LIVRE XIX. 291 de l’État romain, de la Toscane , de Cônes, les côtes méridionales de la France et les côtes orientales de l’Espagne; enfin les échelles du Levant qui n’étaient pas réservées aux escadres armées par la république. Beaucoup de ces vaisseaux appartenaient aux patriciens : les jeunes nobles étaient obligés de faire quelques voyages sur les vaisseaux de commerce, où, quand ils étaient pauvres, ils étaient reçus gratuitement; on leur fournissait même, s’ils en avaient besoin, les moyens de faire une pacotille; tant il entrait dans les vues de l’administration de les porter vers cette profession. XV. Je laisse à penser si une nation qui attachait tant d’intérêt à son commerce était soigneuse d’exclure les étrangers de toute concurrence. Quoique à cette époque la jalousie commerciale n’eùt pas encore réduit les prohibitions en système, l’intérêt des Vénitiens leur fit pratiquer tout ce que le génie fiscal a inventé depuis. La guerre leur avait fait raison des Pisans, des Siciliens et des Génois. L’Espagne, longtemps occupée par les Maures, n’avait pu se livrer au commerce ; la France le dédaignait; quant aux Anglais, ils ne commencèrent à négocier en Turquie que fort lard, et sous le pavillon français. Ce ne fut qu’en 1377 qu’ils obtinrent la faculté de s’y présenter sous leur propre pavillon (1). La république de Hollande n’existait pas encore; la première capitulation des Provinces-Unies aveclaPorte est de 1398. (1) On trouve dans la correspondance de M. de Maisse, ambassadeur de France à Venise (Manuscrit de ta biblio-H thèque du roi, n° 1020 —), des passages qui expriment 265 l’étonnementavec lequel on voyait, en 1583, des bâtiments anglais arriver dans les échelles du Levant, sous leur propre pavillon. Cet ambassadeur écrivait au roi, le 22 mai : « Ces seigneurs se sont informés de moi, si V. M. n’empê-« cherait point l’Echelle que la reine d’Angleterre veut faire « dresser en Constantinople, me disant qu’autrefois les rois » de France l’avaient fait en semblable cas, et pour vous « en dire la vérité, Sire, chacun a opinion ici que V. M., « pour son honneur et réputation, ne le doit permettre, « ayant été rrçu et accoutumé de tout temps que tous les « vaisseaux chrétiens qui passoient ez mers de deçà, de-« voient naviguer sous la bannière de France, el être sujets « aux consuls et officiers, que pour cet effet V. M. tient ez » lieux nécessaires. Cela jusques ici a rendu V. M. respectée » et honorée seule , entre les princes chrétiens, parmi les « barbares, et est un privilège que facilement V. M. ne doit « laisser perdre. « 11 déplait aussi grandement à ces seigneurs, comme « ceux qui y ont plus d’intérét, que la reine d’Angleterre « s’établisse en ce quartier là, d’autant que leur trafic en « diminuera de beaucoup, tant pour la quantité des mar-« chandises qu’ils y apporteront, que pour celles dont ils » se chargeront en retour, comme des drogueries et autres. « Vos sujets de Marseille, et ceux qui trafiquent de deçà, y A la faveur du droil de souveraineté qu’elle s’était arrogé sur le golfe, la république se réservait presque le droit exclusif d’y naviguer. Des flottilles armées gardaient les embouchures de tous les fleuves, et ne laissaient pas entrer ou sortir une barque sans l’avoir visitée rigoureusement. Deux escadres longeaient sans cesse, l’une les côtes d’Istrie el de Dalmatie, l’autre cellesde la Romagne et du royaume de Naples, tandis que le capitaine du golfe, avec vingt galères, stationnées à Zara ou à Corfou, était toujours prêt à se porter là où les droits de la république auraient trouvé quelque résistance. Voici quelques exemples du soin qu’on apportait à les maintenir. A la suite d’un différent qu’ils avaient eu avec le patriarche d’Aquilée, en 1248, les Vénitiens l’obligèrent à fermer un de ses ports à scs propres sujets. On raconte que ce même prince, sollicitant la permission de faire venir, sur un bâtiment de sa nation, une provision de vin qu’il avait achetée dans la marche d’Ancône, pour son usage personnel, la république refusa celte permission, mais voulut bien se charger elle-même de ce transport. XVI. On juge combien la jalousie des Vénitiens dut êlre alarmée, lorsqu’ils apprirent que les Portugais avaient découvert une nouvelle route des Indes. Ce fut par leur ambassadeur à Lisbonne qu’ils en reçurent le premier avis : il mandait qu’on avait vu revenir de l’Asie des vaisseaux charges de poivre, de drogues et d’autres marchandises. A « perdront et ne seront tellement respectés qu’ils étoiènt » auparavant. V. M. y saura bien pourvoir s’il lui plaît, o Tant est que l’on trouve fort mauvais par deçà, que lo o baile d’Angleterre soit descendu contre Péra le jour du o vendredi-saint, sans qu’il ait été accompagné d’autres « chrétiens, pour la révérence du jour, et est cet acte in-« terprété ici, avoir été faicl en mépris de notre religion , « outre qu’il se trouve que ce vaisseau étoil chargé d’acier « et autres marchandises prohibées être portées aux infi-« dèles. Ces seigneurs essayeront, comme je crois, par tous « moyens, d’empécher que cette négociation ne sorte son « effet. » Ailleurs il dit que les Anglais, en débarquant, s’étaient donnés pour ennemis des idolâtres chrétiens. Voiciencore l’extrait d’une lettre de 1517, de M. de Mor-villers, ambassadeur de France à Venise, qui prouve que ce privilège s’étendait aux autres échelles du Levant. « lie o toute ancienneté, dit-il, les rois de France om eu cette « prérogative et privilège eu Alexandrie, que toutes les na-« tions, fors et excepté la vénitienne el la génevoise, ont « été comprises sous celle de France, et les marchands d’i-« celles suhjects à la juridiction des consuls de la nation « françoise. » (Man. de ta Bibl. du Roi, n» 8784.) Les choses avaient été réglées ainsi pour tout le Levant par une capitulation que négocia M. de Germigny, ambassadeur de Henri 111. Elle portait qu’à l’exception des Vénitiens, aucune nation ne pourrait naviguer dans le Levant que sous la bannière de l’empereur ou padicha de Franc".