188 HISTOIRE DE VENISE. tincnt de l’Italie, leurs nouvelles conquêtes avaient dû leur procurer beaucoup de considération et d’in-lluence. Ils en eurent une preuve par le testament du marquis de Mantoue, François de Gonzague, qui, laissant un lils âgé de douze ans, pria la république de vouloir bien se charger de la tutelle du jeune prince et du gouvernement de scs États, pendant la minorité. La république répondit dignement à cette honorable marque de confiance. François Foscari, délégué par elle pour aller administrer le Man-louan, y sut mériter la reconnaissance du prince et du peuple. Cet exemple fut suivi par le seigneur de Ravennc, Obizzo de I’olenta, prince trop modeste ou trop indolent, qui, bien qu’il lût en âge de régner par lui-même, demanda à la seigneurie un patricien pour l'assister dans les soins du gouvernement. Jean Cocco, qui fut chargé de cette mission, ne s’en acquitta pas avec moins de succès que François Foscari de la sienne. S’il était beau pour le gouvernement de Venise de recevoir de pareilles demandes, qui étaient un hommage rendu à sa sagesse, il était plus glorieux encore de les justifier. La Lombardie était troublée à celte époque par les divisions de plusieurs princes, et notamment par l’ambilion du seigneur de Plaisance, Ouo da Terzi, qui possédait déjà l'arme et Jleggio, el qui voulait enlever Modènc au marquis de Ferrare. Celui-ci parvint à former une ligue contre ce voisin turbulent. La petite armée de celte coalition, dans laquelle les Vénitiens avaient fourni sept cents lances, fut complètement battue ; mais le marquis répara les torts de la fortune par un crime. Il attira son ennemi dans un piège et le lit assassiner. Ou se partagea le corps de ce prince comme un trophée, cl Venise ne répugna point à recevoir les fruils de celte trahison. Elle s’empara de Parme et de Reggio. Cette promptitude à se saisir de la part qu’elle croyait lui être due la brouilla avec son allié, qui lit avancer ses Iroupes pour disputer la possession de Parme. Ils n’en vinrent cependant pas aux mains ; le marquis céda à la république Guastalla, Brcscello el Casal-ïlaggiore, sur le Pô. Ces places convenaient beaucoup mieux aux \ éniliens, qui, à ce prix, rendirent les deux autres. V. L année 1410 fut marquée par plusieurs événements sinistres. Des conspirations éclatèrent à l’adoue et à Vérone, pour y rétablir l’aulorité des maisons de Carrare et de la Scala. Les coupables expièrent celle tentative dans des supplices affreux. Les Tartares firent une irruption dans la ville de Tana, où se tenait une foire au mois d’aoùt, et égorgèrent lous les Vénitiens qui s'y trouvaient, au nombre déplus de six cents, après avoir pillé leurs i richesses, évaluées à plusdedeux cent milleducals. Le même jour que celte irruption ruinait le commerce vénilien au fond de la mer Noire, un ouragan, tel qu’on n’en avait point vu de mémoire d’homme, semblait menacer Venise même d’une destruction totale. Les vaisseaux arrachés de leurs ancres étaient brisés contre le rivage, ou jetés dans la haute mer; tous les arbres déracinés; les édifices renversés; la mer furieuse semblait vouloir anéantir Venise. Le dommage fut incalculable. Environ un an après, un complot fut formé, ou plutôt un murmure fut proféré contre les patriciens. Deux citadins, l’un nommé François Baudouin, l’autre Barthélemi Anselme, causant un jour avec l’abandon de l’amitié, se communiquèrent les sentiments d’indignation que leur faisait éprouver l’insolence de la noblesse. Le premier osa dire qu’il n’était pas impossible de la réprimer; que, si les citoyens riches voulaient assembler leurs créatures, ils se déferaient des patriciens les plus odieux et du conseil des Dix. Cette confidence effraya tellement l’inlerlocuteur, qu’il courut dénoncer son ami, qui fui pendu le lendemain, et le dénonciateur fut agrégé au patricial. Telle est l’origine de la noblesse de la maison Anselmi. VI. Les Vénitiens, en portant en Dalmatie leur pavillon et leur esprit d’envahissement, avaient fait, selon Ladislas, une acquisition légitime ; mais aux yeux de Sigismond, ce ne pouvait être qu’une usurpation. Sigismond n'était pas seulement l’heureux compétiteur de Ladislas, il venait d’ètre appelé au trône impérial, et, ceint d’une double couronne, il s’avancait à main armée pour descendre des montagnes du Frioul, et entrer sur le territoire vénitien. L’évèque d’Aquilée, dont les Etats allaient être traversés et ensanglantés, s’enfuit à Venise. La sei-neuric prit toutes les mesures indiquées par les localités pour défendre les passages par lesquels ou pouvait pénétrer dans son lerriloire. Un retranchement de vingt-deux milles de développement fut Iracé sur la frontière. Douze mille hommes de milices furent rassemblés pour la défense de ces lignes. Chaque ville fournit un contingent de lances et de chevaux, et on en forma une petite armée mobile, dont le commandement lut donné à Thadéo Dal Verme, qui conduisit assez mal les affaires, pour qu’on lut obligé de le remplacer par Charles Malatesta, dès la première campagne (1411). Ces préparatifs de guerre nécessitèrent de nouvelles mesures de finance, pour subvenir à une dépense qu’on évaluait à soixante mille ducats par mois. Le gouvernement provoqua des dons patriotiques; on soumit à des taxes les officiers de justice et beaucoup d’employés de l’administration. On abusa du monopole du blé. On augmenta les droits