392 HISTOIRE DE VENISE. LIVRE XXIV. CAMPAGNE DK 1513.— DIVISION DES CONFÉDÉRÉS.—RÉCONCILIATION ET ALLIANCE DES VÉNITIENS AVEC LA FRANCE. — MORT DE JULES II. —ÉLECTION DE LÉON X.—BATAILLE DE NOVARRE. — BATAILLE DE LA 5IOTTA. — CAMPAGNE DB 1514.— DÉSASTRE DES VÉNITIENS.—MORT DE LOUIS XII. — CAMPAGNE DE 1515. — ARRIVÉE DE FRANÇOIS Ior EN ITALIE.—BATAILLE DE MARIGNAN. —CAMPAGNE DE 1516. —TRAITÉ l)E PAIX DE LA FRANCE AVEC 1,E PAPE ET AVEC LES SUISSES. — PAIX GÉNÉRALE, QUI TERMINE LA GUERRE DE LA LIGUE DE CAMBRAI. 1. Les succès de la coalition avaient été si rapides, qu’on n’avait pas eu le temps de se mettre d’accord sur le partage de conquêtes inespérées. D’ailleurs, Jules II ne bornait pas sa gloire à se montrer le libérateur de l’Italie; il portait son ambition jusqu’à en être l’arbitre et le dominateur. En voyant fuir l’armée française, il oubliait qu’il était 1 ui-mêmc sur le bord de la tombe, et il lui échappait souvent de dire qu’il chasserait ainsi les autres barbares. Il entrait dans les vues de sa politique de placer sur le trône de Milan un prince incapable de lui faire ombrage, qui lui fût redevable de la couronne, et qui surtout fût l’ennemi irréconciliable de la France. Maximilien Sforce, fils du dernier duc, paraissait remplir toutes ces conditions. Gênes venait de secouer le joug : il fallait la mettre sous la domination d’une faction qui eût déjà signalé sa haine contre les Français. LesFlorentins avaient témoignéquelque attachement à Louis XII. Il fallait qu’ils expiassent cette infidélité à la cause de l’Italie par la perte de leur liberté, et qu’un maître soumis au pape répondit d’eux. Les Vénitiens avaientété rcdoutablesjils seraient abaissés. Le duc de Ferrare était le protégé du roi; il devait être dépouillé. Sa dépouille devait agrandir le domaine de l’É-glise, car c’était surtout à fonder la puissance tem- (1) o Le pape en tonie façon vcult avoir Parme et Plaisance et dit qu’elle est de l’Kglise, et faict ce pour cuider marier sa niepee au duc Ludovic. 11 veut encore avoir Fer- porelle du saint-siège que Jules II mettait la gloire de son pontificat. On a vu comment il avait acquis la Romagne, en se chargeant de l’iniquité des usurpations de Borgia et des Vénitiens; Bologne, en dépouillant lui-même les BentiVoglio. Il venait de reconquérir Ravenne, et ce fut à la faveur de cette possession, qu’il imagina d’étendre ses prétentions sur beaucoup d’autres États. L’exarchat de Ravenne était une principauté fort ancienne, qui avait éprouvé beaucoup de vicissitudes, et dont les limites avaient par conséquent changé plusieurs fois ; mais jamais elles ne s’étaient étendues que jusqu’au Tanaro. Jules, partant de fa donation de l’exarchat de Ravenne faite à l’-Église, sept cents ans auparavant, par Pépin et par Charle-magne, se mit en devoir de réclamer tout ce qui, scion lui, avait appartenu à cet exarchat. En conséquence, il fit prendre possession, au nom du saint-siége, non-seulement de Modène, qui est sur le Tanaro, mais de Reggio, de Parme, de Plaisance, qui sont bien au delà. Il disait que Parme, Plaisance, avaient été comprises dans la fameuse donation de la comtesse Mathilde (1), et il étendit ses demandes jusque sur le comté d’Asti, qui est en Piémont. Ces conquêtes lui étaient faciles.Il avait mis dans ses intérêts le cardinal de Sion, qui était le général des Suisses, en lui donnant le titre de légat de l’armée. Ce cardinal, servant les projets et même les passions de Jules, prenait possession du pays au nom de la sainte-ligue, remettait au pape les villes j’are et Modène pour luy et ja a prins Piegge. » (Dépêche de Jean le Veau,secrétaire delà légation autrichienne. Recueil des lettres de Louis XII, t. 111, p. 2'J8.)