HISTOIRE DE VENISE. renl dans Milan, laissant un grand nombre des leurs sur le champ de bataille. On peut en juger par la perte des vainqueurs, qui fut de cinq à six mille hommes. Alviane, au bruit du canon, était accouru auprès du roi, mais avec un piquet de cavalerie seulement; il suivit François lor pendant une partie de cette journée. C’est une exagération des historiens italiens de dire que l’armée vénitienne prit part à celte bataille. Elle n’arriva que sur la fin de l’action, pour se mettre à la poursuite des ennemis. Il est nalurel d’en croire un contemporain, un Vénitien, un homme dont le nom a trop ajouté à la gloire de sa patrie, pour qu’on puisse l’accuser d’avoir omis une circonstance honorable pour elle. Or, l’historien Moncenigo se contente de dire ce que je viens de rapporter. La bataille de Marignan décida les Suisses à rentrer dans leurs montagnes. Ils laissèrent seulement quinze cents hommes dans le château de Milan, où le duc s’était réfugié avec cinq cents des siens ; et la Lombardie se trouva encore une fois sous un nouveau maître. Le château de Milan et la citadelle de Crémone, seules places qui tinssent encore contre les Français, capitulèrent au bout de trois semaines. Les quinze cents Suisses se retirèrent, en se faisant même payer leur solde arriérée par le roi ; et Maxi-milien Sforce, également incapable de conjurer, de supporter et de sentir une grande infortune, alla jouir en France d’une pension; trop prompt à se consoler pour inspirer aucun intérêt. Les Espagnols ne furent pas moins diligents que les Suisses à se retirer dans leurs frontières. Il faut convenir que Cardonne agissait sagement, en évitant de se compromettre pour des alliés tels que le pape et l’empereur, et dans un pays où son maître n’avait aucun établissement à désirer. Il s’occupa donc uniquement de conserver son armée, de couvrir Naples, et ramena ses troupes dans ce royaume. Son départ rendit aux Vénitiens une pleine liberté. Ils travaillèrent à recouvrer leurs provinces. XV. Le pape, qui avait attendu l’événement pour se décider, et qui voyait avec dépit que cet événement avait été tellement favorable aux Français, qu’il ne restait plus aucun obstacle à la prise de l’arme et de Plaisance; le pape, dis-je, s'empressa d’entamer des négociations, qui se terminèrent en peu de jours par un traité de paix. On y stipulait que les villes de Parme et de Plaisance seraient remises au roi, pour faire partie du duché de Milan ; que ce prince prendrait sous sa protection le nouveau gouvernement de Florence, c’est-à-dire les Mé-dicis, et que les deux puissances contractantes s’en-tr’aideraient pour la défense de leurs Etats. Il y avait dans ce traité deux clauses qui intéressaient les Vénitiens : par la première, le pape s’engageait à retirer les troupes qu’il avait dans Brescia et dans Vérone. La seconde eût été, dans d’autres temps, une importante affaire pour la république, mais elle en avait alors de plus considérables:1e roi contractait l’obligation de faire prendre à Cervia, c’est-à-dire dans les salines du pape, tout le sel nécessaire à la consommation du duché de Milan. Ainsi les Vénitiens, qui, depuis huit ou dix siècles, jouissaient du privilège exclusif de ce commerce dans toute la Lombardie, allaient en être privés. François 1er, après avoir repoussé plutôt que vaincu les Suisses, leur fit proposer ta paix aux conditions qui avaient été arrêtées quelques jours avant la bataille de Marignan. Ces conditions se réduisaient à trois points principaux, le paiement des sommes considérables que le roi leur avait promises; ils ne pouvaient manquer de l’accepter : l’abandon de la cause de Maximilien Sforce; il n’y avait plus moyen de la défendre, puisque ce prince était en France : l’évacuation des bailliages ultra-montains dont les Suisses s’étaient emparés ; cet article éprouva beaucoup de difficultés, et fut rejeté positivement par les cinq cantons plus particulièrement intéressés dans cette clause. Mais ce refus, quoique l’objet en fut très-important, n’empêcha pas François Ior de conclure, avec les huit autres cantons, un traité qui lui donnait les Suisses pour alliés, et qui paraissait lui assurer désormais la paisible jouissance de ses conquêtes en Italie. Aussitôt après le roi repartit pour la France, en licenciant ses troupes, excepté sept cents gendarmes et dix miile fantassins. Je reviens aux événemens militaires qui concernent particulièrement les Vénitiens. XVI. Dès que la bataille de Marignan et la retraite des Espagnols eurent permis à Alviane de quitter le poste qu’il occupait sur l’Adda, il reprit, avec sa diligence ordinaire, les villes que la république avait perdues, et qui, dans ce moment, se trouvaient réduites à leurs garnisons; mais la fortune ne lui réservait pas le bonheur de couronner ses exploits par ces conquêtes devenues moins difficiles. La mort le surprit au moment où, après être rentré dans Bergame, il allait commencer le siège de Brescia. Les fatigues de cette campagne avaient épuisé le reste de ses forces. Ce général, qui devait à lui-même toute son illustration, n’avait pas été toujours heureux. On avait souvent attribué ses revers à ses fautes. On lui reprochait de s’être laissé emporter plus d’une fois par son ardeur. Peut-être son tort était-il de se faire trop facilement illusion sur l’infériorité très-réelle des troupes qu’il commandait. Mais 011 avait toujours eu à admirer en lui