IIISTOIRE DE VENISE. tout prix. L’indulgence plénière coulait, dit-il, jusqu’à vingt mille ducats; cela est difficile à croire (1463). Le bref que le pape adressa à cette occasion au doge, fait connaître les mesures qui avaient été prises pour le succès de cette expédition, au sujet de laquelle Cosme de Slédicis disait : Voilà un vieillard qui fait une entreprise de jeune homme. « Le projet que depuis longtemps nous avions conçu et tenu caché dans notre cœur, dit le saint-père, est maintenant révélé. Au printemps prochain, nous partirons pour l’expédition contre les Turcs, et notre sénat apostolique nous accompagnera. Les bonnes troupes ne nous manqueront pas : elles combattront avec le fer, et nous les seconderons par nos prières. Noire décret à ce sujet a été lu en plein consistoire, le XI des kalendes de novembre. Nos paroles ne seront point vaines; ce que nous avons promis au Très-Haut, nous l’accomplirons. Tous les moyensque nous pourrons avoir, nous les consacrerons à celte guerre. Notre bien-aimé Philippe, duc de Bourgogne, de l’illustre sang de France, marchera, s’il plaît à Dieu, avec nous, accompagné, nous n’en doutons pas, de vaillants hommes et de troupes expérimentées. « Nous avons fondé de grandes espérances sur cette armée, mais nous n’en mettons pas moins dans la flotte que vous avez depuis peu envoyée dans le Péloponnèse, et dont on nous a rapporté les exploits, qui égalent tout ce qu’on raconte de merveilleux de l’antiquité. Nous avons la confiance qn’elle partagera constamment les travaux de cette guerre avec nous et ledit duc, ainsi que cela a été convenu entre nous et votre ambassadeur, et nous ne douions pas que vous ne concouriez de tous vos cfforls à une entreprise qui intéresse la foi catholique. 'i Quoique ces moyens soient considérables et promettent de grands succès, dont il n’est pas permis de douter, cependant ces moyens seraient plus grands encore, et cette victoire serait plus certaine, si vous-même, prince de la république de Venise et chef de ses armées, vous marchiez à cette guerre avec nous. Bien n’influe sur les succès comme la présence des princes, à cause du pouvoir et de la majesté dont ils sont environnés. Les grands noms et la renommée inspirent souvent plus de terreur que les armes. N’en doutez pas, la présence du duc de Bourgogne en jettera beaucoup parmi nos ennemis. Nous-mémc, nous augmenterons l’épouvante par l’appareil de la dignité du siège apostolique; et vous, si vous paraissez sur le Bucentaure, revêtu des ornements ducaux, vous remplirez de terreur non-seulement la Grèce et les côtes d’Asie qui lui sont opposées, mais encore tout l’Oricnt. Unis ensemble pour le saint Évangile et la gloire de Dieu, nous avons la certitude,avec son secours,de faire des choses mémorables. « C’est pourquoi nous exhortons voire noblesse à ne pas différer de se rendre à nos désirs. Préparez-vous à cette guerre, et faites vos .dispositions pour vous trouver à Ancóne, lorsque nous monterons sur la mer. Voire concours dans noire entreprise sera glorieux pour la république de Venise, utile à la république chrétienne, et vous méritera les récompenses de l’auIre vie. «Noussavonsque chez les Vénitiens il n’est point nouveau de voir les princes monter sur les flottes et conduire les opérations de la guerre. Ce qui a été jugé convenable autrefois le devient bien plus aujourd’hui, qu’il s’agit de combattre pour la religion et pour la cause de Jésus-Christ, notre sauveur. « Venez donc, notre cher fils, et ne vous refusez pas à partager des travaux que nous-même nous avons résolu d’entreprendre. Ne nous objectez point votre vieillesse, comme si l'âge était une excuse. Le duc Philippe, qui est vieux comme vous, et qui vieni de plus loin, doit entreprendre ce voyage ; et nous aussi, quoique déjà parvenu à notre soixante-deuxième a nuée, atteint parla vieillesse et tourmenté jour et nuit par nos infirmités, nous n’hésitons cependant poinl.à partir pour cetle expédition. Gardez-vous, sous prétexte de votre âge ou de voire faiblesse, de vous dispenser d’une guerre si nécessaire, si sainte. C’est de vos conseils, c’est de voire autorité que nous avons besoin, et non de la vigueur de votre bras. Philippe nous apportera assez de forces. Voilà ce que nous requérons de vous : préparez-vous à venir. « Nous serons irois vieillards dans cette guerre. La trinile est agréable à Dieu. La trini lé divine protégera la nôtre, et mettra nos ennemis en fuite devant nous. Celle expédition sera appelée la guerre des vieillards. Les v ieillards ordonneront et les jeunes gens exécuteront : ils combattront et sauront disperser les ennemis. C’est une illustre entreprise que celle à laquelle nous vous invitons. Gardez-vous d’y manquer, et ne craignez pas une mort qui conduit à une meilleure vie. Nous sommes tous réservés à mourir dans ce siècle. Or, il n'y a rien de plus désirable que de bien mourir, et il n’y a pas de plus belle mort que celle qu’on reçoit pour la cause de Dieu. Venez donc, et que votre présence nous console. Ou nous reviendrons victorieux avec l’aide du Seigneur, ou bien, s’il en a décrété autrement, nous subirons le sort qu'il nous a préparé dans sa sainte miséricorde. Bien ne peut nous arriver qui ne nous soit favorable, en soumettant humblement noire volonté à la divine Providence. ii Donné à Rome, à Saint-Pierre, l’an de l’incar-