LIVRE V. 73 Ire petits-fils de Louis-le-Gros) (1), parvint à réunir une armée de cent quarante chevaliers, et d’environ cinq mille hommes, pour venir prendre possession de l’empire d’Orient (1216). Il eut recours aux Vénitiens pour son passage. I,a république exigea que l’empereur et sa petite armée, en reconnaissance de ce service, lui fissent restituer la ville de Durazzo, que le prince d’Épire occupait. On l’assiégea, mais sans succès. Débarqué en Épire, Pierre de Courtcnai entreprit de pénétrer par terre jusque dans ses Élats. Il fallait traverser ceux de Théodore Lange, à qui on venait de déclarer la guerre, en attaquant la ville de Durazzo. Cette imprudence eut le résultat qu’elle devait avoir. L’armée du nouvel empereur fut retardée, égarée, enveloppée dans sa marche, puis affamée et réduite à mettre bas les armes. Courtenai et le légat qui l’accompagnait se virent prisonniers du despote d’Épire. Le pape lança les plus terribles anathèmes contre Théodore. Ce prince conjura l’orage, en renvoyant le légat, et retint l’empereur, qui mourut dans sa captivité. VIL Robert de Courtenai, second fils de Pierre, fut appelé sur ce trône que son père n’avait pu occuper. Il arriva à Conslanlinople par l’Allemagne et par la Hongrie; mais il s’y trouvait resserré par trois voisins dangereux. Théodore Lange avait enlevé la Thessalie au fils du marquis de Monlferrat, s’était emparé d’Andrinople, et avait pris le litre d'empereur de Thcssalonique. Les empereurs de ¡Nicée et de Trébizonde, qui étaient alors Jean Va-tace et David Comnène, pressaient, d’un autre côté, le nouvel empereur latin. Contre tant d’ennemis il n'avait de secours que les excommunications du pape. Les Vénitiens auraient pu le servir plus utilement; aussi prenait-il grand soin de les flatter. Il n’écrivait jamais au doge qu’en lui donnant le titre de collègue. Mais jes révoltes de Candie exigeaient, dans ce moment, l’emploi des forces de la république. Robert n’était pas d’un caractère à conquérir son empire ni l’amour de ses sujets. Vaincu par Jean Vatace, sans avoir combattu en personne, il perdit, dans une bataille, la plupart des chevaliers qui lui étaient restés attachés, et tandis qu’il ache- (1) Reginald de Courtenai, dont l’abbé Suger raconte les rapines dans ses lettres 114 et 116, maria sa fille Elisabeth à Pierre de France, septième fils de Louis-le-Gros, en exigeant que ce prince prît le nom et les armes de la maison de Courtenai ; ce fut de ce mariage que naquit Pierre de Cour-tenai,empereur de Conslanlinople. Ainsi les Courtenaide la branche de France ne descendaient point de la maison de Courtenai par les mâles, mais par Elisabeth, fille de Regi-uald de Coiirtenai. C’élaient des descendants de Louis le-C-ros, qui avaient pris le nom de Courlcnai, et qui par con-ti'Tflént Liaient réellement de3 princes du sang royal de tait la paix avec l’empereur de Nicée, par la cession de toute la côte méridionale du Bosphore, il vit les troupes de l’empereur de Thessalonique se présenter jusque devant les faubourgs de Constanti-nople (1221). Comme si ce n’eûl pas élé assez de ces désastres, il acheva de se perdre par une folle passion. Il y avait à Conslanlinople la veuve d’un chevalier français, qui venait de fiancer sa fille à un chevalier bourguignon. L’empereur, devenu éperdument amoureux de cette demoiselle, offrit sa inain, sa couronne, et obtint que la mère et la fille vinssent habiter son palais. On ignore si le mariage avait été célébré. Le chevalier bourguignon, furieux de se voir enlever l’épouse qui lui avait élé promise, assemble ses amis, attaque le palais, au milieu de la nuit, en force la garde, et, pendant que Robert se cache, ce rival furieux pénètre jusqu’à l’appartement des deux dames françaises, précipite la mère dans le port, coupe le nez et les lèvres à la fille, et laisse dans cet état la maîtresse ou la femme de l’empereur. Celui-ci, au lieu de faire punir ce crime, se sauva de Constanlinople, et alla implorer la protection du pape. Sa mort, qui suivit de près celte fuite, faisait tomber la couronne sur la tète de son frère Baudouin; mais on ne pouvait pas songer à confier l’Empire, dans des circonstances si difficiles, à un enfant de dix ans. VIII. Les barons appelèrent un chef qui en avait quatre-vingts; c’était Jean de Brienne, seigneur champenois, illustre par de grands exploits, de grandes alliances et de hautes vertus. Le trône do Jérusalem étant venu à vaquer, le roi Philippe-Augusle l’avait désigné pour le remplir; mais Jean s’en était vu déposséder par l’empereur Frédéric II, son gendre (1228). On convint que le roi de Jérusalem, car il conservait ce titre, serait reconnu empereur d’Orient, et qu’il marierait sa fille au prince Baudouin de Courtenai, lequel serait empereur après lui. lin arrivant dans sa nouvelle capitale, deux ans après son élection, il la trouva menacée par une ligue, que Jean Vataee, empereur de Nicée, avait formée avec le roi des Bulgares et l’empereur de Trébizonde. Le France. Quand le parlement de Paris voulut rejeter leurs prétentions à ce titre qu’ils invoquaient contre les maisons de Valois et de Bourbon, il établit en principe qu’il fallait compter la filiation, non depuis Louis-le-Gros ou Hugues Capet, mais depuis saint Louis seulement: « Principisnomen nusquam in Galliâ tributum nisiiis qui per mares et regibus noslris oiiginem repetunt, qui nunc lanliim à Ludovico nono beatæ memoritc numerantnr; nam Cortinaîi et l)ro-censcs à Ludowco crasso genus ducenles hodiè inter cos i minime rccensentur. » (De Tjioh.)