300 HISTOIRE DE VENISE. Pendant ce lemps-là, le pape ouvrait son concile de Latran, qui se déclarait œcuménique et cassait tous les décrets du conciiede Pise. L’empereur venait de prolonger sa trêve avec les Vénitiens. Le roi d’Angleterre accédait publiquement à la sainte-union , et en déclarant la guerre à la France, forçait le roi de rappeler quatre cents gendarmes de son armée d’Italie. Il est vrai que Louis XII venait de conclure un traité avec lesFlo-rentins, qui s'étaient engagés à lui en fournir autant ; c’était avec ce seul secours que la France allait avoir toute l’Europe à combattre. Le roi s’était empressé d’accepter toutes les conditions stipulées dans les préliminaires déjà signés par le pape ; mais on juge que , dans ces nouvelles circonstances, Jules était plusdéterminéque jamais à suivre la passion qui l’animait. Pour colorer son manque de foi, il assembla le consistoire, où les cardinaux, opinant selon ses inspirations, lui représentèrent que les conditions qu’il avait souscrites , n’étaient que des conditions provisoires ; qu’elles étaient trop contraires aux intérêts de l’E-glise, pour qu’il..pût en conscience les tenir ; et Jules, feignant de céder à leurs sollicitations, rétracta solennellement l’engagement qu’il avait pris. XIX. La Palisse avait à faire face à l’armée de l'union, qui se réorganisait dans la Rornagne , aux Suisses, qui se rassemblaient au nombre de vingt mille hommes, et aux Vénitiens, qui étaient parvenus à former une nouvelle armée de huit cents gendarmes, autant de chevau-légers, et six mille hommes d’infanterie. 11 n’y avait pas moyen de garder une multitude de places, à moins de renoncer à tenir la campagne. Le général français rappela toutes les garnisons, même celle de Vérone, et celles de la Romagnc. Vérone n’en avait pas besoin, puisqu’elle appartenait à l'empereur, qui était en état de trêve avec les Vénitiens; mais toutes les autres places furent réoccupées par les alliés, aussitôt qu’évacuées. Les Suisses, chez qui le cardinal de Sion avait prêché une espèce de croisade contre les Français , descendirent en Italie sous la conduite de ce prélat, et au lieu do commettre , comme dans leurs expéditions précédentes , la faute de mettre plusieurs rivières entre eux et les Vénitiens, auxquels ils voulaient se joindre , ils prirent leur route par Coire, par Trente, où l’empereur les laissa passer sans opposition, et descendirent le (1) « Cardinalis de Sion sciipsit forli (ail pape) ut milteret ei victualia pro trigenta milllbus personis. » (Dépêche de l’an! de Laude, secrétaire d’ambassade autrichien. Recueil des lettres de Louis XII, t.III, p.267.) Cet agent diplomatique, au lieu de nommer les personnages dont il pat le, emploie pour les désigner des dénominations de conven- long de l’Adige, jusque dans le Véronais, où ils opérèrent leur jonction avec l’armée de la république. La Palisse n’avait pas plus de douze mille hommes à opposer à cette armée combinée, qui en comptait au moins trente mille (1). Il faisait bien, en toute hâte, des levées dans le Milanais; mais l’empereur, jetant le masque, publia un monitoire qui ordonnait à tous les sujets de l’empire de quitter le service de France ; de sorte que les lansquenets abandonnèrent les drapeaux du roi. L’opinion des Français eux-mêmes, sur la légitimité de cette guerre contre le pape , était tellement ébranlée , que , dans Milan, sous les yeux du concile qui venait de déclarer Jules déchu de la tiare, l’arrivée du cardinal de Médicis prisonnier, avait excité une nouvelle ferveur de dévotion dans toutes les consciences timorées. On courait en foule à ses pieds s’accuser d’avoir servi contre le saint-père, et il ne manquait pas de donner l’absolution aux soldats qui promettaient de ne plus porter les armes contre l’Eglise, et surtout à ceux qui désertaient. D’autres causes contribuaient encore à affaiblir l’armée française. L’une était la division qui s’était manifestée parmi les généraux; l’autre, l’inconstance trop naturelle à la nation, qui leur avait fait prendre en aversion le séjour de l’Italie; de sorte que les soldats, les officiers, n’étaient pas moins impatients que l’ennemi de voir Louis XII dépouillé de son duché de Milan. Cette maladie, que les Français sont sujets à gagner si subitement, leur a fait perdre plus de conquêtes que les batailles malheureuses. La Palisse était campé au delà du Mincio, lorsque les Vénitiens et les Suisses opérèrent leur jonction. Dès qu’ils firent mine de s’ébranler, il fut obligé de repasser cette rivière. Il proposa à ses of-liciersde se retrancher au moins sur l’Oglio; mais il n’y eut qu’un cri contre cette proposition, non pas tant parce qu’elle était hasardeuse, que parce qu’elle retardait leur retour en F’rance. Il fallut s’affaiblir encore pour jeter quelques compagnies de gendarmes dans les forts de Brcscia, de Bergante et de Crémone, et se replier sur l’Adda, avec trop peu de monde, même pour en défendre le passage; de là il se retira sur Pavie. Pendant qu’il en disputait l’entrée aux ennemis, pour se donner le temps de traverser le Tésin, les alliés enfoncèrent les portes, lion : Fortis et le pape, Dubius Louis XII, polens l’Angleterre, perditus le duc de Gueldres, Cupidus le duc de Bourbon, Dutcis l’empereur, pessimi les Suisses, virlus l’évéque de Gurck, irati les Espagnols, spes le roi d’Arra-gon, Rcatus le nonce, et vulpes le gouvernement vénitien.