LIVRE XIII. 205 perte était résolue , il monta à cheval, sortit rapidement des États qu’il avait conquis à Visconti, et chercha un asile sur le territoire vénitien. IX. C’était à l’époque où une troisièmeambassade des Florentins sollicitait de nouvîau la république d’entrerdans la ligue formée contre le duc de Milan. Celui-ci, de son côté, avait envoyé des ministres à Venise pour prévenir Gette rupture. Ainsi la sei-ggeurie voyait ces deux puissances plaider en quelque sorte leurs droits devant elle et se disputer son amitié. Admis dans le conseil delà seigneurie, les envoyés de Florence s’exprimèrent à peu près en ces termes: « Seigneurs, nous n’avons cessé de vous solliciter de « prendre part à la guerre contre le duc de Milan, ii Notre intérêt réclame ce secours, nous ne le dissi-« muions pas; mais ne vous dissimulez pas non plus « que l’intérêt de votre république vous conseille « cette résolution. Déjà , faute d’avoir uni nos for-« ces, Visconti s’est emparé de toute la Lombardie ; u vous avez refusé votre secours aux Génois, ils « l’ont reconnu pour maître. Abandonnés par vous, « nous succomberons,et le voilà roi! Bientôt, à vos « propres dépens, vous le ferez empereur. « Depuis que sa maison est sur le trône, nous « avons eu à la combattre, cl songez que vous avez « les même droits que nous à son inimitié. Le duc « est encore plus irrité de notre indépendance que « jaloux de notre prospérité. C’est la passion com-« mune à tous les princes d’aspirer à détruire tout « ce qui veut être libre autour d’eux. Ne vous as-« surez point en votre puissance : vous avez trop « bien observé les progrès de la sienne pour ne pas « la juger dangereuse. Attendrez-vous qu’elle soit ii devenue insurmontable, pour entreprendre de « l’arrêter, lorsque vous vous trouverez seuls à « lutter contre elle? « Si nous vous pressons de nous secourir, c’est « parce que le péril est commun, c’est parce que ii nous savons prendre aussi notre part des charges « de la guerre. 11 y a longtemps que nous soutenons ii celle-ci avec d’immenses efforts. Elle nous coûte ii plus de deux millions de florins d’or, c’est-à-dire « plus que ne vaut la ville entière de Florence. " Nous avons dépouillé de leurs bijoux nos femmes « et nos filles; nous avons dispersé nos richesses *i dans l'Italie, pour subvenir à tant de dépenses. « Mais il nous reste encore du sang à répandre. « Vous verrez si nous demandons à être secourus » pour rester oisifs. Sauver notre liberté, c’est as-« surer la vôtre ; le danger qui nous presse vous al-« tend. Nous sommes autorisés à souscrire aux con-•i (lilions qu’il vous paraîtra juste de proposer pour ■i cette alliance. » Les ambassadeurs milanais,à leur tour, obtinrent audience le lendemain. « Nous ne venons point, di-« rent-ils, solliciter une amiiié que vous avez jurée, « et que les procédés constants de la seigneurie nous « garantissent. La maison de Visconti est dès long-« temps amie de votre république; vous avez prouvé « la constance de vos sentiments, pendant la mino-« rité de nos princes et les discordes civiles qui en « ont été la suite. De son côté, le duc Philippc-ii Mario a montré qu’il avait hérité pour vous de « tous les sentiments de ses pères. Vous possédez « Vérone, Vicence, Padoue, qui ont appartenu à sa « maison. Devenu votre voisin, par l'effet de vos « conquêtes, il n’a eu avec vous aucun différend. Il « s’est montré juste, modéré, pacifique. Vous ap-« préciez sans doute ce qu’elles valent, ces imputa-u tions que l’on fait si gratuitement aux princes de « ne pouvoir souffrir des Étals libres dans leur voi-« sinage. Comme si des rapports d’amitié étaient « impossibles enlre le gouvernement d’un seul et le u gouvernement de plusieurs; comme si le témoi-ii gnage do l'histoire ne réfutait pas ces vaines dé-ii clamations; comme si la plus heureuse harmonie « n’avait pas existé depuis longtemps enlre la sei-« gneurie et les Visconti. Qu’avons-nous à gagner « les uns ou les autres dans cette guerre? Quelle ii assurance avez-vous besoin de chercher contre « l’ambition qu’on reproche au duc de Milan? Mais « qui peut lui reprocher celle ambition? Ce n’est « pas assurément votre république. Ce sont les Flo-« rentins qui l’en accusent, et pourquoi? parce qu’il u leur fait la guerre. Sans doute il la leur fait; mais « s’ils onl élé les agresseurs, est-il raisonnable de « lui reprocher une rupture qu’il n’a pas dépendu « de lui d’éviter? ii Or, qui de vous ne se rappelle que le prétexte « des Florentins a élé l’occupation de Forli par « quelques troupes du duc? Qui de vous ignore que « celte occupation n’était ni une prise de posses-« sion, ni une mesure hostile? que le duc envoyait « prendre seulement l’administration de Forli, u comme exécuteur testamentaire du prince dé- ii cédé, à sa prière et au nom du prince mineur? « et quel intérêt les Florentins avaient-ils dans tout « cela ? Forli ne leur appartenait point. ii Ce sont donc les Florentins eux-mêmes qui l’ont « forcé de porter ses armes au delà des Apennins , « où aucun intérêt ne l’appelait. On l’a mis dans la u nécessité de se défendre : est-on en droit de se ii plaindre de ce qu’il a pris l’offensive? est-il juste « de voir dans ses succès la preuve de son ambi-« tion? et ne faut-il pas plutôt y reconnaître un té- ii moignage de la justice de sa cause, approuvée par « le Ciel môme ? « Depuis que l’orgueil des Florentins a été confondu par nos victoires, le duc a manifesté sa mo-