LIVRE XII. 18Ü sur le sel, on en établit un de vingt sols par aune sur les draps et sur les toiles. On multiplia les emprunts; Padoue prêta sept mille ducats; Viccnce huit mille, Vérone dix mille. Le conseil confia la conduite de toutes les affaires militaires à une commission qui, partout ailleurs qu’à Venise, aurait été jugée trop nombreuse pour pouvoir faire espérer de la diligence et de la discrétion, car elle était composée dé cent vingt-neuf patriciens. Les affaires des Vénitiens allèrent fort mal pendant la première campagne. Le général des Hongrois était un Florentin nommé Pippo. Il passa le Tagliamento, franchit tous les défilés du Frioul, se présenta, le 22 avril 1411, devant les lignes, et les emporta presque sans combattre, par la lâcheté et l’inexpérience des milices, qui se débandèrent à l’aspect de l’ennemi. Dès que cette irruption fut opérée, Bellune chassa le podestat vénitien, et ouvrit ses portes aux Hongrois. Serravalle, Feltre, Motta, ne firent aucune résistance. Sacile, Cor-dagnauo, Val di Marino, Castelnuovo, furent emportés ou se rendirent. Il n’y eut que Caslelfranco, Conegliano, Azolo, Noale et Oderzo, dont la défense fut honorable. L’ennemi se répandit dans toute la province de Trévise, il pouvait attaquer la capitale. Il fallut pour l’arrêter avoir recours à d’autres armes. Heureusement Pippo n’était point inaccessible à la corruption. Vaincu par les présents des Vénitiens, il se hâta de prendre des quartiers d’hiver, et repassa même les montagnes, sous prétexte d’y être plus en sûreté. La seigneurie employa cet intervalle de repos à renforcer ses troupes et scs places, à punir sévèrement les officiers lâches ou infidèles à qui on imputait les pertes de la campagne précédente, et surtout à nouer des négociations pour la paix. Le roi ne la refusait pas absolument, il consentait même à ce que Zara restât à la république; mais il exigeait qu’on lui rendit Sebenigo et les autres places, qu’on réparât le dommage qui y avait été fait, que six cent mille ducats lui fussent payés en indemnité des frais de la guerre, que la seigneurie lui envoyât tous les ans un cheval blanc ou un faucon, à titre d'hommage pour la possession de Zara, et qu’elle lui accordât un libre passage sur son territoire pour aller à Rome. Les Vénitiens avaient bien pu se soumettre à payer on tribut aux Turcs, mais ils ne voulaient pas se recomiailre vassaux du roi de Hongrie. Ils pouvaient encore moins consentir à lui donner passage pour venir en Italie , où il aurait fini par dominer. Au commencement de la campagne de 1412, ils tâchèrent de porter la guerre dans le Frioul. Udine fut prise et reprise. On se disputa plusieurs châteaux. Dans une première bataille, les troupes vé- nitiennes eurent un plein succès. Le général ennemi fut tué avec quinze cents des siens; mais Sigismond s’avancait en personne, menant à sa suite les héritiers des maisons de Carrare et de la Scala, ce qui annonçait évidemment le projet de dépouiller la république de la souveraineté de Padoue el de Vérone. Il fallut se replier sur Bellune, ensuite dans le Trévisan, laisser même les ennemis s’avancer sur le territoire de Padoue et les voir mettre le siège devant Vicence (1412). On avait eu la précaution d’enlever toutes les subsistances qui se trouvaient dans la campagne ou dans les places ouvertes. Les Hongrois éprouvèrent de grandes privations. Le siège de Vicence traîna en longueur. Il leur coûta plus de trois mille hommes. Cette armée, sans avoir été battue, se trouva réduite de moitié. Elle fil un mouvement de retraite; aussitôt les iroupes vénitiennes et les paysans se mirent à sa poursuite pour la harceler, et lui firent éprouver une perte considérable lorsqu’elle voulut repasser la Piave. VII. Les Hongrois passèrent l’hiver occupant le pays de Feltre, le Frioul, et menaçant les places de l’Istrie, pour attirer de ce côté les forces de la république. Enfin, le 18 avril 1415, une trêve de cinq ans vint mettre fin à ces hostilités. Cette guerre défensive avait coûté deux millions de ducats, et occasionné la dévastation de plusieurs provinces. Il en résultait pour les Vénitiens une dette considérable dont l’extinction fut le premier soin du gouvernement. Son discrédit était tel que les créances sur les fonds publics se vendaient à 58 pour cent de leur valeur nominale; on affecta à leur paiement tout le produit des sels que les lagunes fournissaient pour la consommation de Vicence et de Padoue, et un droit de 5 pour cent qui fut ajouté à la taxe dont toutes les marchandises étaient grevées. Cinq commissaires furent nommés pour diriger l’emploi de ce fonds d’amortissement. Cependant au milieu de cette guerre malheureuse les intérêts