408 HISTOIRE DE VENISE. çais, si l’empereur eût mis dans scs manœuvres autant do rapidité qu’il paraissait cette fois y mettre de résolution. Heureusement, il perdit du temps à s’emparer de cette multitude de petites places qui sont toujours le prix assuré d’une première victoire. Quand il se présenta devant Pizzighitone, pour y passer I’Adda, il y trouva quelque résistance ; il remonta un peu plus haut, franchit le fleuve à Rivolta, et envoya l’ordre aux Milanais de lui apporter les clefs de leur ville. Bourbon, Trivulce, Lautrec, y étaient réunis; mais ils n’avaient pas plus de huits cents gendarmes et de sept mille hommes d’infanterie, pour contenir une ville populeuse et arrêter une armée formidable. Cette armée n’était plus qu’à deux lieues de Milan, lorsquelesdix mllleSuisses dont on avaitsol-licité le secours y entrèrent. On avait même perdu l’espérance de les voir arriver, parce qu’on était instruit que les cantons, voyant à regret leurs citoyens à la solde de deux puissances ennemies, et sur le point de s’entr’égorger, les avaient rappelés tous dans leur pairie. L’oflicier qui commandait les dix mille hommes venus au secours des Français, se trouva être un partisan zélé de la France. Il avait reçu en roule l’ordre de rétrograder; mais, sous prétexte de quelque malentendu, il en avait éludé l’exécution. Son arrivée inspira de la confiance aux Français, qui, depuis plusieurs jours, travaillaient à rendre Milan susceptible de défense. La destruction entière des faubourgs de cette riche capitale, annonçait la ferme résolution d’en disputer l’entrée. Maximilien touchait au but de son entreprise. Sur le point de la terminer, il s’arrêta. Les réflexions, les inquiétudes l’assaillirent; et son caractère d’irrésolution reprit le dessus. Il considérait que son armée était toute composée de soldats dont la fidélité n’était point à l’épreuve d’un retard de paye; que son inexactitude à cet égard était généralement connue ; que les Suisses avaient livré l’ancien duc de Milan, sans avoir aucune raison de le haïr; qu’ils pouvaient le trahir aussi lui-même, étant les ennemis naturels de sa maison. On dit que le maréchal de Trivulce le confirma dans ses soupçons, en faisant tomber entre ses mains une fausse correspondance, qui tendait à faire croire que les Suisses de l’armée impériale étaient d’intelligence avec les Français. Telle était la facilité de ce prince à abandonner comme à concevoir scs entreprises, que, sans considérer qu’il n’avait pas reçu le moindre échec, et que son armée était encore deux fois plus forte que l’armée française, il renonça tout à coup à ses conquêtes, à Milan, à l’Italie. Il jeta précipitamment les Suisses dans Lodi, repassa l’Adda avec les Aile- mands, et se retira vers Bergamc. Il semblait que l’armée française fut à sa poursuite. Elle n’en avait garde. Elle ne pouvait même pénétrer les motifs de celte retraite, et elle était obligée de se séparer de scs dix mille Suisses, que les ordres réitérés de leur gouvernement rappelaient. Ceux qui servaient dans l’armée de l’empereur reçurent le même ordre, et retournèrent aussi dans leur pays. Alors Maximilien, songeant que le passage de l’Adda n’était plus gardé, que les Français et les Vénitiens pouvaient marcher sur lui d’un moment à l’autre, ne sut plus résister à une terreur inexplicable dans un homme de sens, dans un guerrier qui avait de l’expérience, de l’habileté : il se sauva plutôt qu’il ne se retira à Trente, laissant son armée derrière lui; mais oubliant tellement de pourvoir à ses besoins et à sa solde, qu’elle se débanda bientôt après. Tout ce que ses généraux purent faire, ce fut d’amener jusqu’à Vérone le peu de soldats qu’ils étaient parvenus à retenir sous les drapeaux. Aussitôt après ce départ, Bergamc et toutes les autres petites places ouvrirent leurs portes aux Vénitiens. Lautreeet Trivulce allèrent mettre le siège devant Brescia, qui, ballue par quarante-huit pièces de grosse artillerie, capitula après une courte résistance. Les Vénitiens rentrèrent dans cette place le 24 mai 1516, sept ans après l’avoir perdue. XVIII. On se préparait à faire le siège de Vérone, la seule place qui restât à reconquérir. Le sénat, et surtout le provéditeur Gritti, pressaient vivement cette entreprise; mais Lautrec, au lieu de la favoriser, s’y opposait, et dirigeait ses troupes vers le Milanais. Les mois de juin et de juillet se perdirent à combattre tous les prétextes qu’il imaginait successivement pour ne point agir; enfin, on commença le siège, non sans beaucoup d’objections de sa part; il fit cependant donner un assaut ; mais les premières attaques n’ayant point réussi, les Vénitiens prirent, dit-on, la résolution de réduire, par la lamine, une ville qui leur appartenait. Rien ne put déterminer Lautrec à rester devant la place. Celle inexplicable froideur, qui avait tous les effets de la malveillance, et lesinlrigues du pape pour former une nouvelle ligue, causaient une mortelle inquiétude aux Vénitiens : ils découvrirent enfin que Lautrec n’avait fait que se conformer à ses instructions, lorsqu’on apprit qu’un traité de paix venait d’être signé, le 15 août 1816, à Noyon, entre le roi d’Espagne Charles et François Ier. Quoique les puissances belligérantes ne fussent point intervenues dans ce traité, il réglait les affaires de l’Italie. 11 y était stipulé, entre autres conditions, que l’empereur, aïeul du nouveau roi d’Espagne, serait compris dans le traité, moyennant qu’il consigne-