LIVRE XXIV. 408 vailla ardemment à l’annuler. La division se mit dans le camp. Les partisans de la paix, au nombre de cinq ou six mille, se retirèrent. Le reste, partageant le fanatisme du cardinal de Sion, rompit le traité, et s’avança entre Monza et Milan. Ils formaient une armée d’à peu près quarante mille hommes. XIV. Milan voyait d’un côté les Suisses, de l’autre les Français. Ces deux armées allaient se disputer le pays qui est entre le Tésin et l’Adda. I’Ius loin, entre le Mincio et l'Adige, le général espagnol et le général vénitien s’observaient, pour s’empêcher l’un l’autre de donner la main à leurs alliés. Enfin au midi, sur la rive droite du l'ô, une division de l’armée française, l’armée du pape et les troupes du duc de Ferrare étaient en observation, et attendaient les événements. L’infanterie espagnole était beaucoup meilleure, mais moins nombreuse que l’infanterie vénitienne. La république avait fait un nouvel effort, et venait de mettre en campagne mille gendarmes, quatre cents chevau-légers et dix mille hommes d’infanterie. Cardonne, qui avait déjà assez affaire de contenir Alviane, craignit que, d’un moment à l’aulre, les Français ne passassent l’Adda. Cette manœuvre l’aurait mis entre deux corps plus forts que le sien, et il n’aurait pas eu de retraite, Pour échapper à ce danger, il forma la résolution d’opérer sa jonction avec les Suisses, jeta les troupes nécessaires dans Brescia et dans Vérone, et resta à la tête de sept cents gendarmes, huit cents chevau-légers et quatre mille fantassins, avec lesquels il s’agissait d’aller des bords de l’Adige aux portes de Milan. Par la route directe, il était sùr que l’infatigable Alviane le poursuivrait, l’atteindrait, et il était possible que quelque corps français s’avançât au devant des Espagnols, et leur disputât le passage de l’une des nombreuses rivières qu’il avait à traverser. Cette crainte lui fit prendre le parti de se jeter tout de suite sur la rive droite du Pô, et de remonter cette rivière jusqu’à la hauteur où devait se trouver l’armée suisse. En exécution de ce dessein, il déroba une marche aux Vénitiens, franchit le Pô à Ostiglia, au dessous du confluent du Mincio, et fit dire au général des troupes du pape de lui préparer les moyens de repasser sur la rive gauche. Alviane s’étant aperçu du mouvement des Espagnols, remonta le Pô de son côté, avec une telle diligence, qu’il arriva en quatre jours au confluent de l’Adda, et qu’ils l’aperçurent sur le bord opposé, quand ils se présentèrent pour effectuer le passage du fleuve. Les Français, avertis de l’approche des Vénitiens et des Espagnols, s’étaient avancés pour donner la main aux uns, et disputer le passage aux autres. Dans ce double objet, ils avaient choisi la position de Marignan, qui est à une égale distance de Milan, du Pô et de l’Adda. Le 15 septembre, vers les deux heures de l’après-midi, les Suisses, exaltés par les harangues virulentes du cardinal de Sion, sortirent de leur camp au nombre de quarante mille hommes, ayant avec eux sept ou huit cents cavaliers, et une vingtaine de pièces de canon, que leur avait données le due de Milan. Leur attaque fut si prompte, et les Français se gardent toujours si négligemment, que l’armée de François Ier eut à peine le temps de se mettre en bataille. L’ennemi pénétrait dans le parc d’artillerie, et l’infanterie était déjà en désordre, lorsque le roi, à la tète delà gendarmerie, chargea avec toute l’ardeur d’un héros do vingt-deux ans. Les canons qui venaient d’être enlevés furent repris ; l’action devint générale, et était encore sans résultat après cinq heures de carnage. L’obscurité, déjà profonde, sépara enfin les combattants. Chacun passa la nuit à la place où elle l’avait surpris. D’aucun côté on n’alluma des feux. Plusieurs partis égarés tombèrent au milieu des ennemis, et 'furent égorgés ou faits prisonniers. C’étaient à tout moment des alertes, des attaques, qui n’avaient été ni projetées, ni attendues. La Palisse ralliait l’avant-gardc, le maréchal de Trivulce prenait le commandement de la réserve, et le duc de Bourbon disposait l’artillerie. François Ier, pendant ce temps-là, prenait quelques instants de repos sur un affût de canon. Au point du jour le combat recommença avec une égale fureur. Les Suisses, dont la ligne débordait celle de l’armée royale, détachèrent de leur gauche une forte division, qui devait venir prendre à revers l’aile droite des Français. Heureusement le roi avait à opposer à cette redoutable infanterie, un corps de dix mille montagnards des Alpes, du Dau-phiné ou des Pyrénées, que Pierre Navarre avait organisés et armés à l’espagnole. Ce général, prisonnier de guerre depuis la bataille de Ravenne, était entré au service de France, par ressentiment contre Ferdinand d’Arragon, qui n’avait pas voulu payer sa rançon. Il se porta rapidement à la rencontre dev cette division suisse, qui fut taillée en pièces. Pendant ce temps-là, le roi, avec le reste de ses gendarmes, enfonça le centre des ennemis. Cette Seconde bataille n’avait duré que quatre heures. Un corps de douze cents Suisses, qui s’était jeté dans un village, s’obstina à s’y défendre. Ils y furent entourés, le village fut bientôt en feu, et tous périrent dans l’incendie. Les autres se retirèrent en bon ordre, quoique poursuivis par la cavalerie, et rentré-