LIVRE XXIV. 400 rait Vérone au roi son petit-fils, qui, après l’avoir gardée six semaines, la confierait au roi de France, pour la remettre aux Vénitiens; que la république paierait cent mille écus d’or, non à l’empereur, mais à François Ier, en remboursement de toutes les sommes infiniment plus considérables que Maximi-lien devait à la France ; qu’il y aurait entre l’empereur et la république une trêve de dix-huit mois, durant laquelle ce prince garderait trois places, qu’il avait conquises, savoir : Gradisca dans le Frioul, Rovérédo dans la vallée du haut Adige, et Riva au nord du lac de Garde; c’étaient les clefs de trois passages importants. Maximilien avait droit d’être étonné que son petit-fils, à peine sorti de l’enfance, eût stipulé pour lui, sans mission, et l’eût compris, sans son aveu, dans un traité, en lui assignant un terme de deux mois pour l’accepter. Les rois de France et d’Espagne l’avaient traité, dans celte occasion, comme un prince d’un rang inférieur. Sa vanité en était blessée ; il s’écriait que son petit-fils voulait être son tuteur; mais, après avoir exhalé sa colère, il envoya ses ambassadeurs à un congrès qui fut ouvert à Bruxelles. Les Vénitiens y députèrent aussi de leur côté. Les discussions, quoique très-vives, eurent une heureuse issue, et se terminèrent par l’acceptation de l’arrangement qui avait été.arrêté à Noyon. Vérone fut livrée aux ministres du roi d’Espagne, et, quelques jours après, aux Français, qui la remirent aux Vénitiens, le Vô janvier 1817 ; et l’année suivante, la trêve entre l’empereur et la république fut prolongée pour cinq ans, moyennant un subside annuel de vingt mille ducats. Telle fut l’issue de celte ligue de Cambrai, qui occasionna une guerre de huit ans. Les Vénitiens, pour la perte desquels Cl le avait été formée, ne durent pas uniquement leur salut à leur constance et à leur sagesse. 11 n’est pas au pouvoir des hommes île faire que la fortune n'ait aucune part dans les événements; mais on rie peut se dispenser de reconnaître que le sénat vénitien délibéra toujours avec calme, n’irrita jamais ses ennemis, ramena ceux qui n’étaient point irréconciliables, divisa les autres par son habileté, sut également saisir les occasions cl les attendre, déploya d’immenses ressources, répara rapidement de grands désastres, et ce qui fait le plus d'honneur à celte république, c’est que, pendant sept ans d’adversités, on y remarqua toujours la même unanimité de sentiments. Après s’ètre vue réduite à ses lagunes, Venise sortit, non sans gloire, d’une lutte si inégale. Elle perdait Crémone, les bords de l’Adda et la Romagne ; c’étaient des acquisitions récentes qu’elle n’avait pas eu le temps de consolider. Trieste, que les Vénitiens n’avaient occupée qu’un moment pendant cette guerre, demeura pour toujours à l’Autriche. Le sort des trois places qui restaient entre les mains de l’empereur était remis à un traité ultérieur. Mais ce qui affaiblissait réellement Venise, c’était d’être devenue un objet de haine et d’envie, et d’ayoir diminué sa force relative, en attirant dans son voisinage deux princes plus puissants qu’elle. Une guerre si longue et si longtemps malheureuse avait été soutenue, sans que le gouvernement pût tirer, pendant cet intervalle, aucune ressource de ses provinces d’Italie. Les revenus de l’État étaient diminués de moitié, il avait fallu y suppléer par d’autres moyens. On commença par diminuer les dépenses, en réduisant tous les traitements payés par l’État. Cette retenue fut d’abord de la moitié, et il y eut des fonctionnaires qui en supportèrent une plus forte. On fit comme avait fait Louis XII, on vendit les fonctions publiques; mais cet usage de mettre les magistratures à l’encan, était encore plus dangereux dans une république que dans une monarchie. Les villes furent imposées à cinquante, cent, deux cents marcs d’or. Le clergé fut taxé à un tiers de ses revenus. Tout le mondé envoya sou argenterie à la monnaie. Des commissaires furent nommés pour établir une taxe proportionnelle sur la fortune présumée de tous les citoyens, et ceux qui ne l’acquittaient pas exactement étaient exclus de l’exercice de leurs droits politiques. La république ouvrit des emprunts, où les citoyens s’empressèrent de verser des sommes considérables ; elle se montra exacte à en payer les intérêts, et lorsqu’elle crut pouvoir, dans la suite, les réduire à quatre pour cent, ce fut en offrant, à ceux qui ne s’en contenteraient pas, le remboursement de leur capital. Ces diverses ressources fournirent au gouvernement le moyen de pourvoir à une dépense qui s’éleva, pendant les huit années de cette guerre, à cinq millions de ducats d’or, représentant alors, à dix-sept livres chacun , quatre-vingt-cinq millions de notre monnaie, et au moins le double valeur d’aujourd’hui. FIN DU PREMIER VOLUME.