pas digned’unt charge si importante dans des circonstances si difficiles. Il représenta que la république, après tant de désastres, avait besoin d’un chef qui joignit une grande fortune à une grande capacité, et il désigna lui-même Sébastien Ziani, qui fut agréé par les autres électeurs, proclamé doge, et présenté au peuple, auquel il fit jeter de l’argent, comme pour le dédommager de la perte du plus beau de ses privilèges, ou plutôt pour éviter les témoignages de son mécontentement (1175). Une circonstance qui peut servir à donner une idée des principes qu’on avait alors sur le droit public, c’est la précaution que l’on prit de faire confirmer par le nouveau doge les innovations qui vc- naicut de restreindre son autorité. Il semble qu’il est de l’essence d’une dignité élective de pouvoir être modifiée à chaque élection. Cependant, pour donner une forme plus légale à la suppression de ces privilèges, on jugea nécessaire d’en faire stipuler l’abandon par celui qui venait d’être revêtu de la dignité à laquelle iis étaient précédemment attachés. Ziani ratifia les trois règlements faits par la quarantie, qui en effet, n’ayant pas le pouvoir constitutionnel, n’avait pu donner à ces actes toute la force d’une loi fondamentale. En cela je suis l’opinion le plus généralement établie. Il faut cependant convenir qu’André Dan-dolo dit précisément le contraire : selon cet auteur, « Tout le peuple assemblé dans l’église de Saint-« Marc délibéra de confier l’élection du doge à onze «citoyens chargés de désigner le plus digne, et « arrêta que celui qu’ils auraient proclamé se-« rait reconnu en cette qualité sans autre infor-« malion. » Sans citer ici les auteurs qui racontent la chose différemment, il faut remarquer, 1° que Dandolo peut sans injustice être soupçonné d’avoir voulu établir l’opinion que ce changement dans la constitution avait été l’ouvrage du peuple ; 2° que, dans son récit, il réduit ce changement à la forme de l’éleclion du doge, et qu’il supprime plusieurs circonstances importantes, notamment la formation du grand conseil et celle du sénat; 3° que ces objets n’étaient guère de nature à être discutés dans une assemblée générale du peuple; 4° enfin que si ces changements avaient été décrétés par l’universalité des habitans, ils n’auraient pas eu besoin de sanction. Or les historiens rapportent qu’aussitôt après son élection le nouveau doge Ziani ratifia les trois règlements.