LIVRE XII. 205 par le choix du général. La république en confia la principale direction à François Carmagnole. XII. Quoique la déclaration de guerre eut été notifiée officiellement au mois de janvier 1426, les hostilités ne commencèrent que vers le milieu du mois de mars. Cet intervalle fut employé à recruter les troupes mercenaires avec lesquelles Carmagnole devait attaquer la Lombardie, et à armer l’escadre destinée à entrer dans le l’ô. 11 fut levé un emprunt forcé de 45,600 ducats. Ce n’était pas sans doute de quoi subvenir aux frais de la guerre. La guerre était alors fort dispendieuse. Ces compagnies d’aventure, formées des débris des années allemandes, avaient trouvé qu’il n’y avait pas de meilleur parti pour elles que de rester en Italie, où la multitude des principautés et des factions leur assurait toujours de l’emploi, et où la bonté du pays leur promettait des richesses. Le gouvernement sacerdotal, les petites républiques de bourgeois, non moins inhabiles au métier des armes, les princes nouveaux et encore mal affermis, devaient implorer continuellement le secours de ces étrangers, qui se vendaient au plus offrant. Un historien fait remarquer qu’à cette époque les Ursins, les Saint-Seve-rins, les Malatesta, les Carmagnole et autres chefs de gendarmes reliraient en grande partie le plus clair du produit de l’industrie florentine, du commerce de Venise, et de la daterie romaine. Les chefs de ces bandes élaient des entrepreneurs de guerre; indifférents dans les querelles, s’attaquant sans passion, intéressés seulement à conserver leurs hommes, et par conséquent combattant mollement, cherchant à éviter les affaires décisives, pour faire durer ces divisions, qui les rendaient nécessaires et leur donnaient occasion de devenir plus exigeants. Opposés alternativement l’un à l’autre, ils n’avaient garde de chercher à se détruire. Un capitaine vainqueur qui aurait retenu prisonnière la compagnie d’un autre l’aurait ruiné, et devait s’attendre à être à son tour traité avec la même rigueur. Toutes ces circonstances avaient introduit parmi ces bandes guerrières une sorte de droit des gens indépendant du droit politique, et souvent opposé aux intérêts des Etats dont elles soutenaient la cause. L’habitude de changer de parti avait rendu les trahisons moins déshonorantes, l’avarice les rendait fréquentes. La guerre n’était plus qu’un métier fait par des stipendiâmes; les hommes domiciliés ne trouvaient point d’honneur à se mêler dans ces bandes d’aventuriers. Les nobles tâchaient de conserver quelque puissance dans leurs terres, dont ils ne pouvaient par conséquent s’éloigner. Les citadins cherchaient à s’enrichir par le commerce, surtout par le commerce d'outre-mer; aussi le commerce maritime était-il resté constamment en honneur, parce qu’il était fait par des nationaux. Le peuple n’était point enrôlé, parce que les souverains le craignaient et n’étaient pas assez riches pour entretenir des troupes régulières. On a beau faire ; puisqu’on exige pour la guerre les efforts des hommes, le sacrifice de leur repos et de leur vie, il faut bien déterminer ces efforts, ces sacrifices, par le sentiment de l’intérêt. Là où çct intérêt est évident, immédiat, on peut obtenir le concours spontané de toute une population ; là où fermentent l’esprit de faction ou l’enthousiasme religieux, la fureur dos passions suffit pour mettre les armes et la torche à la main de tous les hommes; mais quand il s’agit seulement de la rivalité de deux princes, des calculs de la politique, des vues ambitieuses d’un gouvernement, comment espérer que la population veuille y prendre part? Cela est impossible, surtout dans les petits Etats. A mesure que de grands gouvernements se sont organisés, ils ont formé des corps de troupes permanents, et cela n’a été praticable qu’après l'établissement d’un système d’administration qui assurait au prince un revenu fixe, employé tout entier à conserver cette force mercenaire. Mais, étrangères ou indigènes, les troupes régulières sont d’autant plus à la disposition du prince qu’elles sont plus détachées de la population ; aussi s’efforce-t-on sans cesse de leur créer des intérêts à part; aussi se trouvent-elles toujours insuffisantes quand elles sont en opposition avec le vœu général, ou quand l’existence nationale est menacée. En définitive, il n’y a de guerre nationale que pour des intérêts nationaux. Ce n'était pas pour de tels intérêts que l’on combattait en Italie. Il s’agissait de savoir si le duc de INIiLan satisferait sou ambition, en étendant ses conquêtes dans la Romagne. Ses adversaires n’avaient qu'un intérêt plus ou moins direct à arrêter scs progrès. Le roid’Arragon voulait fo.rccr Visconti à lui céder la Corse, que celui-ci prétendait être une dépendance de Gênes; le duc de Savoie convoitait Vcrceil ; les seigneurs de Ferrarc et de Mantoue cédaient à l’influence de leurs voisins; et quant aux Vénitiens, il était évident qu’en entrant dans cette ligue, ils avaient été bien moins décidés par la crainte qu’entrainés par l’ambition. Le duc, menacé par tous ses voisins, soudoyait, du fond de son palais, quatre chefs de bandes qui avaient alors une grande réputation, Ange de la Pergola, Nicolas Piccinino, Guido Torcllo, enfin François Sforce, fils naturel d’un paysan de Coti-gnola, et le second d’une race de héros que la fortune destinait au trône. Les Vénitiens avaient dans leur arrnée deux parents de ce même Sforce. On raconte que le premier Sforce, dont le vrai