LIVRE III. id moyens d'influence pour la république. L’empereur d’Occident avait perdu son autorité dans la péninsule, c’était un voisin dangereux écarté pour longtemps (1178). Les villes de l’Italie septentrionale, qui venaient d’étre affranchies, ne formaient que de petits États, dont aucun ne pouvait donner de l'inquiétude,etqui tous avaient besoin de repos et de protection. Venise était naturellement appelée à devenir leur arbitre. Le saint-siége lui devait de la reconnaissance. Le roi de Naples, lié avec elle par des traités, et redoutant les Grecs et les Sarrasins, avait d’autant plus d’intérêt à la ménager que lui-même cessait d’être une puissance maritime. L’empire d’Ürient, déjà depuis longtemps dans un état de décadence, éprouvait toutes les alternatives de la crainte et de l’irrésolution, redoutant les croisés, recherchant, trompant les Vénitiens, sollicitant leur alliance, les apaisant par des concessions. Les puissances du midi de l’Europe engagées dans une guerre d’outre-mer, pour laquelle elles ne pouvaient se passer du concours des puissances maritimes,devaient nécessairement acheter l’amitié de celle dont les moyens étaient certainement les plus considérables. Le patriarche d’Aquilée était un voisin quelquefois incommode, mais ne pouvait être isolément un ennemi bien dangereux. Le roi de Hongrie était le seul voisin que la république eût à redouter. Quant à la jalousie des Pisans et des Génois, elle avait ses dangers, mais elle avait aussi cet avantage qu'elle entretenait la république dans cet état d’activité qui conserve et augmente les forces : d’ailleurs, Gênes et I’ise étaient encore plus acharnées l’une contre l’autre qu’ennemies des Vénitiens, et elles étaient sur le point de commencer entre elles une guerre d’extermination, pour la possession de la Corse et de la Sardaigne. Si l’on considère que, depuis sa fondation, Venise n'avait éprouvé que des revers passagers, comme des batailles perdues, des calamités naturelles, mais qu’elle n’avait pas encore appris à signer des traités désastreux; que sa puissance était toujours allée croissant, que son gouvernement prenait delà stabilité, tandis que plusieurs Etats voisins n’étaient pas même fixés sur le choix du leur; qu’enfin son commerce s’agrandissait de jour en jour, et que ce moyen d’augmenter la richesse, la population, les forces d’un État, était inconnu de toutes les autres nations européennes, on entrevoit que la puissance relative de la république s’était accrue plus rapidement encore que sa prospérité, et on doit s’attendre à la voir jouer un rôle important dans les vicissitudes que la fortune préparait au monde. HISTOIRE DE VE-SISK. XXV.-Sébastien Ziani étant mort peu de temps après son retour de Rome à Venise, on eut à procéder à l’élection de son successeur. Il n’entrait pas dans les vues de ceux qui avaient la plus grande influence dans les affaires d’appeler le peuple à cette élection, maison prévit les inconvénients qu’il y avait à en charger un petit nombre d’électeurs. Ce fut là que commença ce nouveau système d’élection, qui s’est tant compliqué depuis dans le gouvernement de Venise. Le grand-conseil choisit à la pluralité des voix quatre commissaires, ceux-ci nommèrent chacun séparément dix électeurs, et le choix de ces quarante électeurs se fixa sur Orio Malipier, le même qui avait refusé le dogat après la mort de Vital Michieli (1178). Ce changement dans la constitution de la république fut suivi de quelques autres innovations. Il avait été réglé, au commencement du règne précédent, que les six conseillers intimes du doge représenteraient les six quartiers de la capitale. Il y a apparence qu’on avait éludé l’obligation de les choisirchacun dans un quartier différent, puisqu’on fut obligé de faire un règlement, par lequel il était décidé que nul ne pourrait être élu que pour le quartier dans lequel il faisait réellement sa résidence. XXVI. Deux grandes assemblées, le sénat qui était composé de soixante membres, et le conseil-général , qui l’était de près de cinq cents, étaient appelées à prononcer sur tous les grands intérêts de l’Etat; mais les assemblées sont sujettes à se laisser entraîner par la passion au delà des formes ou des lois existantes; on sentit la nécessité d’un pouvoir régulateur ou modérateur, qui réclamât, dans Fin -térét des lois, même devant l’autorité suprême. Oïl créa, sous le.nom d’Avogadors, trois magistrats, pour représenter la partie publique, non-seulement dans les délibérations sur les affaires île l’État, mais encore dans les causes des particuliers. Levant les tribunaux, ils réglaient la compétence, ils défendaient les intérêts publics dans les affaires civiles, et poursuivaient l'accusation dans les affaires criminelles. Devant les conseils, ils requéraient la constante observation des lois et des formes, ils s’opposaient à la publication des ordonnances qui y étaient contraires. La présence de l’un d’eux au moins était nécessaire pour la validité des délibérations du grand-conseil et du sénat; ils étaient dépositaires de tous les actes de la législation; ils poursuivaient le paiement des amendes pécuniaires auxquelles les fonctionnaires pouvaient être condamnés. Enfin, relativement aux magistrats, leur pouvoir s’étendait jusqu’à mettre opposition à la prise de possession des charges, lorsque ceux qui y avaient été nommés étaient susceptibles de quelque reproche. /» /