210 HISTOIRE Dli VENISE. des. Plusieurs fois les conférences furent sur le point d’étre rompues. Enfin on s’accorda à partager le différend. Les Vénitiens renoncèrent à leurs prétentions sur Crémone, et le duc à la possession du Bergainasque et de ce que la république avait déjà conquis dans le Crémonais. Cette paix fut signée le 18 avril 1428. Les Florentins n’y gagnèrent que la promesse faite par le duc de ne plus s’immiscer dans les affaires de la Toscane, de la Romagne et du llolonais. Le vainqueur de Macalo était revenu à Venise dès le 14 mars. Le doge alla au devant de lui avec la seigneurie et un nombreux cortège de patriciens. Il lit son entrée sur le Bueentaure, et fut conduit en pompe jusqu’à un palais que la république lui avait donné. Une augmentation de traitement de trois mille ducats et un revenu de douze mille en terres, dans les provinces qu’il avait conquises, attestaient la magnificence de la république. Le duc de Milan s’était engagé par le traité à rendre à Carmagnole tous scs biens. Le 24 mai, à la tète de tous scs capitaines, le général remit solennellement l’étendard de Saint-Marc que la seigneurie lui avait confié, et qui fut suspendu dans l’église du patron, au milieu de tous les trophées enlevés aux ennemis. Quelques jours après on y plaça aussi, suivant l’usage, le drapeau de la ville de Bergame parmi ceux des autres villes sujettes de la république. X. Cette guerre venait de consommer le système d’envahissement suivi depuis quarante ans par le sénat de Venise. Elle avait coûté deux millions et demi de ducats. On avait pris à la caisse des emprunts trente-trois pour cent de son capital ; aussi les fonds publics étaient-ils tombés'au cours de ¡57 pour cent. La dette s’élevait à neuf millions de ducats, elles intérêts en étaient extrêmement onéreux; car ils s’élevaient à 260,000 ducats. Pour se convaincre de cet état de décadence des finances, il ne faut qu’observer les progrès du discrédit delà caisse aux emprunts. Au commencement du siècle, en 1409, les effets publics se vendaient à 79 pourcent de leur valeur primitive; ensuite ils tombèrent à 4S5. En 1423 on en donnait iî8; en 1428, c’est-à-dire à la fin de la guerre que je viens de raconter, ¡57 ; et ce discrédit alla en augmentant : car les effets descendirent, en 1434, à 38; en 1439, à 37; en 1449, à 28 et demi. Ces résultats justifiaient en partie les prédictions du vieux Thomas Moncenigo. D'un autre côté, la république se trouvait mai-tresse de neuf belles provinces dans le nord de l’Italie; savoir : Le duché de Venise, proprement dit le dogado, qui se composait des lies et du littoral des lagunes, modeste domaine de l’ancienne Venise, lorsqu’elle était entrée en partage de l’empire d’Orient; le Erioul;Ia marche Trévisane, comprenant Bassano, Feltre, Belluneet Cadore ; le Padouan ; la Polésine de Ilovigo; le Vicentin ; le Véronais ; la province de Brescia, et celle de Bergame. Ces provinces composaient une masse de possessions conliguës, qui s’étendaient depuis les bords de l’Adriatique jusqu’à la rive gauche de l’Adda. C’étaient de belles conquêles sans doute ; cependant elles ne forniaientqu’un État d’une importance médiocre, et qui n’assurait point aux Vénitiens, sur terre, une supériorité telle que celle dont ils avaient joui sur mer. Celle-ci même devait leur échapper; car, tandis que la guerre continentale réclamait l’emploi de leurs capitaux, de leurs soldats et de leurs Hottes, les Musulmans faisaient des progrès dans l’Oricnt, et insultaient par des avanies le commerce d’une république, qui, peu de temps auparavant, était la première puissance maritime de l’Europe. Pour conserver tant de prospérité, il ne fallait pas oublier cette allégorie d’Ho-mère qui fait la fortune fille de la mer. Le 1er août 1426, le Soudan d’Égypte avait fait une descente en Chypre. En huit jours il livra bataille au roi, le fit prisonnier, s’empara de Nicosie, pilla tout le pays des environs, ruina les marchands de Venise, comme les autres Francs établis dans l’île, massacra des équipages vénitiens, emmena le roi Jean avec deux mille captifs, et ne le renvoya dans son royaume que moyennant une rançon de trente mille ducats, dont il fallut que le commerce vénitien fît l’avance, et un tribut annuel de dix mille ducats, payable pendant dix ans. Ce Soudan faisait éprouver encore plus de vexations aux négociants sur ses côtes; et lorsque le consul de Venise, Benoit Dandolo, voulut lui faire quelques représentations, il le menaça de lui faire donner la bastonnade. Ce barbare avait oublié, ou n’avait peut-être jamais su qu’un homme de ce nom avait fait la conquête de Constantinople, et que le doge de Venise prenait encore le titre de seigneur du quart et demi de l’empire d’Orient. Pour se mettre à l’abri de toutes ces avanies, qu’on n’avait pas alors les moyens de punir, le gouvernement se vit réduit à défendre aux armateurs qui trafiquaient en Egypte, de mettre à terre ni hommes ni marchandises. Ou faisait les ventes ou les échanges en rade. Mais cette manière de trafiquer est peu profitable; elle ne permet point d’attendre les occasions, d’établir la concurrence entre les acheteurs, de choisir les objets à exporter, de débattre les prix ; elle expose enfin à des frais considérables et à beaucoup d’accidents. J’ai à placer à peu près sous cette date un événC’