LIVRE PREMIER. 7 .*■ nativement une partie de la r^uge, et montre tour V à tour une terre contiguë et des Iles coupées te par des canaux. Comme des oiseaux aquatiques, « vous avez dispersé vos habitations sur la surface * de la mer. Vous avez uni les terres éparses, op-« posé des digues à la fureur des Ilots. La pêche h suflit à la nourriture de tous vos habitants. Chez « vous le pauvre est l’égal du riche : vos maisons ■i sont uniformes; point de différence entre les con-« ditions; point dejalousie parmi vos citoyens. Cette égalité les préserve du vice. Vos salines vous tien- ■ « nent lieu de champs : elles sont la source de vos « richesses, et assurent votre subsistance. On ne « peut pas se passer de sel, on peut se passer d’or. * Soyez diligents à tenir vos bâtiments prêts pour « aller chercher les huiles et les vins en lstric, « aussitôt que Laurcnlius vous en aura donné « avis. » | Cette lettre d’un ministre du roi des Ostrogoths aux magistrats d’une république de péchetirs, est écrite en style de rhéteur, mais elle peint la simplicité, la sagesse, l'industrie et la prospérité de cet État naissant. On en a commenté les expressions awc beaucoup de soin, pour savoir ce qu'on devait en conclure pour la dépendance ou l'indépendance de Venise, relativement au maître de l’Italie. •V Quoique pleine d’urbanité, elle contient évidemment un ordre. Les formules en sont impérieuses. n’est pas ainsi que l’on demande un service à qui ne nous le doit pas. Il n’y est fait mention ni d’un payement, ni d’un dédommagement quelconque. Bans un autre passage des lettres du même ministre, on voit le roi des Ostrogoths pourvoir aux besoins des insulaires dans un temps de disette. I 11 serait difficile de croire que le conquérant, qui prétendaitsûrementsuccéder à tous les droits d’Au-jjustule, eût reconnu formellement l'indépendance d'un Etat si nouveau, si faible et si voisin ; et il est plus que probable que cet État, qui devait être alors plus jaloux de sa liberté réelle que de son indépen-Hlance politique, ne se refusait pas à payer quelques tributs au nouveau maître de l’empire d’Occident, ‘^u à s’en acquitter par quelques services. f Les Vénitiens ont beaucoup écrit pour prouver ^'indépendance absolue et immémoriale de leur pa-■rie. Cette prétention a été vivement attaquée, pro-§j|9ablcment avec raison. Il n’est pas dans la nature Hges choses qu’une ville naissante, située si près d’un Sïtal puissant, ait été indépendante dans l’origine. "Pliais cela n’intéresse nullement la gloire de Venise. On sait bien qu’il n’y a d’indépendants que les forts. La gloire véritable est de l’être devenu. XI. Ce peuple eut bientôt après l’occasion de faire un acte de souveraineté. Il était obligé à la guerre. |p>c nouveaux barbares, connus sous le nom d’F.scla- vons, le menacèrent sur son propre élément. Ifs s’étaient répandus sur les côtes de l’Adriatique. Maitres de PIstric, établis dans la valléede N a renta, au fond du golfede ce nom, ces brigands devinrent des pirates fort incommodes pour leurs paisibles voisins. Il fallut armer des vaisseaux pour les punir, et cette guerre, qui accoutuma la république à l’essai de scs forces, la mit eu état de repousser par la suite des ennemis plus dangereux. Venise ne fut délivrée des Esclavons que longtemps après. Protégée par des vaisseaux armés, jalouse de son commerce, elle lit un nouvel acte d’indépendance, en interdisant la navigation de ses lagunes aux peuples du continent voisin, et même à ceux de l’adoue, son ancienne métropole. XII. On conçoit facilement que, pour faire la guerre, pourdonnerdela vigueurau gouvernement, il fut nécessaire de resserrer les liens de l'administration, et de diminuer le nombre des chefs qui y prenaient part. Chacune des Iles avait eu d’abord son magistrat, cl ces magistrats égaux entre eux, ne relevaient que du conseil général delà nalion. Mais ces Iles n'étaient pas toutes de la même importance. Il parait qu'on accorda un pouvoir plus étendu, d’abord à un tribun, en ¡503, ensuite à dix en 874, puis à douze en 0154, cnliu à sept. Les magistrats des iles principales furent appelés tribuns majeurs; les autres, tribuns mineurs : ceux-ci relevaient des premiers. On ne sait pas si l’assemblée générale se formait des uns et des autres, ou des tribuns majeurs seulement; mais il est probable que ceuxquiavaient déjà exercé cette magistrature et les citoyens les plus considérables avaient le droit d’y siéger. On est réduit à des conjectures sur l’organisation politique de cet État naissant. Les notions sur scs moyens de prospérité ne sont guère plus positives. Cette peuplade de fugitifs, qui s’était jetée précipitamment dans des Iles désertes, ne pouvait y avoir apporté de grands moyens d’industrie; mais elle sortait de villes naguère florissantes par le commerce. Strabon vante les manufactures de I’adoue, qui fournissaient à Rome une grande quantité de draps et d’autres étoffes. Aquilée faisait un commerce considérable avec la Pannonie, et l’on prétend que les marchandises qu’elle expédiait descendaient, par le Danube, jusque dans la mer Noire. Ces deux villes recevaient, par l’Adriatique, les productions de tout le littoral de la Méditerranée. Il était naturel que les exilés portassent dans leur nouvel asile quelques notions commerciales; mais leur industrie n’y trouvait qu’un petit nombre d’objets sur lesquels elle put s’exercer. Les bancs de sable où ils venaient de s'établir étaient peususcep-